Après Hamilton et Dear Evan Hansen, c’est au tour de la comédie musicale Anastasia d’être présentée pour quelques dates au Centre national des Arts d’Ottawa dans le cadre de sa tournée nord-américaine. Reportée deux fois en raison de la pandémie, cette nouvelle production éblouissante a plus d’un tour dans son sac. Entre magie et mystère, elle a aussi le mérite de briser les codes et c’est tout en son honneur.
Entre faits et légendes
Adapté du film d’animation éponyme des studios Fox qui a marqué toute une génération en 1997, Anastasia a fait ses débuts à Broadway 20 ans plus tard. Si la jeune Anya est encore parfois prise à tort pour une princesse Disney, son histoire est bien plus magique que les faits réels dont elle s’inspire. La grande-duchesse Anastasia Nikolaïevna, fille de l’empereur Nicolas II, dernier Tsar de Russie, a en réalité subi le même sort que sa famille en 1918, mais le film comme le spectacle la fait survivre à ce massacre. Pas étonnant puisque la mort de la princesse de 17 ans est à l’origine de nombreuses légendes, complots et usurpations d’identité depuis plus de cent ans. Dans une version romancée de sa vie qui lui accorde une fin plus heureuse, la jeune orpheline échappe à son assassinat. Devenue amnésique, elle tente désespérément de retrouver les autres Romanov survivants au fur et à mesure qu’elle recouvre la mémoire. Des fastueux palais de Saint-Pétersbourg aux emblématiques ponts de Paris, son parcours est semé d’embûches et de rencontres trompeuses.
Briser les codes
Anastasia joue peut-être avec l’Histoire en l’enjolivant et en la dédramatisant, mais sa nouvelle production en tournée la marque considérablement. Kyla Stone, sa vedette initiale, a été la toute première Afro-Américaine à jouer ce rôle convoité, aujourd’hui repris par une autre artiste noire : Veronica Stern. Encore un signe que les codes sont doucement en train d’être brisés à Broadway avec cette diversité enfin apportée aux distributions. Les exemples se multiplient en effet ces dernières années, que l’on pense seulement à Lin-Manuel Miranda qui a choisi des artistes de couleur pour camper les rôles des Pères fondateurs blancs dans Hamilton. Depuis, plusieurs rôles traditionnellement réservés à des artistes à la peau blanche ont été confiés pour la première fois à des interprètes noirs, comme celui de Glinda dans Wicked (Brittney Johnson) ou Christine dans The Phantom of the Opera (Emilie Kouatchou).
En Anya, Veronica Stern dévoile tout son talent vocal et sa présence scénique gracieuse. Tantôt brave, tantôt tourmentée, elle livre une performance touchante aux côtés d’artistes tout aussi convaincants. Ceux-ci ont le mérite de savoir alterner les moments dramatiques et joyeux, l’humour ayant également sa place dans l’intrigue. Mention spéciale d’ailleurs au duo formé par Madeline Raube (Countess Lily) et Bryan Seastrom (Vlad) dans l’hilarant numéro « The Countess and the Common Man », aussi inattendu que bienvenu.
Un spectacle visuellement saisissant
Mêlant le politique au conte de fées, Anastasia est avant tout un spectacle visuellement saisissant. Tout y est pour ravir les pupilles. Costumes somptueux, projections romanesques, éclairages féériques… On se plait à s’imaginer comme les protagonistes au pied de cerisiers en fleurs, en face de la Tour Eiffel ou sous des flocons de neige. La magie est au rendez-vous jusque dans les chorégraphies finement rodées, du ballet au Charleston.
Un mélange des genres réussi
Côté musique, les chansons bien-aimées du dessin animé comme « Journey to the Past » et « Once Upon a December » sont bien sûr à l’honneur, mais de nombreuses autres ont également été ajoutées. Certaines sont d’ailleurs du plus bel effet grâce à un mélange des genres très réussi. « The Land of Yesterday » en est un bel exemple, combinant avec brio musique russe et jazz des années folles.
Fabuleux voyage dans le temps qui revisite la fascinante légende de la plus jeune grande-duchesse de Russie, Anastasia enchaine les tableaux éclatants, mais à un rythme qui nous permet de les apprécier. On en ressort avec des étoiles plein les yeux. À ne pas rater à Ottawa jusqu’au 4 septembre prochain !
Crédit photo : Jeremy Daniel