Créé en 1955 au Théâtre du Châtelet, Méditerranée est l’un des plus grands succès du Basque Francis Lopez. Le théâtre municipal de l’Odéon en propose une nouvelle version, teintée d’actualité, qui séduit aussi bien les amateurs d’opérettes que le jeune public venu découvrir cette œuvre.
Méditerranée, tes îles d’or ensoleillées…
Tout le monde connaît le refrain entraînant de cette musique pleine de soleil, et de cette histoire qui voit un chanteur revenir dans sa Corse natale alors que son frère est contrebandier, et que la fiancée de celui-ci tombe amoureuse de notre héros. Cette opérette marseillaise s’inscrit dans la pure tradition du genre : dès l’ouverture, l’orchestre emplit la salle de notes joviales et festives, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Il ne cessera pas de nous enchanter jusqu’à la fin, sans aucune fausse note.
Méditerranée n’a rien d’inattendu dans son récit, et pourtant l’histoire fait toujours mouche. A bord de la “croisière bleue” organisée par Monsieur Dubleu, les protagonistes se réunissent. Mario Franchi (Tino Rossi dans la version de 1955), notre héros, célèbre chanteur, fait partie du voyage en tant que vedette. La croisière passe par la Corse et Mario retrouve son frère Matteo, qui trempe dans une sombre affaire de contrebande. Mario devra mener une enquête pour tenter d’innocenter son frère, aidé par Juliette et Mimile, tout en s’interrogeant sur ses sentiments amoureux pour Paola, la fiancée de Mattéo, elle-même en proie au doute. Le curé du village, le père Padovani, les guidera sur la voie de la raison. La narration ne s’encombre pas de trop de détails ni d’explications, et c’est tant mieux. On se laisse porter par la croisière, et le talent des artistes suffit à faire le reste.
Avec cette version dépoussiérée mais au texte toujours actuel, on passe un excellent moment, loin de l’idée désuète de l’opérette du milieu du 20e siècle. Le joyeux cortège de personnages pittoresques à l’accent chantant qui se retrouve dans des situations amoureuses cocasses, fait rire l’assemblée tout au long des deux heures du spectacle. Avec des chansons comme “Un p’tit verre du p’tit vin du pays”, le sourire est garanti ! La présence bienvenue du chœur dans la mise en scène permet de remplir les espaces avec plus d’une vingtaine d’artistes, et l’on passe ainsi des chants aux danses, entrecoupées de moments théâtraux, dans une joviale harmonie.
Le rôle absolument génialissime du curé, joué par l’excellent Jean-Claude Calon (Fernand Sardou dans la version originale), dans la tradition provençale, mêle des accents chantants de Galabru ou les souvenirs de Marcel Pagnol (dont on célèbre cette année les 50 ans de sa disparition). Les personnages que l’on dit secondaires ne sont pas en reste et tiennent une place essentielle pour assurer le rythme. Entre les chansons d’amour où les prouesses lyriques nous régalent, s’intercalent des chansons plus légères comme “voila les joyeux campeurs”, sublimement interprétée par Julie Morgane et Fabrice Todaro (la cage aux folles, Cats), que l’on retrouve ici avec plaisir dans le rôle cocasse de Mimile. Même le brigadier poussera la chansonnette !
Une production de haut niveau
Outre le tube incontournable, “Méditerranée”, popularisé par Tino Rossi, des airs plus régionaux tels que “Ajaccio” ou “Vierge Marie” sont confiés à Juan Carlos Echeverry. En soliste confirmé, il nous fait vibrer par son lyrisme et les nuances qu’il apporte sur les fins de chansons, tout en douceur et poésie. Ses partenaires féminines rivalisent aussi de prouesses vocales, et l’on se plaît à redécouvrir ce patrimoine culturel de notre pays, bien au-delà des attaches régionales. Les chœurs renforcent la richesse sonore de l’ensemble.
Nous applaudissons également le travail fait sur les costumes si nombreux que l’on dirait que les artistes se changent à chaque scène. Les intermèdes sous forme de ballet sont un plaisir, jusqu’à la grande scène finale où le bateau de croisière accoste à Monaco et que tout le monde fête le dénouement heureux de l’aventure dans des vêtements aux nuances de bleu et de blanc, comme un hommage final au mélange indissociable entre le ciel et la mer sur l’horizon. Les décors et accessoires ajoutent au réalisme et à l’immersion et sont eux aussi une invitation au voyage, à tel point que l’on ressort avec l’envie de pousser nos pas jusqu’au Vieux Port et de sauter dans le premier bateau de croisière !
Méditerranée reste une douceur musicale sur laquelle le temps ne semble pas avoir de prise. Les orchestrations, légères et enjouées, captent l’essence méditerranéenne, évoquant tour à tour la douceur des vagues et l’effervescence des fêtes de village. En cette saison printanière, ce spectacle sonne comme le prélude d’un été ensoleillé. Des chanteurs aux musiciens, des danseurs aux choristes, l’unité de la troupe se ressent de plus en plus dans les spectacles joués à l’Odéon. Espérant retrouver ce niveau d’exigence la saison prochaine, nous avons déjà hâte de découvrir les pépites qui seront présentées lors de la saison prochaine (programme à retrouver ICI).