Une princesse indémodable
Cendrillon a toujours été une source d’inspiration inépuisable depuis des siècles. Adapté en opéra, en ballet, au théâtre, à la télévision, dans de nombreux livres mais également en comédie musicale, les représentations de cette indémodable princesse ont traversé les années en proposant à chaque fois une relecture inédite et originale. Vous vous souvenez peut-être à la télévision de Julie Andrews dans les années 50, ou de Laâm dans le rôle titre de Cindy 2002 de Luc Plamondon qui 20 ans plus tard reste à ce jour l’ovni musical français le plus culte.
Nous avons également pu applaudir cette héroïne interprétée par Aurore Delplace ou Anaïs Delva au Théâtre Mogador avec Cendrillon, le spectacle musical ou à Broadway dans la version de Rodgers and Hammerstein avec Laura Osnes intitulé sobrement Cinderella. Plus récemment c’est Camilla Cabello qui a marqué les esprits avec une version revisitée, résolument pop et moderne de ce conte sur Prime Video qui est en passe de potentiellement remporter l’Oscar du public cette année.
Vous l’aurez compris, impossible de ne pas passer à côté de cette héroïne et c’est avec curiosité que nous avons franchi les portes du Gillian Lynne Theatre pour découvrir cette nouvelle version signée Andrew Lloyd Webber et incarnée par Carrie Hope Flecther (Les Misérables, Mary Poppins, Heathers) à Londres.
Oubliez tout ce que vous avez déjà lu et vu sur Cendrillon ou votre visite à Belleville risque fortement de vous perturber. Ici notre héroïne est révoltée, féministe, quasi gothique et se retrouve à faire des tags sur les statues du Prince qui aurait disparu. La marraine la bonne fée devient une Cristina Cordula de la mode et les soldats de la reine sont des mâles musclés à moitié nus. Andrew Lloyd Webber dépoussière le mythe du début à la fin et de nombreuses surprises se dévoileront en chemin que cela vous plaise ou non.
« Bad Cinderella » ?
Mais cette relecture est-elle vraiment à la hauteur des attentes ? Les critiques ont en effet été mitigées à la sortie du spectacle qui a même été révisé pendant une fermeture due à la crise sanitaire. Il faut quand même souligner que Cinderella est visuellement superbe. Des costumes aux lumières en passant par les décors ou la mise en scène, de nombreuses idées ingénieuses et avant-gardistes viennent moderniser un conte qui souvent est resté dans une représentation classique et à l’ancienne. Même si tout ne fera pas l’unanimité, des risques ont été pris et cela fait plaisir à voir. En parlant justement d’innovation, sachez que si vous prenez des places dans les 8 premiers rangs de l’orchestre, vous vivrez une expérience immersive inédite que vous ne risquez pas d’oublier mais pour laquelle nous vous garderons la surprise.
Que serait une comédie musicale sans chansons ? Une fois de plus Andrew Lloyd Webber n’y est pas allé d’une main morte avec plus d’une trentaine de nouvelles compositions pour illustrer les nouvelles aventures de Cendrillon. Une fois n’est pas coutume, le compositeur a réussi à créer de sublimes mélodies comme les déchirants « Far Too Late », « I know I Have a Heart » ou encore « Only You, Lonely You » et il surprend avec le moderne et entêtant « Bad Cinderella ». Malheureusement on ne peut pas en dire autant du reste des chansons qui sont inégales et loin d’être mémorables pour la plupart. Un comble pour une comédie musicale !
Malgré cette fausse note, on ne peut que saluer toute la distribution du spectacle qui interprète avec brio chaque soir ces longues mélodies parfois un peu redondantes. Mention spéciale pour le tandem Rebecca Trehearn/Victoria Hamilton-Barritt qui portrait la reine et la belle-mère avec tout le second degré possible et imaginable ainsi que le couple féérique incarné par Carrie Hope Fletcher et Ivano Turco qui offre également de superbes moments (notamment sur leurs solos respectifs).
Les 12 coups de minuit sonnent sur cette critique de Cinderella qui a prévu de retourner au bal jusqu’en février 2023. Loin d’être exempt de défauts, cette nouvelle relecture de la princesse au soulier de verre sera féérique pour certains mais ennuyante pour d’autres. Rendez-vous au Gillian Lynne Theatre de Londres pour vérifier si le carrosse se transformera en citrouille ou si la magie restera éternelle.
Cinderella – d’Andrew Lloyd Weber au Gillian Lynne Theatre de Londres
Musique : Andrew Lloyd Webber ; Paroles : David Zippel ; Livret : Emerald Fennel ; Mise en scène : Laurence Connor ; Chorégraphie : Joann M Hunter ; Décors ; Gabriela Tylesova ; Lumières : Bruno Poet ; Son : Gareth Owen
Avec : Carrie Hope Fletcher, Ivano Turco, Rebecca Trehearn, Victoria Hamilton Barritt, Georgina Castle, Laura Baldwin, Gloria Onitiri, Caleb Roberts, Giorgina Onuorah, Sam Robinson, Giovanni Spano and Vinny Coyle.
