Depuis le 15 septembre dernier, La Famille Addams – La comédie musicale a investi le théâtre du Palace dans une version française adaptée et mise en scène par Ned Grujic. Et malgré quelques petits défauts, on ne peut que se laisser embarquer avec plaisir par la troupe d’artistes talentueuse qui campe cette célèbre famille aux mœurs macabres et déjantés. Bienvenue chez les « freaks » !
Aussi macabres que drolatiques, nés dans les années 1930 sous le crayon d’un Charles Addams largement inspiré par sa propre famille, les membres de La Famille Addams sont depuis passés par tous les formats : de la bande-dessinée pour le New Yorker à une série télévisée, en passant par un film devenu culte sorti sur les écrans en 1991 et, enfin, par une comédie musicale créée à Broadway en 2010 par le tandem Rick Elice/Marshall Brickman, avec Andrew Lippa à la musique et aux paroles.
Récemment, le duo formé par Lorenzo Vitali et le metteur en scène Ned Grujic (Shrek le musical ; Frankenstein Junior) a eu l’idée de transposer le musical sur la scène parisienne. C’est chose faite au théâtre Le Palace depuis le 15 septembre 2017, dans une adaptation signée Ned Grujic avec notamment Raphaël Sanchez (Avenue Q ; Spamalot) à la direction musicale, Julia Ledl (Le Livre de la Jungle ; La Revanche du Capitaine Crochet) aux chorégraphies et Christopher Lopez (Hit Parade ; Dirty Dancing) en tant qu’assistant à la mise en scène et aux chorégraphies.
Des airs de Broadway
L’histoire du spectacle est exactement la même qu’à Broadway : la jeune et sinistre Mercredi, fille aînée de Gomez et de Morticia Addams, tombe follement amoureuse de Lucas Beineke, un garçon tout ce qu’il y a de plus ordinaire et issu d’une famille d’américains moyens, avec qui elle compte bien se marier. Une décision qu’elle tente au départ de cacher tant bien que mal à sa mère Morticia, jusqu’au soir fatidique où un dîner est organisé dans le manoir victorien des Addams afin que les deux familles se rencontrent…
Malgré un argument léger et une trame narrative façon vaudeville qui repose uniquement sur les quiproquos entre les trois couples Mercredi/Lucas, Morticia/Gomez et les Beineke Alice et Malcolm, un constat majeur s’impose dès la scène d’ouverture chorale sur « Pour être un Addams » : nous sommes véritablement devant un numéro digne des meilleurs musicals anglo-saxons où chacun sait chanter, jouer et bouger sans fausse note. De quoi rassurer les puristes et apporter un vent de fraîcheur dans le paysage des spectacles musicaux français. Un gros bémol, cependant, sur l’absence de musiciens live sur scène. A la place, nous n’avons droit qu’à une bande-son qui fait indéniablement perdre de la force au spectacle.
Une distribution et une mise en scène soignées.
Heureusement, en dépit de certaines répliques qui tombent un peu à plat en version française et des textes de chansons parfois un peu simplistes, l’adaptation de Ned Grujic est plutôt réussie. Le metteur en scène a même réussi à insérer subtilement quelques clins d’œil bien français allant d’une scène d’un grand classique du théâtre français à Maître Gims, sans trop en dévoiler. Concernant la distribution, elle est tout bonnement irréprochable. Mention spéciale au duo Guillaume Bouchède (Coluche l’histoire d’un mec) et Lucie Riedinger (Shrek Le Musical ; Kid Manoir), qui campent un Gomez et une Morticia Addams très crédibles malgré une scène du tango un peu en-deçà de nos attentes, ainsi qu’au couple Beineke joué par Dalia Constantin (The Full Monty-Le Musical ; La Belle et la Bête) et Cyril Romoli (1789 les amants de la Bastille ; Mistinguett reine des années folles), au jeu sans fausse note. Et surtout à Charlotte Hervieux (Shrek Le Musical ; Kid Manoir), dont la voix semble taillée sur-mesure pour les musicals anglo-saxons et qui interprète une Mercredi parfaite, ainsi qu’à Vincent Gilliéron (Alice – la comédie musicale ; Edward aux mains d’argent), également co-animateur des soirées Open Mic d’AMT Live à la péniche Marcounet, excellent dans le rôle d’un majordome Lurch aussi charismatique qu’hilarant, et pourtant presque muet. D’ailleurs, le public ne s’y trompe pas et les rires qui fusent dans la salle lors des interventions de Lurch sont communicatifs.
L’ensemble, composé de six artistes talentueux dont la gestuelle et les costumes rappellent Le Bal des Vampires, est également l’un des points forts du show. Leur présence en tant qu’ancêtres des Addams est tout à fait intéressante pour l’intrigue et qu’importe le moment on l’on pose les yeux sur eux, leurs mimiques et gestes sont toujours justes. Rôles secondaires, vous avez dit ?
Enfin, la mise en scène de Ned Grujic est particulièrement astucieuse pour une scène aussi modeste que celle du Palace. Exit les projections vidéo parfois indigestes que l’on retrouve dans presque tous les spectacles musicaux actuels ; en guise de décor, un manoir des Addams façon maison de poupée tout à fait dans l’esprit des comics qui s’ouvre, se replie et tourne au gré des scènes comme s’il était un personnage à part entière. D’ailleurs, n’hésitez plus : il vous attend, et ses portes se refermeront définitivement le 6 janvier prochain !
Crédit photos : Stéphane Parphot