Félicitations à Chicago. Le musical du duo Kander & Ebb, originellement ouvert à Broadway en 1975 mais surtout repris avec beaucoup de succès depuis 1996, devient aujourd’hui samedi 27 août 2011 le musical américain le plus joué de l’histoire de Broadway.
6.138 : c’est le nombre de représentations de Chicago à ce jour. Certes, nous sommes loin des 9.800 représentations de The Phantom of the Opera (encore à l’affiche aujourd’hui), et Cats ainsi que Les Misérables (qui ont fermé depuis) sont toujours en tête. Cependant, aucune de ces trois œuvres n’a été composée par des américains et n’a ouvert à Broadway. Cette date marque donc le jour où Chicago a dépassé A Chorus Line, autre œuvre américaine ayant d’ailleurs débuté la même année et dont la dernière performance a eu lieu en 1990 après 6.137 représentations.
Dans sa chronique "Broadway Recall" sur le site BroadwayWorld, Michael Dale revient sur la véritable essence de ce show. Directement dans la lignée des premiers musicals américains de George M. Cohan, Chicago reprend les bases de l’entertainment à l’américaine, art du divertissement unique au monde. Ici, pas de partition opératique aux accents pop, et la dramaturgie fait place à l’humour, ainsi qu’à de longues séquences dansées.
Alors que les spectacles européens (britanniques pour la plupart) envahissaient Broadway dans les années 1980 grâce aux rouleaux compresseurs composés avec talent par Andrew Lloyd Webber, l’idée d’origine de Bob Fosse de monter un vaudeville dans le milieu du crime des années 1930 dans la capitale de l’Illinois apparaît comme un retour aux sources. Seulement, au lendemain du scandale du Watergate et après la débâcle du Viêt-Nam, le public a besoin de légèreté et l’approche très sombre et grandiloquente de Fosse sur l’intrigue de Chicago ne rencontre qu’un succès modéré malgré le talent de Gwen Verdon et Chita Rivera dans les rôles principaux. Par ailleurs, Chicago n’obtiendra cette année-là aucune récompense majeure. En 1975, A Chorus Line semble en revanche incarner les rêves du public américain et sublimera les valeurs d’une société en plein doute. Seul hic, Chorus fera de l’ombre à Chicago, qui remballe ses cartons dès 1977.
Juin 1994. L’ancien footballeur américain O.J. Simpson fait la une de tous les journaux, sa cavale puis son procès passent en direct sur tous les écrans. Ce miroir de l’hypermédiatisation du crime tendu à l’Amérique rappelle une certaine époque où les accusé(e)s en tout genre faisaient les unes et usaient de leur charme pour leur propre publicité… Deux ans plus tard, Chicago revenait à Broadway. Ann Reinking, veuve de Fosse, revoit les chorégraphies dans l’esprit du maître. Tout est fait pour rendre le show plus sexy et vaporeux. Le succès est au rendez-vous et ne s’est pas démenti depuis. Tournées, adaptations étrangères et film à Oscars en témoignent.
Faut-il voir en la longévité de ce spectacle une certaine revanche du musical américain sur la fameuse "invasion britannique" entamée il y a déjà quelques années ? Sujet de fierté pour de nombreux puristes américains (ou américanophiles) passionnés de Broadway, Chicago a encore certainement de beaux jours devant lui. Puisse ce succès inspirer la création originale de nouvelles œuvres, et ce, à Broadway, comme ailleurs…