C’est bien plus qu’un simple hommage ou une rétrospective. C’est une proposition nouvelle : l’œuvre des Cowboys Fringants réimaginée en comédie musicale. Il en fallait de l’audace et de la créativité pour présenter un tel spectacle. Festif, bouleversant, réjouissant, cynique… Pub Royal n’a rien d’ordinaire et on ne s’attendait à rien de moins de la part du groupe chéri des Québécois.
Alors que Karl Tremblay nous a quittés le mois dernier et qu’une cérémonie d’hommage national lui a été dédiée il y a quelques jours à peine, la première de Pub Royal au Théâtre Maisonneuve de Montréal ne pouvait qu’être chargée en émotions. Et pourtant, ce n’est pas la tristesse qui régnait en cette soirée, mais bien l’envie de célébrer la vie.
Réinventer un univers familier
Pas de larmes faciles ni de bons sentiments pour exprimer la détresse humaine, mais des phrases coups de poing, des chorégraphies percutantes et des performances bien senties. Imaginé et crée conjointement par la troupe Les 7 doigts de la main, La Tribu et les Cowboys eux-mêmes, le spectacle intègre aussi d’impressionnantes acrobaties. Aux sept chanteurs et sept danseurs de la pièce, six artistes de cirque nous gâtent en effet de leurs prouesses acrobatiques au sein de cette taverne qui n’a rien de normal.
Refuges d’âmes en quête de sens, cet espace hors du temps devient la scène de leur désarroi. Les airs emblématiques du répertoire des Cowboys Fringants prennent vie de façon originale, portés par ses personnages à la fois perdus et enragés. « Shooters », « Les maisons toutes pareilles » ou encore « L’Amérique pleure » transcendent leur cadre d’origine. Ces hymnes contre la monotonie et l’apathie cohabitent avec des créations inédites, toutes signées de la plume de Jean-François Pauzé. Du jubilatoire « Bienvenue chez nous » au poignant « La fin du show », interprété avec force par Martin Giroux (Notre Dame de Paris), elles s’intègrent naturellement dans l’ensemble du spectacle.
Tissés habilement, les morceaux s’emboîtent et s’enchaînent dans ce décor de bar utilisé ingénieusement. Le comptoir, les tables ou l’escalier servent d’appui aux artistes qui les emploient ou les contournent dans des numéros enflammés. Même quand un seul danseur accompagne un artiste, il parvient à exprimer par ses gestes toute la confusion, la colère et le malheur de celui-ci. À la manière d’un chœur, les danseurs comme les acrobates soulignent et prolongent l’émotion des interprètes avec force et subtilité. L’humour et le sarcasme teintent aussi les scènes, notamment à travers le personnage de Siriso, le grand manitou du Pub Royal, campé par Kevin Houle (Hair). Car malgré la dureté du propos, jamais il n’est question de se prendre au sérieux.
Des artistes en diapason
Qu’ils soient chanteurs, danseurs ou acrobates, les artistes de Pub Royal forment un ensemble harmonieux. Chacun est à sa place et livre des performances vocales et chorégraphiques impeccables. Même si les comparaisons peuvent être tentantes, les voix ne cherchent pas à remplacer celle de Karl Tremblay, mais à porter le message de ses chansons dans un contexte nouveau. Et chacun des chanteurs parvient habilement à le faire.
Il faut voir Pub Royal comme une incursion fascinante dans l’imaginaire des Cowboys Fringants. Impossible bien sûr d’inclure toutes leurs chansons, mais l’exhaustivité n’était pas l’objectif voulu. Malgré cela, l’esprit et la vision du groupe sont indéniablement présents. Le spectateur est littéralement parachuté dans son univers qui se déploie de manière inattendue, invitant chacun à le redécouvrir sous une nouvelle forme captivante. Des supplémentaires sont déjà annoncées pour ce spectacle qui sera également présenté au Grand Rex de Paris du 12 au 14 avril 2024.