Fame, ce seul mot rappelle un ver d’oreille : la célèbre chanson d’Irene Cara de 1980. Après le film de la même année et la série télé de six saisons, la comédie musicale n’a pas tardé à être créée, dès 1988. 30 ans plus tard, Montréal a droit à son adaptation française, signée Serge Postigo.
Voir un spectacle qui en est à ses dernières représentations permet de le découvrir de manière plus affinée. Il a été rôdé au fil des semaines, les artistes sont plus à l’aise dans leurs rôles et certains points faibles ont pu être ajustés. Trois jours avant la tombée du rideau, c’est ainsi que nous avons découvert Fame dans une salle qui affichait complet ; l’engouement pour cette comédie musicale étant toujours palpable, même un mois plus tard !
Après Mary Poppins et Footloose, le metteur en scène québécois Serge Postigo a choisi cet été de s’attaquer à Fame, faisant encore des auditions publiques pour dénicher des talents. Et on peut dire qu’il en a déniché ! Une vingtaine de danseurs, chanteurs et comédiens donnent vie à ce spectacle ; des passionnés qui ne cherchent qu’à partager leur passion. Et ça marche ! La chimie opère, l’harmonie se crée, les personnalités se complètent. Avec une énergie débordante, un amour bien senti de la performance, une détermination farouche et une générosité sans borne, ils sont à l’image de leurs personnages qui rêvent de vivre de leur art.
Certains volent même la vedette par leur fraîcheur, aisance et talent, comme le jeune danseur belge Junbox au style Freestyle Hip-Hop. Il campe un Tyron Jackson plein de fougue et livre des performances toujours audacieuses et originales. Idem pour Élisabeth Gauthier-Pelletier qui interprète l’ardente Carmen Diaz au destin tragique, enflammant la salle dans chacune de ses prestations.
Entre le duo attachant formé par Serena Katz (Gabrielle Fontaine) et Nick Piazza (Jordan Donoghue), le petit comique obsédé par la chose Joe Vegas (Simon Fréchette-Daoust), la jeune ballerine défavorisée Iris Kelly (Judith Laterrasse) ou le pianiste timide Schlomo Metzenbaum (Jonathan Caron), chaque interprète est à sa place dans cette troupe versatile.
Ils sont d’ailleurs réunis au sein des formidables chorégraphies de Steve Bolton (Mary Poppins ; Footloose) qui sont réglées au quart de tour. La danse est indéniablement au cœur de ce spectacle et les amoureux de cette discipline peuvent justement s’en mettre plein les yeux. Les costumes et l’usage d’effets visuels apportent également cette petite dose de magie à la pièce, car après tout, au-delà de la célébrité et la gloire convoitées par certains personnages, c’est surtout l’étincelle provoquée par l’expression de son art qui anime cette histoire.
Du côté des enseignants, Valérie Laroche (Ms Greta Bell) et Jean-Raymond Châles (Mr. Sheinkopf) en imposent dans leurs rôles respectifs, l’une particulièrement attachante quand elle révèle ses espoirs éteints et l’autre très comique dans la peau de ce passionné professeur de musique.
Mention spéciale finalement pour Alisha Ruiss qui a repris le rôle de Miss Sherman initialement alloué à Marie-Denise Pelletier suite à la blessure de celle-ci quelques jours après les premières représentations. Cette artiste talentueuse et polyvalente qu’on a eu le plaisir de voir ces dernières années sur les scènes montréalaises notamment dans Cabaret et The Producers a relevé le défi incroyable d’apprendre ce rôle en un temps record, se glissant à merveille dans la peau de cette enseignante rigide au grand cœur. Son solo »Ce sont Mes Enfants » est spécialement émouvant ; Alisha Ruiss parvenant avec brio à donner une dimension sensible à ce personnage de prime abord glacial.
Bref, la distribution remarquable, les chorégraphies impeccables, l’humour omniprésent et les séquences fortes en émotions parviennent à éclipser les failles de la production comme le manque de profondeur du livret, la temporalité pas assez marquée et les quelques longueurs. Alors que ce spectacle s’achève, on attend déjà avec impatience le prochain que Serge Postigo mettra à nouveau en scène.
Rendez-vous à l’été 2019 pour Mamma Mia! en français !
Crédit photo : Laurence Labat