Si vous pensez que le Moulin Rouge et l’Académie Goncourt sont deux mondes opposés, ou que les seules figures féminines fortes au début du XXe siècle étaient les suffragettes, allez découvrir le superbe Music-Hall Colette au Théâtre Tristan Bernard et vous changerez d’avis !
À la rencontre de Sidonie-Gabrielle Colette
Décidément, Cléo Sénia aime les figures féminines fortes. Après avoir été remarquée pour son interprétation de Gaby Deslys en 2023 (nommée parmi les révélations féminines de l’année aux Trophées de la Comédie musicale), la voici de retour sur les planches avec un seule en scène dédié à Colette.
On y découvre un portait tout feu tout flamme de cette incroyable femme qui a mené mille vies en une. Le spectacle commence avec humour par l’enterrement de Colette où, remarque-t-elle, il n’y a « que des hommes » qui ne la connaissaient pas vraiment. Elle nous invite alors à faire véritablement sa connaissance, avec espièglerie et nuance, au-delà des discours officiels. Écrivaine, journaliste, danseuse de music-hall, on retrace l’existence de cette femme controversée qui n’avait pas peur de choquer la « bonne société » pour conserver sa liberté depuis son enfance à Saint-Sauveur jusqu’à ses voyages à travers la France et le monde.
L’écriture et la scénographie au service du spectacle
Pour ce faire, Cléo Sénia endosse tantôt son propre rôle, tantôt celui de Sidonie-Gabrielle Colette ou celui de Claudine, le personnage de ses premiers romans. Les trois femmes se fondent dans une joyeuse mise en abyme, dialoguant entre elles et mettant en lumière les convictions et les contradictions de l’artiste. Avec un indéniable talent, par son jeu, son chant, ou sa danse, Cléo Sénia trace ainsi le portrait kaléidoscopique d’une femme qui a refusé d’entrer dans les cases. Drôle et émouvant, tendre et acerbe, délicat et cash à la fois, ce spectacle mêle des citations littéraires au franc-parler bourguignon avec une fluidité savoureuse.
Cléo Sénia déploie l’éventail de ses talents sans jamais en faire trop. Un seul regret : que Cléo ne chante pas davantage car les quatre morceaux qu’elle interprète (signés Hervé Delvolder) nous donne envie d’en entendre davantage !
Pour accompagner ce récit à plusieurs voix, Marie Hervé a créé une scénographie intelligente et polyvalente mêlant rideau de fils blancs, panneau de portes et fenêtres, et projections vidéos. Ces dernières sont utilisées à bon escient et avec une agréable modération. Elle est enrichie par un jeu d’éclairage délicat qui complète judicieusement chaque scène. Du col Claudine à la quasi-nudité, les différents costumes qu’endosse Cléo Sénia agrémentent cet univers visuel poétique et révèlent efficacement les multiples facettes de la personnalité de Colette.
Un spectacle à ne pas manquer
Ce travail sur l’identité visuelle du spectacle participe à maintenir l’attention du spectateur. Bien écrite et brillamment mise en scène, cette pièce l’embarque dans une narration qui ne connait pas de temps morts. Sans détailler, à la manière d’un documentaire, chaque période de la vie de Colette, Cléo Sénia et Léna Bréban ont avant tout fait le choix de dessiner le portrait de cette femme éclectique dans la construction de son identité au fil de ses rencontres, de ses projets et de ses attentes.
L’enthousiasme du public est tel, en ce soir de première, que les applaudissement n’attendent pas la fin du spectacle pour résonner. Que vous soyez familier ou non de cette figure de la culture française, ne manquez pas ce Music-Hall Colette depuis le 26 janvier 2024 au Théâtre Tristan Bernard !