A n’en pas douter, les élèves du Cours Florent ne reculent devant rien. Après In The Heights, Josua Lebraud s’attaque à Pippin pour son TFE. Pourquoi ce choix ; comment imagine-t-il la mise en scène ; comment pense-t-il l’adaptation? Venez en coulisses avec nous pour en apprendre plus sur ce projet.
Oeuvre plutôt méconnue en France, Pippin a pourtant rencontré un grand succès outre atlantique. Créé en 1972, le spectacle est de nouveau monté à Broadway en 2013 et remporte quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale. Pourtant choisir de retenir cette œuvre pour un TFE n’était pas si évident que ça pour Josua Lebraud, ainsi qu’il nous l’a confié lors de nos échanges au début du mois. Avec la complicité de Mallory Cheminet, il relève le défi et endosse le rôle de metteur en scène. Leur duo convainc les autres élèves de leur promotion de se joindre à l’aventure.
Note de la rédaction : nous conservons volontairement le style dialogué et les échanges libres avec Josua Lebraud dans les lignes qui suivent
Musical avenue (M.A) : Peux-tu nous parler de ton parcours et de ta découverte des comédies musicales ?
Josua Lebraud (J.L) : J’ai commencé la comédie musicale au Cours Florent. Plus jeune j’ai fait partie d’une troupe de théâtre au collège, mais je n’avais pas vraiment de formation musicale ni en danse. Ma mère, musicienne, m’a quand même toujours sensibilisé à la musique. J’ai pris des cours de trompette ou d’accordéon, mais le format “scolaire” de l’apprentissage me lasse assez vite et je n’ai pas continué.
J’ai ensuite suivi un parcours scientifique puis des études d’architecture, mais là encore l’apprentissage très académique ne me convenait pas. Finalement c’est avec Glee que je suis venu à la comédie musicale, comme pour beaucoup de personnes de ma génération je pense. Cette série télévisée est pleine de ressources et a contribué à me faire découvrir bon nombre de comédies musicales. D’ailleurs, Funny Girl est le premier spectacle que j’ai vu à Paris (les fans de la série auront immédiatement une pensée pour Rachel Berry !)
M.A. : Tes études d'architecte sont-elles un atout pour aborder la mise en scène de Pippin ?
J.L. : Tout à fait. J’ai besoin de visualiser ce que peut être le rendu final dès le début de la création. Mon cursus m’aide à imaginer la mise en scène, les déplacements et les espaces. Pour Pippin cela représente un vrai défi. Lors du revival en 2013, la mise en scène était axée sur une ambiance de cirque. Mais ramener un cirque au Cours Florent est compliqué, d’autant que l’on n’est pas des circassiens. Ça a été un casse-tête pendant plusieurs mois avec Mallory pour savoir quelle direction artistique choisir, avec la contrainte de l’espace et des moyens que l’on a pour ce projet de fin d’études. J’essaie donc de me servir de toutes les techniques de perspectives que j’ai pu apprendre en architecture pour créer une nouvelle mise en scène.
M.A : Justement, pourquoi avoir choisi Pippin ? Quels sont tes liens avec ce spectacle?
J.L : Le premier lien c’est la musique. Je suis tombé amoureux des mélodies de Stephan Schwartz, notamment avec Wicked. En arrivant au Cours Florent, j’ai découvert des musiques et des styles nouveaux, et me suis intéressé aux librettistes. Sans que je le sache, Schwartz est le compositeur d’un de mes dessins animés préférés (Le Prince d’Egypte). Je trouve sa musique bouleversante. J’envisageais de monter Wicked au début, avant même de savoir que ce serait notre spectacle de troisième année, mais je ne voyais pas comment réussir la mise en scène. J’ai alors fouillé dans le travail de Stephen Schwartz et sur les conseils de Mallory je suis tombé sur Pippin. J’ai immédiatement adoré les musiques. Je me suis imprégné de l’univers de cette œuvre et j’ai réalisé que que ça pourrait être un très beau projet à monter au Cours Florent, avec un ton humoristique décalé, un peu à la façon de Spamalot. J’aime que le spectacle raconte l’histoire d’une troupe de théâtre ; cela fait écho à notre propre expérience en sortie d’école, c’est l’occasion de nous raconter face au public.
M.A. : Beaucoup d'élèves de ta promotion participent au spectacle, quelle place leur donnes-tu pour construire ce projet?
J.L. : Je n’ai pas eu de difficultés pour les convaincre, notre binôme avec Mallory semble leur inspirer confiance. Je réfléchis à ce projet depuis janvier 2021, nous avons commencé à en parler dans l’école, Mallory s’est chargée de la traduction entre juin et août (mais je gardais aussi un œil dessus), et nous avons organisé des auditions en septembre ; tout cela en parallèle avec les cours de troisième année !
Puis nous avons commencé les répétitions. Même si je dirige le projet, j’essaie de laisser leur place aux artistes pour qu’ils puissent s’exprimer. Je m’inspire de certains traits de leur personnalité pour créer leur personnage. Par exemple pour une des scènes, une des comédiennes était toujours en retard pour ses répliques ; j’ai accentué ce point en lui demandant d’étirer ses phrases et de jouer toute la scène en décalé par rapport aux autres ; le rendu est très drôle, même si c’est aussi compliqué à gérer parfois.
Avec Pippin j’ai la possibilité et le plaisir d’arranger le spectacle comme je veux, supprimer certains passages du livret, l’adapter au format du TFE sans trop dénaturer l’œuvre, et surtout reconstruire en écriture-plateau lors des répétitions, directement avec les comédiens (NDLR – Josua nous a confié d’autres anecdotes mais Musical Avenue ne vous en dira pas plus pour garder la surprise pour ceux qui assisteront aux représentations).
M.A : On sent qu’avoir choisi Pippin te permet de te sentir plus libre pour créer le spectacle à ton image ; c’est la même chose pour la mise en scène ?
J.L. : Oui c’est un peu la même idée. J’essaie de penser à une mise en scène plus originale mais qui puisse être réalisable, avec les contraintes d’espaces et de budget que l’on a. Le plateau sera en arc de cercle, et le public sera autour pour être inclus dans le spectacle. Cela permettra d’apprécier les chorégraphies et le travail des artistes d’un autre point de vue qu’une présentation frontale. Mais c’est aussi un immense challenge, il a fallu repenser toutes les chorégraphies. Les artistes devront toujours être en mouvement pour que tout le monde ait quelque chose à voir à tout moment, que ce soit intéressant de tous les côtés. C’est quelque chose qui me fait encore peur, je ne suis toujours pas sûr du rendu final, mais au stade où on en est je ne peux plus revenir en arrière.
M.A. : Avec ces contraintes que tu t’imposes, comment as-tu réfléchi aux costumes ?
J.L. : J’ai choisi de m’éloigner de l’ambiance “cirque” d’origine pour me tourner davantage vers une troupe de cabaret, avec des costumes sobres et noir pour l’ensemble, que tout le monde a chez lui. A l’inverse pour les rôles principaux, j’essaie de saisir ce qui caractérise le personnage et de l’accentuer un peu pour un côté très visuel. Par exemple, Fastrada est un rôle haut en couleur ; j’ai traduit son excentricité en lui imaginant un dressing immense, en faisant en sorte qu’elle porte une robe différente à chacune de ses apparitions. Le roi aura aussi quelques attributs bien spécifiques et reconnaissables. J’aurai adoré avoir des costumes dignes des productions de Broadway, j’espère pouvoir le réaliser un jour. c’est aussi pour cela qu’on a besoin de la cagnotte (le lien est en fin d’article).
M.A. : Dans quelques semaines ce sera l’aboutissement de tout ce travail ; que peut-on te souhaiter ensuite, as-tu d’autres projets à venir?
J.L. : Comme tous, j’espère que le spectacle plaira et qu’il pourra être sélectionné pour les hivernales, et pourquoi pas être nommé pour la cérémonie des Jacques 2023 (pour nos lecteurs les moins avertis, il s’agit d’une cérémonie organisée pour récompenser les meilleurs TFE). Je participe aussi au TFE Hamilton, et j’endosserai également le rôle d’assistant metteur en scène pour Jamie (le T.F.E. de Valentin Lacouture, dont nous vous parlions déjà il y a un an chez Musical Avenue).
Musical Avenue remercie Josua Lebraud pour ces échanges et révélations sur son projet. Pour soutenir Pippin, aider pour la création des costumes et des décors, vous pouvez participer à la cagnotte en ligne, et vous abonnez à la page Instagram pour toute l’actualité du TFE.