Compte Rendu : « Météore » au théâtre Clavel

Temps de lecture approx. 6 min.

Présenté en septembre 2023 dans le cadre des TFE du cours Florent, Météore sort des murs de l’école. Désormais, la fête est donnée au théâtre Clavel pour quelques dates encore. Foncez découvrir ce qui se passe lors de cette soirée unique, qui va changer la vie des invités, et peut-être là vôtre !

Le monde va mal, et moi aussi !

Comme un saut dans le temps, l’histoire commence en 2025, une époque sombre dans laquelle la jeune génération semble avoir perdu tout espoir en des jours meilleurs, et se débat au jour le jour avec des problèmes. Un brin dystopique, un brin prophétique, c’est dans cette atmosphère que nous pénétrons aux côtés de Cyril (Raphaël Anatole), auteur qui a anciennement connu le succès mais désormais en manque cruel d’inspiration, lui aussi en proie à ses démons intérieurs. Dans des gestes lents et hypnotiques, il nous conte les évènements d’une soirée passée, organisée par la mystérieuse Ivane (Lucie Callaud). Au cours de cette fête, le destin des invités a basculé. 

Pour leur première création originale, l’équipe de Météore livre déjà une œuvre riche et complexe, recelant plusieurs niveaux de lectures. En restant volontairement dans des imprécisions ou des situations qui ne sont que partiellement expliquées, le spectateur est invité à peaufiner l’histoire, à interpréter les moments, et surtout à chercher derrière les apparences au-delà des réponses les plus simples. Est-ce la réalité, ou certaines situations sont-elles des rêves? Vous serez seul juge, et chacun ressort de la salle avec ses propres ressentis.

N’ayez crainte cependant, car Ivane, l’hôtesse de la soirée, nous guide au milieu des invités plus ou moins célèbres qu’elle a réunis chez elle. Célèbres ou anonymes, ils ont tous un traumatisme qu’ils tentent d’apprivoiser, et que Ivane met à jour au-delà de l’apparente assurance des convives. Elle brise ainsi la carapace de chacun et l’on est brutalement confronté au pessimisme et craintes d’une génération qui n’y croit plus. 2025, la foi de la jeunesse en l’avenir s’est éteinte. Avec des peurs qui fonctionnent souvent en miroir, on explore la peur d’aimer, ou de ne plus être aimé, la crainte de l’anonymat ou de la célébrité, celle de trop en faire pour exister ou d’être invisible dans la foule… Comme si aucun comportement n’était la bonne solution, c’est en apprenant des autres que les personnages vont pouvoir évoluer et entrevoir une forme de rédemption… mais pas pour tous ! Ivane crée les liens et poussent les autres invités dans leur retranchement, faisant vaciller leurs certitudes (et les nôtres par la même occasion).

L’équipe créative nous a confié avoir beaucoup travaillé sur le texte, et cela se ressent. Les mots choisis pour les narrations théâtrales sont forts et percutants. Comme pour certaines chansons, les rythmes sont saccadés, parfois slamés, livrant des émotions brutes pour le spectateur, épurées de tout superflu et l’amenant très vite dans « l’In Extremis », thème intriguant de la soirée. Entre quelques touches d’humour, on oscille entre les angoisses d’une génération qui a du mal à trouver sa place. La sécurité financière apaise-t-elle la solitude du cœur ? Peut-on créer sans souffrir? Aimer l’autre au point de diriger sa vie, est ce encore l’aimer ? Vous aurez parfois des réponses, parfois non, et c’est très bien ainsi. C’est sur le chemin du questionnement intérieur que se font les prises de conscience et le début du changement.

Meteore 7
Meteore 2

Energie et alchimie entre les artistes

Disons-le sans détour, les acteurs sont investis et chacun habite son personnage. Que ce soit vocalement ou physiquement, pas de fausse note lors de cette première représentation au théâtre Clavel. Même avec une scène réduite, les moments chorégraphiés sont nombreux et chacun trouve sa place. Les chansons, écrites et composées spécialement pour cette comédie musicale, sont portées par des voix puissantes et assurées, dans des styles variés qui demandent une grande maîtrise et beaucoup de travail en amont. Décidément, l’équipe de Météore ne s’épargne aucune difficulté ! Et c’est pour cela que le public adhère, car on sent bien que l’on est en présence d’artistes qui, malgré leur jeunesse, ont déjà compris comment partager de grandes émotions, en livrant des moments authentiques. Ballade mélancolique, techno ou rap, c’est aussi avec un grand écart musical que chaque artiste s’approprie son personnage avec dynamisme.

La mise en scène est de la même qualité. Gestuelle millimétrée dans les chorégraphies, on est emporté dans le tourbillon de la fête avec un praticable roulant, très habilement utilisé et manipulé par les artistes eux-mêmes à souhait. On a facilement l’impression de se déplacer dans une maison qui sert de lieu à la réception, en changeant de pièces, grâce à quelques éclairages et rideaux. L’élément principal du décor sert en quelque sorte d’allégorie, en emprisonnant les protagonistes dans leur propre pessimisme. Narcisse (Lucas Rigoni) lui-même sera matériellement enchainé à cette cage, comme il est enchainé à son monde, dans une course infinie contre lui-même.

C’est dans une grande complicité ressentie et un plaisir de jouer que chacun explose dans les moments musicaux. Les arrangements audios sont particulièrement soignés pour apporter de la profondeur à nos oreilles. On imagine le plaisir que doit être celui des artistes de pouvoir apprivoiser des personnages complexes et leur donner vie sur des musiques de grande qualité. Nous nous sommes d’ailleurs laissé dire qu’un album ou un enregistrement devrait voir le jour, ce qui permettra de retrouver avec plaisir des mélodies marquantes, qui méritent largement leur place dans les playlists des amateurs de comédie musicale.

Météore est une œuvre que l’on a finalement du mal à classer. Elle parle de pression sociale, de burn out, de rupture. Musiques et chorégraphies variées, influences multiples empruntées au cinéma ou à la littérature, au milieu du noir apparait cependant une voix optimiste et volontaire, qui entre en collision avec les autres personnages, tel un météore fracassant les planètes sur son passage. Personne n’en ressortira indemne, pas même le public qui est traversé par tout un tas d’émotions pendant plus d’une heure, mais ressort aussi avec un sentiment d’espoir. N’hésitez pas à partir à la rencontre de cet astre à la dérive, en prenant dès à présent vos places.

Réservation pour le 28 septembre ou le 5 octobre directement ici : LIEN

Crédit photo : Thomas Berneuil pour Musical Avenue

Météore
Image de Fabrice Felez

Fabrice Felez

Après une enfance où mes loisirs sont centrés autour de la musique et de la danse, c’est tout naturellement que la comédie musicale se présente à moi. En parallèle de mes études de droit, je m’initie aux spectacles, tant modernes que plus traditionnels, qui font naître en moi une véritable passion. Cet élan me pousse à intégrer l’équipe de Musical Avenue pour partager mes découvertes et vous donner envie d’apprécier les trésors de la scène parisienne et française.
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