Woman of the Year est une comédie musicale de Broadway de Kander & Ebb (Chicago ; Cabaret) adaptée pour la première fois en France au Théâtre de la Renaissance à Oullins en novembre 2023. Ludmilla Dabo (Une femme se déplace) est à l’affiche de cette production mise en scène par Jean Lacornerie et Raphaël Cottin, actuellement en tournée et de passage les 7 et 8 février au Théâtre de l’Azimut à Antony.
Lorsqu’une comédie musicale créée à Broadway est proposée au public français, difficile de bouder son plaisir ! Nous étions curieux de découvrir cette œuvre méconnue de Kander et Ebb, pourtant récompensée de quatre Tony Awards en 1981 dont celui de « Meilleure artiste féminine » pour Lauren Bacall. Adaptée d’un film de 1942 avec Katherine Hepburn, la comédie musicale raconte l’histoire de Tess Harding (Ludmilla Dabo), journaliste-ultra populaire qui consacre sa vie au travail et connaît plus de célébrités qu’elle ne compte d’amis.
Divorcée, chouchoutée par son assistant et sa maîtresse de maison, elle tombe amoureuse de Sam Craig (Jacques Verzier, toujours aussi excellent), un dessinateur de « cartoons ». Leur vie à deux, commencée sur les chapeaux de roue, rencontre rapidement des difficultés tant Sam se sent délaissé par son épouse et submergé par sa vie trépidante qui leur laisse peu de temps pour être ensemble. Au moment de recevoir son prestigieux trophée de « Woman of the Year », il la quitte – laissant Tess Harding dans le désarroi et face à un choix qu’elle pense impossible, entre sa carrière et son mari.
un livret d'actualité et une partition au diapason
Pourtant basé sur un film des années 50, le spectacle Woman of the Year aborde un thème résolument d’actualité sur la réussite éblouissante d’une femme ambitieuse et talentueuse au détriment de son équilibre de vie professionnelle et personnelle. Le livret reste dans l’air du temps et évite l’écueil d’un dénouement misogyne grâce à son humour et des chansons percutantes à l’instar du fabuleux duo « That’s Wonderful » entre deux femmes, Tess et Jane / Jeanne, aux destins opposés et envieuses de la réussite de l’autre.
La participation des musiciens au chant et à l’action et les décors inventifs projetés avec des effets inspirés du monde de la BD et de la presse aident à moderniser le spectacle et font oublier le peu d’accessoires et l’espace un peu vide de la scène. La pièce aurait mérité une troupe et un ensemble plus conséquent pour donner encore plus d’ampleur aux grands numéros comme « One of the Boys » ou « It Isn’t Working ». Nous saluons en tout cas les performances remarquables de Dalia Constantin et Quentin Gibelin qui enchaînent les rôles et registres en participant pleinement à l’intrigue avec un sens comique aiguisé et une qualité de chant impeccable, y compris en anglais.
Hélas, en 2024, on se demande encore pourquoi des productions continuent à proposer des spectacles de Broadway avec des textes traduits en français et des chansons conservées dans leur version originale en anglais (et sur-titrées en français). Certes, les jeux de mots fonctionnent sans doute mieux avec leur intention d’origine, surtout quand on comprend bien la langue. Mais le rythme en pâtit, les artistes n’ont pas tous une facilité à passer d’une langue à l’autre, et le premier a y perdre est bel et bien le public qui s’adapte comme il peut. Heureusement, pendant deux heures et quart de spectacle, la troupe de Woman of the Year donne tellement d’énergie qu’on finit par oublier cette alternance entre l’anglais et le français. Ils méritent qu’on aille les applaudir, notre rêve est maintenant d’espérer les revoir dans une version 100% française !