Critique : « tick, tick… BOOM! » sur Netflix

Temps de lecture approx. 4 min.

Tous ne connaissent pas son nom, mais assurément son œuvre phare : Rent. Jonathan Larson n’aura malheureusement jamais su le succès qu’elle a rencontré, décédé subitement à l’âge de 35 ans en 1996, la veille de sa première à Broadway. Ce sont aux années de galère de Larson, avant d’écrire cette comédie musicale révolutionnaire, que Lin-Manuel Miranda a voulu s’attacher en réalisant tick, tick…Boom!. Un hommage à la fois joyeux et bouleversant sur le temps qui passe et l’effervescence créative.

Avant Rent

Avant les prix, avant la reconnaissance, Jonathan Larson tentait simplement de survivre. A l’aube des années 1990 et de ses 30 ans, dans son petit appartement miteux new-yorkais, il espérait enfin percer à Broadway. Mais son quotidien de serveur dans un diner de SoHo ne lui laissait pas beaucoup de temps pour créer. Ce temps, si précieux, il n’en avait jamais assez. Et de l’argent non plus, bouclant difficilement ses fins de mois.

tick, tick... Boom!

Cette urgence de vivre, cette envie d’être révélé comme compositeur et dramaturge avant qu’il ne soit trop tard, Jonathan Larson en a fait un monologue rock semi-biographique qu’il a lui-même prononcé en 1990 : tick, tick…Boom!. Une pièce en cache une autre puisque cette œuvre lui permet aussi de parler de Superbia, sa précédente comédie musicale qu’il a passé 8 ans à écrire.

Deux temps, deux sensibilités qui se rencontrent

Deux temps qui sont emboités dans le film à la manière d’une mise en abîme narrée : Larson sur scène et dans les années qui ont précédé ce moment. Son propre regard sur lui-même et le temps qui court, superposé à celui de Miranda qui lui apporte encore d’autres dimensions, entre rêve et réalité. Pour illustrer ces divers espace-temps, l’auteur de Hamilton use du rythme effréné dont il est friand pour lier les scènes. C’est aussi une tactique réussie pour imager l’esprit bouillonnant de Larson. Le temps devient du mouvement, des saccades, de l’énergie. Il se fige parfois et reprend son cours, inexorablement.

tick, tick... Boom!

Andrew Garfield, totalement investi, participe à donner corps à cette tumulte permanente qu’habitait Jonathan Larson. Par ses gestes, ses mimiques, ses regards, il donne forme à tous les espoirs et toutes les désillusions du jeune artiste. Sa sensibilité épouse la sienne et nous fait rapidement oublier cette quête qui peut sembler égotique au sein de l’histoire. Ce désir d’être reconnu et de laisser sa trace sous-tend chez Larson une réelle volonté créatrice et une envie profonde de sortir de l’ombre des sujets importants comme la précarité, l’amitié et le sida. Le film permet d’ailleurs de découvrir la genèse de ces thèmes qui sont au cœur de Rent.

tick, tick... Boom!

Une lettre d’amour à Broadway

Pour les amateurs de comédies musicales, tick, tick…Boom! est aussi une formidable occasion de découvrir les coulisses de Broadway. Parfois miroir aux alouettes, « The Great White Way » a fait baver plus d’un artiste, à commencer par Larson, mais aussi ses amis dont certains ont dû renoncer à leur rêve. Si la réalité cruelle de Broadway a bien été cernée dans le film, sa magie aussi. Le numéro « Sunday » en est un merveilleux exemple avec plusieurs figures de la scène qui font une brève apparition. Sous la forme d’une rêverie, c’est un joli clin d’œil à Sunday in the Park with George de Stephen Sondheim. Le célèbre compositeur, idole de Larson, fait d’ailleurs partie des personnages du film. Parmi ceux-ci, Michael, le meilleur ami de Jonathan Larson est campé de manière très touchante par Robin de Jesús (The Boys in the Band). Alexandra Shipp (X-Men), Vanessa Hudgens (High School Musical) et Mj Rodriguez (Pose) ajoutent aussi chacune une touche lumineuse au film.

tick, tick... Boom!

Réflexion sur le temps qui passe, à la fois déchirante et envoûtante, tick, tick… Boom! pose beaucoup de questions autour du même moteur existentiel : la quête de sens. Que l’on soit artiste ou non, nous sommes tous confrontés au même tic-tac de l’horloge qui ne cesse d’avancer, chacun souhaitant investir au mieux ce temps précieux qui nous est alloué.

Crédit photo : Macall Polay/Netflix


tick, tick… Boom! de Lin-Manuel Miranda

D’après la comédie musicale éponyme de Jonathan Larson

Depuis le 19 novembre sur Netflix

Réalisation : Lin-Manuel Miranda ; Scénario : Steven Levenson ; Direction photo : Alice Brooks ; Montage : Andrew Weisblum et Myron I. Kerstein ; Costumes : Melissa Toth.

Avec : Andrew Garfield, Alexandra Shipp, Robin de Jesus et Vanessa Hudgens.

Image de Nathalie Katinakis

Nathalie Katinakis

Bercée par les tubes de "Starmania" durant l'enfance, c'est "Cats" qui me donne la piqûre pour de bon quand je me plonge enfin dans son univers en 2010. Dans la foulée, je découvre le West End et rejoins l'équipe de Musical Avenue dès 2011, couvrant les spectacles montréalais depuis le Québec où je réside.FB/IG:@uneportesurdeuxcontinents
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