Présenté pour la première fois aux Folies Bergère en octobre 2020, le spectacle musical Pirates, le destin d’Evan Kingsley devait retrouver son public au Casino de Paris en février 2021. Face à la situation sanitaire, c’est finalement en octobre prochain que l’aventure prendra le large. Drôle, entraînante et rythmée, cette production embarque toute la famille pour une aventure riche en émotions qu’on espère vite retrouver sur scène.
Nous devons l’idée originale à Julien Safa qui, depuis l’enfance, nourrit la certitude d’avoir été un pirate dans une autre vie. Passionné de spectacles anglo-saxons, il fait le constat que peu d’entre eux sont dédiés à l’univers de la piraterie. Lui vient alors l’idée de conjuguer ses deux amours et développer avec son frère Samuel une création inspirée de l’Île au Trésor.
Malgré l’incertitude ambiante, Christophe Lambert qui soutient la production, offre l’occasion à la fratrie de présenter leur premier spectacle de grande envergure. Toute l’équipe développe ainsi l’histoire autour du voyage initiatique du jeune Evan Kingsley, en quête de bien plus qu’un simple coffre rempli de pièces d’or.
Lorsqu’il découvre la carte au trésor du Capitaine Halsey, le jeune Evan Kingsley se lance dans une quête accompagné de Barbe Sale et d’un équipage peu banal. Son amie, Anne Mery fera partie de l’aventure ainsi que La Buse, un pirate à la personnalité haute en couleurs.
Une piraterie modernisée
Lorsque le rideau se lève, le spectateur découvre un personnage central à l’image des codes du spectacle musical. Sur sa route, le héros devra triompher des épreuves et abandonner ses doutes pour s’accomplir en tant qu’homme, et gagner le respect de ses compagnons. En cela rien de véritablement innovant, nous assistons à la maturité du personnage au fur et à mesure que ses choix le rapprochent de son but.
Cependant le spectacle se démarque par la multiplicité des questionnements abordés. Les producteurs ont fait le pari intelligent d’attribuer à chacun des protagonistes, une problématique personnelle qui le mène à suivre le héros. La place des femmes dans un univers d’homme, l’homosexualité, l’amour, l’affirmation de soi, la solitude, la trahison ou la vieillesse qui mettent à l’écart, sont autant de sujets traités. Sur un ton souvent humoristique qui permet d’amuser les plus jeunes, ces thèmes interrogent les adultes sur les mœurs d’une époque, et font le lien avec les questions de société actuelle. Une modernité qui peut parfois dérouter le spectateur face au décalage temporel du spectacle. Toutefois l’ensemble reste cohérent, assuré par les performances des interprètes.
L’histoire portée par la mélodie
Le ton est donné dès les premières minutes, la musicalité nous plongeant immédiatement dans une atmosphère épique. Le mélange des sonorités classiques, rock ou parfois électro nous familiarise avec ce paradoxe temporel qui nous suivra tout au long de la représentation.
La majorité du spectacle est chantée, et les dialogues sont pour la plupart intégrés aux chansons. La qualité des choix vocaux portent alors le déroulé de l’histoire. Saluons la performance de Jérôme Pradon (Mamma Mia!) dans le rôle de Barbe Sale, et bien sûr de Jimmy Costa-Savelli (Tom Sawyer) qui retrouve ici un rôle habituel de jeune homme en pleine émancipation. Sans oublier Océane Demontis, Maxime Brégowy, ou Sinan Bertrand (Un violon sur le toit ; le Bal des Vampires) qui a rejoint la troupe plus récemment. Leur énergie n’est pas de trop pour enchaîner les chorégraphies et les styles musicaux. Sont notamment intégrées des sonorités de musiques latines, africaines, et même du slam. Un mélange éclectique qui peut avoir tendance à une exagération et incohérence, et qui occasionnent quelques longueurs et ralentissement de l’action.
Ces moments sont éclipsés par la qualité musicale de l’ensemble notamment en clôture et ouverture d’acte. L’énergie communicative nous transporte aisément dans le voyage et la recherche d’une fin heureuse.
L’authenticité est également appuyée par les costumes soignés, par une mise en scène savamment étudiée permettant de mettre à profit l’espace et les changements de décors. Nous passons facilement d’une taverne peu fréquentable, au pont du majestueux galion voguant vers le destin d’Evan Kingsley, et des batailles navales jusqu’à la fameuse île au trésor. La modernité de la mise en scène s’intègre à celle du livret musical, créant un ensemble cohérent à regarder. Les changements sont fluides et le travail sur les lumières, ainsi que l’utilisation de projections en fond de scène, donnent de l’aisance aux transitions, à l’image du générique d’ouverture, ingénieusement conçu comme une présentation de film.
Un divertissement accessible à tous
Ce spectacle réunit toutes les qualités pour s’évader en cette période morose. Sous une apparente légèreté, il met en lumière les batailles qui restent à mener dans notre société. Nous entendons avec plaisir de belles mélodies, même si l’on peut regretter l’utilisation d’une bande sonore pré-enregistrée au détriment de quelques instruments bien réels, qui auraient apportés une dimension encore plus émouvante.
Il est certain que ce divertissement, porté par une distribution de qualité, réunit petits et grands autour d’une grande aventure. Malgré un livret musical quelque peu inégal, la piraterie reste encore et toujours un thème fort et rassembleur, surtout quand il est exploré avec modernité et sensibilité.