Musical Avenue : Pouvez-vous nous préciser les motivations pour la création de ce spectacle?
Igor de Chaillé : Cela fait assez longtemps que j’en avais envie. Lorsque je réfléchis à un nouveau projet, je cherche des œuvres avec de vrais enjeux et de vrais personnages pouvant être défendus sur scène. Ce spectacle est aussi une madeleine de Proust, mais aussi très actuel, puisque la série est toujours diffusée à la télévision, et connue à l’international. Cela fait entre deux et trois ans que nous avons initié les démarches pour construire le spectacle.
C’est donc un projet mûrement réfléchi? Cela correspond à la durée habituelle de création de vos productions?
D’habitude, pour des raisons de production, nous faisons un spectacle tous les 2 ans. C’était le cas pour Le Livre de la Jungle. Cette fois, il a fallu approcher les auteurs originels des dialogues du dessin animé, et les compositeurs de la musique du générique pour leur présenter le projet. Il était hors de question de faire ce spectacle sans la musique emblématique de la série. Petite exclusivité, je vous confirme que le générique sera bien intégré sur scène. Tous les créateurs ont évidemment un droit de regard, mais qui s’est toujours fait dans la bienveillance, et nous a aidé à construire le déroulé narratif.
Quels ont été vos axes de développement pour l’intrigue?
Avec Ely Grimaldi, co-auteur du projet, nous avons choisi de nous concentrer sur la première saison, diffusée pour la première fois en 1982 à la télévision française. Après avoir visionné les 39 épisodes une bonne centaine de fois, avoir lu le livre original, fait des recherches, il a fallu trouver un fil conducteur à l’histoire. Ce fil, c’est le parcours initiatique des trois jeunes enfants, avec leurs points communs et leurs différences. Au cours de l’intrigue, ils vont apprendre à grandir, et dans le même temps, ils font évoluer les adultes autour d’eux. À part pour les vrais méchants, les autres protagonistes auront un regard différent sur leurs motivations d’origine. Dans la série, la recherche de l’or est un des moteurs principaux de l’histoire. Sans transformer ou aller à contresens de ce qui existe, nous voulons affirmer qu’il y a des choses plus importantes que la colonisation ou la quête du trésor. Il s’agit donc d’adapter les thèmes historiques aux préoccupations actuelles, et leur donner une dimension plus humaniste ou philosophique.
Vous allez donc traiter de thèmes plutôt adultes, ne craignez-vous pas de vous éloigner de la cible jeune public à laquelle s’adresse le projet?
Plus qu’une œuvre jeune public, je préfère parler de spectacle familial. Le projet est pensé tout autant pour des enfants, qu’à destination de la communauté de fans qui existe autour de la série. Il y a aura aussi du second degré. Nous faisons le pari de défendre des sentiments intemporels (l’amour, l’amitié, l’honneur…) tout en restant fidèle à l’esprit d’origine, pour que toutes les générations s’y retrouvent. C’est la première fois qu’un spectacle intéresse, dès ce stade, des adultes qui pensent venir sans être forcément accompagnés d’enfants. Je suis impatient de découvrir, lors des premières représentations, la composition du public dans la salle. Ce qui m’intéresse, c’est de confronter le regard des adultes avec la candeur et la curiosité des enfants, et de faire naître des échanges intergénérationnels après (et parfois pendant) le spectacle.
Comment allez-vous retenir l’attention des plus jeunes spectateurs?
Le spectacle est prévu pour durer 1h20 ; c’est un seuil d’attention à ne pas dépasser, d’autant plus que nous ne faisons pas d’entracte pour ne pas couper le rythme du récit. Il y a aura une succession d’ambiances différentes, depuis le départ de Barcelone jusqu’à l’attaque du fort, en passant par le voyage en bateau. Et bien sûr, le fameux grand condor dont on ne peut absolument pas se passer. Nous allons aussi mêler plusieurs arts de la scène. On utilise tout ce que la technique nous permet, mais en laissant une place importante à la poésie et l’imagination de chacun. Pour prendre un exemple très concret, la vidéo ne sera pas un écran led aveuglant, mais plutôt travaillée dans une ambiance sépia, ou avec des voilages.
Il va donc y avoir plusieurs contraintes à dépasser pour parvenir au meilleur résultat ; l’équipe créative est-elle nouvelle ?
Oui et non. Nous nous sommes attachés les services d’Emmanuelle Favre, qui a déjà créé des décors pour le Théâtre des Variétés, mais jamais pour ce genre de projet. Nous avons repris le duo formé par Corinne Rossi et Julie Coffinières pour les costumes et les masques, déjà rodées sur Le Livre de la Jungle. Pour la mise en scène, nous collaborons pour la première fois avec Nicolas Nebot, qui était notamment sur Jules Verne. C’est quelqu’un qui a aussi une vraie habitude de la chanson, pour avoir travaillé avec le label Universal Music ou Obispo, et met en scène Jeff Panacloc.
Pour la musique, on a choisi Simon Fache, instrumentiste-compositeur multi diplômé des conservatoires du Nord de la France, et qui est quelqu’un de très pointu sur l’univers des Mystérieuses Cités d’Or.
A ce propos, parlons de la musique : quel est le style dominant retenu?
Nous voulons respecter une authenticité musicale. Simon y travaille beaucoup. Le générique existe déjà, il faut donc créer de nouvelles chansons qui ne soient pas en totale antinomie avec l’ambiance des années 1980 ; outre l’utilisation des sonorités au synthétiseur, il y aura des notes andines et espagnoles pour respecter la couleur musicale de l’œuvre. Le tout devant donner le sentiment d’une bande son d’un film d’aventure.
Le livret risque donc de nous surprendre, d’autant plus qu’il sera interprété en partie par des enfants?
En effet, une partie de la troupe se compose d’enfants de 10 à 13 ans. Nous en avons auditionné un bon nombre (presque une centaine), pour en retenir six. Certains ont déjà eu des expériences professionnelles sur scène, pour les autres ce sera une première.
Est-ce une difficulté supplémentaire de faire jouer des adultes et des enfants ensemble? Comment s’organisent les répétitions?
Il faut créer une relation de confiance entre tous les artistes, mais il faut aussi garder l’innocence et la spontanéité des enfants. Etant encore à l’école, ils sont bien plus habitués que les adultes à apprendre un texte et à le restituer. Nous gardons aussi en tête qu’il faut sans cesse être dans un équilibre entre le travail et le jeu pour que l’enfant s’épanouisse pleinement sur scène. C’est le rôle des artistes plus aguerris de les accompagner.
Pour terminer, avez-vous une petite exclusivité à nous annoncer ou un élément que vous souhaitez partager?
Il y a un an et demi, nous ne pensions pas pouvoir intégrer le personnage de Pichu sur scène, tout au plus l’évoquer. Il était bien sûr exclu d’avoir recours à un vrai perroquet lors des représentations (rires). A force de réflexion et de rencontre avec Mehdi Garrigues, nous avons inclus la marionnette de ce personnage, qui sera manipulée en direct sur scène (sauf autre surprise à venir…). Cela va apporter un vrai dynamisme entre les héros, mais représente aussi un challenge pour apprivoiser la marionnette et lui donner vie, qu’elle puisse véritablement interagir avec les enfants. Si le pari est réussi – et il le sera – le spectacle sera assez différent de ce que nous avons présenté jusqu’à présent.
Lien pour réservation ICI