Après un mois de septembre riche en créations et en reprises, il est temps de revenir sur les travaux de fin d’études (TFE) présentés par les élèves du Cours Florent. Nous vous proposons une petite série d’articles pour vous faire découvrir leur travail. Commençons par In The Heights, qui nous plonge dans le quartier dominicain de Manhattan.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette comédie musicale (pourtant nominée pour treize Tony Awards et adaptée au cinéma), résumer l’intrigue n’est pas évident. La vraie force du spectacle créé par Lin-Manuel Miranda est de dépeindre la vie et les rêves de toute une communauté. Qu’il s’agisse des envies d’évasion, de réussite, de reconnaissance ou d’amour, chaque personnage est mû par son désir. Plus qu’une histoire, ce sont les relations interpersonnelles qui sont passionnantes. Pas si évident de recréer tout cela sur scène, mais le TFE présenté par Nassim Meziane épouse pleinement cette vision.
Le "Carnaval Del Barrio"
On s’immerge dès le début au cœur de la vie de quartier, en dépit de l’espace réduit de la salle Max Ophüls . La bodega d’Usnavi est là, tout comme le salon de coiffure de Daniela, le balcon de l’appartement d’Abuela Claudia, la société de taxi dirigée par Camilla Rosario, tous réunis autour du croisement central. Si des personnages ont été volontairement supprimés (tout comme des chansons pour faire tenir le spectacle en 1h30 environ), l’essentiel y est. Les protagonistes les plus forts sont présents, et très bien campés par tous les participants au projet.
Nassim Meziane propose un subtil équilibre entre les libertés prises avec l’œuvre de Broadway et les marqueurs qui font l’identité de la comédie musicale. On reconnaît toute la palette d’émotions qui traversent les habitants du quartier. Que ce soit l’énergie (assez incroyable on doit le dire) de tous les artistes sur des morceaux tels que “The Club” ou “96.000” qui captivent littéralement les spectateurs, ou la tristesse des habitants à la mort d’Abuela Claudia (désolé de divulgâcher, on était pourtant sûr que vous le saviez depuis le temps), les sentiments se succèdent et s’entremêlent.
Certains sauts dans l’histoire gagneraient à être explicités, comme la scène de la coupure de courant, portée ensuite par une très belle musique et mise en scène. L’ensemble reste toutefois homogène, tout à la fois drôle et émouvant même pour un spectateur qui découvrirait l’histoire pour la première fois.
Une création exigeante
Malgré le stress palpable d’une première et quelques problèmes techniques, rien ne semble perturber les élèves de cette promotion. Au-delà des performances vocales et de mise en scène, la présentation du spectacle en français convainc sans difficulté. Conservant un style franco-espagnol (comme l’avait fait Lin-Manuel Miranda dans l’œuvre originale mêlant anglais et langue ibérique), la traduction est de belle qualité. La formation du Cours Florent est mise à profit par tous pour nous transmettre la chaleur des immigrés dominicains.
Des chorégraphies de l’ensemble émaillent les scènes, toujours avec dynamisme. Le style des costumes, d’apparence simple et décontracté, cache une vraie recherche pour s’adapter aux différents temps du spectacle. Comme toujours, le niveau vocal et l’implication de chaque acteur font de ce TFE une vraie comédie musicale. Les rôles féminins captivent par leur puissance. Océane Certier offre une prestation poignante dès la deuxième chanson, avec son solo sur “Breathe”. Avec Ryan Malcolm qui campe un dévoué Benny, leur complicité est palpable et leur duo fonctionne très bien.
Cette année, plus encore que les précédentes, le Cours Florent affirme sa singularité en permettant à ses étudiants de présenter de beaux projets, malgré des moyens limités. Le public répond de plus en plus nombreux à ces rendez-vous. In The Heights est imprégné par un collectif très fort. Au-delà d’une classe d’élèves, les émotions traversent le public et les artistes.