Alexandre Dumas est décidément une grande source d’inspiration, que ce soit pour le cinéma ou pour le spectacle vivant. Si vous pensiez avoir déjà tout vu des 3 Mousquetaires, la compagnie La Douce propose une nouvelle lecture du roman, sous forme de télescopage des époques et des genres.
Est-il vraiment nécessaire de rappeler l’histoire des 3 Mousquetaires ? Nous sommes sûr que vous avez déjà lu ou entendu le récit de D’Artagnan dans votre vie ! Que cela soit via le romain d’Alexandre Dumas, avec la comédie musicale de 2016/2017, dans les dessins animés de votre enfance ou plus récemment au cinéma, les versions et adaptations de cette œuvre sont foisonnantes. La compagnie La Douce imprime pourtant sa patte et présente une version assez inattendue.
Et si vraiment vous ne connaissez rien à l’histoire, pas d’inquiétude ! Elle vous sera racontée par les quatre artistes sur scène qui vous embarquent au fil des chapitres en passant en revue les grandes étapes de l’histoire. De façon didactique, le récit prend forme, et l’habileté d’écriture permet d’éviter l’écueil d’un effet “catalogue” auquel on pourrait s’attendre. Ainsi, on parcourt les 67 chapitres du roman d’Alexandre Dumas à vitesse grand V. L’effort d’écriture est évident, avec ce décalage permanent entre le 18e siècle et les tendances de notre époque, comme si les multiples personnages avaient fait un saut dans le temps, découvrant ainsi un nouveau monde et portant un regard neuf sur les travers de notre société.
La mise en scène est pleine de bonnes idées. Le décor pourtant simple de prime abord suffit à créer les mouvements de scène, et tout y est pour que le spectateur puisse facilement suivre l’histoire. Avec leurs vêtements colorés et leur énergie débordante, nos 4 mousquetaires occupent pour leur part le plateau en continu. Ils vont d’ailleurs jouer tour à tour de multiples personnages, lesquels sont délibérément projetés dans les années 1980. Cette relecture, toute à la fois moderne par rapport au récit initial et empreinte de nostalgie, est assez captivante. On rit volontiers en voyant D’Artagnan, adolescent impétueux, se lancer dans l’aventure avec son sac à dos d’écolier customisé avec des patchs thermocollés, ou lorsque le Cardinal de Richelieu revêt des traits ou attitudes de Freddie Mercury.
Ce tourbillon de genres et changements d’acteurs est parfois déboussolant, mais tous les petits accessoires et costumes permettent d’identifier facilement les personnages. Il faut dire qu’Alexandre Dumas a pris soin de donner de multiples facettes à ses héros, et cette alternance d’artistes et de styles d’interprétation offre encore une autre lecture. Après une première partie centrée sur l’histoire brute, les auteurs aiguisent ensuite notre esprit critique et questionnent sur la pertinence d’écriture du roman. Quelle place est donnée aux femmes ? Sont-elles encore les faire-valoir des hommes, guidées uniquement par l’amour et les sentiments face à des hommes rationnels et combatifs ? Sans s’en apercevoir, le spectateur est amené à aiguiser sa réflexion autour des situations stéréotypées d’une époque. Le personnage de Milady de Winter cristallise à lui seul toute cette intelligence d’écriture.
Et puis il y a les chansons. Et là aucun doute, nous sommes clairement dans les années 80 ! Les sonorités au synthétiseur et les rythmiques en boucle sont les supports d’une dizaine de chansons originales. Les numéros vocaux de groupe alternent avec plusieurs solos, permettant aux artistes de surprendre avec des performances vocales appréciées. Quelques chansons font des incursions dans des styles différents, tantôt allusion à des génériques de mangas, tantôt rock, tantôt évoquant un langoureux cabaret (voire même des jingles de jeux télévisés). Le tout entremêlé de subtiles et nombreuses références à toute la culture pop de la décennie, où le Rubik’s Cube côtoie la coupe mulet !
Bien que certains passages nous aient semblé un peu étirés, l’ensemble du spectacle est très riche sur tous les plans, tant textuel que musical, et l’on passe un moment très agréable. Surtout, l’énergie jubilatoire des 4 artistes est un vrai plaisir et embarque petits et grands présents dans la salle. En remettant sur le devant de la scène des pages parfois oubliées, la compagnie La Douce redonne plus que jamais tout son sens à la célèbre devise : “Un pour tous, tous pour un”. Assurément, les 4 Mousquetaires et un spectacle à ne pas oublier lors de votre venue au festival d’Avignon.
Retrouvez l’album CD avec les chansons en vente à la fin du spectacle