60 ans après sa création, Hello, Dolly! est à nouveau présenté au public français au Théâtre du Lido dans une adaptation qui nous replonge dans l’âge d’or de Broadway
Une œuvre iconique du répertoire de la comédie musicale
Hello, Dolly! est une comédie musicale mythique aux États-Unis composée par Jerry Herman qui débute à Broadway en 1964. Immense succès multi-primé, le spectacle connaît une renommée internationale grâce à l’adaptation cinématographique avec Barbra Streisand. À la suite de Carol Channing qui a créé le rôle sur scène, de nombreuses étoiles de la comédie musicale ont incarné Dolly : Mary Martin, Bernadette Peters, ou plus récemment Bette Midler et Imelda Staunton. À Paris, ce sont Annie Cordy et Nicole Croisille qui ont porté l’adaptation française du spectacle.
Dolly Levi est une marieuse qui fait la pluie et le beau temps dans les relations sentimentales de la ville de Yonkers, trouvant le mari ou la femme idéal à toute personne requérant ses services. Hello, Dolly! raconte une journée dans la vie de Dolly où un certain Horace Vandergelder fait appel à elle car il a décidé de se remarier. Cependant voilà, Dolly n’a qu’une idée en tête : épouser elle-même le riche commerçant. Elle monte alors tout un stratagème pour l’amener dans ses filets.
IT's so nice to be back home where I belong
« C’est si bon d’être de retour chez moi » chante Dolly Levi sur la scène du Lido et il est vrai que le théâtre sur les Champs-Élysées est une belle maison pour le retour de Dolly devant le public français, un décor d’autant plus immersif qu’une grande partie de l’acte 2 se passe justement dans un grand et chic restaurant – new-yorkais cette fois. Si l’espace entre les tables l’avais permis, les spectateurs n’auraient pas été surpris de voir les serveurs jaillir de la salle pour danser parmi eux.
Depuis la reconversion du Lido en lieu dédié au théâtre musical, les équipes artistiques sont confrontées à un espace scénique compliqué, par sa forme en T. Avec Hello, Dolly!, Peter McKintosh a enfin trouvé un juste équilibre entre avant et arrière scène : à l’aide de deux escaliers mobiles qui surplombent ce qui est tantôt le fronton d’une gare, tantôt la devanture d’une boutique, on passe de la rue à une boutique de chapeau, à l’élégant restaurant Harmonia Gardens. Les changements de décors sont réalisés avec une grande fluidité et, esthétiquement, le spectacle est magnifique.
Une belle production qui manque cependant d’un supplément d’âme
Venir découvrir Hello, Dolly! au Théâtre du Lido, c’est vivre une véritable plongée dans l’âge d’or d’Hollywood. Pour certains, cela s’apparentera à une sortie dans un musée poussiéreux, pour d’autres à une plongée nostalgique dans une madeleine de Proust. Il est indéniable que le livret n’est plus de toute première jeunesse et la version parisienne fait bien peu d’efforts pour l’actualiser : on regrette l’absence d’humour et de second degré quand Horace chante, le plus sérieusement du monde, qu’il lui faut « une femme, toute poudrée et rose, pour nettoyer joyeusement le syphon de l’évier ». Cependant, pour ceux qui parviendront à se détacher de cet aspect daté du livret, ils découvriront une partition riche et une mise en scène qui vaut le détour.
Stephen Mear s’accommode également parfaitement de cet espace scénique atypique en imaginant une mise en scène intelligente qui laisse une part belle à la chorégraphie. La qualité des danses est un grand atout de ce spectacle. C’est un réel plaisir d’assister à une comédie musicale qui mêle véritablement les trois arts du théâtre, du chant et de la danse pour nous en mettre plein les yeux. Les splendides tableaux d’ensembles ne laisseront aucun spectateur indifférent.
De touchants seconds rôles et une Dolly à étoffer
Sur la scène du Théâtre du Lido, Dolly est interprétée par Caroline O’Connor, célèbre actrice australienne que les Parisiens avaient pu applaudir dans Sweeney Todd au Théâtre du Châtelet. Elle campe une marieuse extravertie et « dans les apparences », cherchant parfois trop à se faire remarquer et pas assez à manipuler. Sa descente des escaliers du Harmonia Gardens, moment iconique et culminant du spectacle, n’a pas tout l’éclat et l’émotion qu’on en attendrait. Il ne s’agissait cependant que des premières dates du spectacle. À plusieurs reprises au cours de la représentation, des fulgurances ont rendu l’actrice sincèrement drôle et convaincante. Il est à espérer qu’au fil des représentations, le personnage – encore un peu vert – prendra le pouls du public parisien et gagnera son brin de folie pour apporter davantage de comédie et d’émotions à un spectacle trop sage.
En parallèle du couple principal Dolly-Horace, les deux couples secondaires de Barnaby et Minnie (Carl Au et Monique Young), et de Cornelius et Irene (Reece McGowan et Chrissie Bhima), bien que moins originaux dans leur composition, se révèlent beaucoup plus authentiques, sincères, drôles et attendrissants, en plus d’être de véritables triple threat. L’interprétation des deux commis du réjouissant « Put On Your Sunday Clothes » fait véritablement démarrer le spectacle en campant deux personnages naïfs et débordants d’enthousiasme auxquels on s’attache immédiatement.
Hello, Dolly! est un superbe spectacle, impeccable visuellement et musicalement. Quel bonheur d’entendre ces superbes airs de Jerry Herman chantés sur un orchestre live ! Pourtant, le livret désuet et l’interprétation trop affectée freinent l’identification aux personnages et la naissance de l’émotion. Si on reste loin du coup de cœur espéré, cela n’en demeure pas moins un des meilleurs spectacles de cette fin d’année et le cadre idéal pour découvrir une comédie de l’âge d’or dans une mise en scène classique.