L’événement était attendu. L’Éveil du Printemps – le nouveau musical marquait hier soir le coup d’envoi des troisièmes Découvertes Diva, au Théâtre du Petit Saint-Martin.
Une attente légitime : le musical rock avait fait l’événement à Broadway en 2006, récompensé par 8 Tony Awards (équivalent des Molières) dont celui du Meilleur Musical, et c’est cette année la seule adaptation programmée pour ces Découvertes Diva.
Les auteurs Duncan Sheik et Steven Stater (respectivement compositeur et auteur du livret et des paroles de Spring Awakening) ont pris le parti osé d’adapter en comédie musicale la célèbre pièce éponyme de Frank Wedekind. Dans celle-ci, on suit un groupe d’adolescents confrontés à la découverte de leur corps et à l’éveil de leur sexualité à la toute fin du XIXème siècle dans une Allemagne stricte.
À n’en pas douter, L’Éveil du Printemps tire sa plus grande force de la pièce controversée de laquelle il s’inspire. Longtemps censurée en raison de son caractère impudique, la pièce de Wedekind, relativement méconnue dans notre pays, offre au musical une trame dramatique solide et brillante.
Les thèmes de l’adolescence (de la rébellion au refoulement des désirs en passant par l’insouciance, l’amour, la mort) y sont abordés avec une justesse remarquable, qui réussit à ne pas infantiliser ses protagonistes.
Cependant, les chansons tendent parfois à faire retomber l’œuvre dans une vision plus stéréotype de l’âge ingrat. Le style rock-alternatif de la pièce renvoie malheureusement à plusieurs reprises vers une esthétique qui flirte avec la variété, un sentiment que renforce quelque fois le texte des chansons. Le choix n’est pourtant pas anodin et fera mouche auprès du public français, en particulier les ados et jeunes adultes qui trouveront dans cet Éveil un miroir libérateur de leurs propres angoisses et expériences.
Duncan Sheik a réussi a créer une partition d’une belle cohérence, en ayant habilement recours à des thèmes musicaux qui se font écho tout au long de la pièce. Un peu trop parfois : un certain nombre de chansons se ressemble, construites sur les mêmes harmonies, les mêmes rythmes ou phrases mélodiques. Une impression qui tient peut-être à la sélection des chansons présentées hier, L’Éveil du Printemps étant ici montré en version raccourcie pour les besoins de l’exercice spécifique de la lecture.
La troupe, hétéroclite, constitue l’atout charme indéniable de ce projet : on y retrouve des habitués du théâtre musical, la délicate Cécilia Cara en tête, accompagnée notamment d’Olivier Ruidavet, Tiffanie Jamesse, ou encore Joseph-Emmanuel Biscardi. Julien Baptist, instigateur du projet et directeur artistique, a eu l’idée audacieuse de leur adjoindre des artistes moins familiers de la comédie musicale, dont on a pu voir la plupart dans les grands concours de chanson télévisés : Yoann Pigny, Ana Ka, Nyco, ou Slimane.
L’Éveil du Printemps a fait son petit effet hier soir et espérons que le projet, déjà bien entouré et soutenu, trouvera rapidement le chemin de la scène : c’est certainement l’une des rares œuvres originales qui ait le potentiel de séduire et d’éveiller le public français à la comédie musicale.