Critique : « Hansel et Gretel » au Palais des Glaces jusqu’au 26 janvier 2025

Temps de lecture approx. 7 min.

Créée il y a dix ans et déjà présentée au Palais des Glaces, Hansel et Gretel revient cette saison pour enchanter petits et grands. Entre forêt sombre et douceurs sucrées, cette comédie musicale propose une immersion dans l’univers féerique et inquiétant du célèbre conte des frères Grimm. Malgré quelques faiblesses, cette adaptation continue de séduire grâce à un casting talentueux.

Un livret qui peine à moderniser un conte classique

Reprendre le légendaire récit des frères Grimm est un défi, tant le matériau original est sombre et ancré dans des valeurs d’un autre temps. Cette version d’Hansel et Gretel reste fidèle à l’intrigue originale : deux enfants abandonnés par leur père, sous l’influence de leur belle-mère pour échapper à la famine (une bien belle famille en somme !). Livrés à eux-mêmes dans une forêt obscure, les enfants se retrouvent confrontés aux pièges d’une sorcière cannibale. Le livret de cette version peine à alléger la noirceur générale du récit, même si l’on décèle ça et là des tentatives heureuses dans l’écriture, dans l’optique de réinterpréter les personnages de façon plus moderne. Le final sera perçu comme une sorte de rédemption dans laquelle les héros peuvent s’extirper de leur succession de malheurs.

Dès les premières scènes, l’atmosphère est pesante. Après une exposition au cours de laquelle la belle-mère explique longuement ses intentions malveillantes, l’abandon dans la forêt s’étire un peu. La suite du spectacle se déroule dans la maison de la sorcière, qui, après un moment réconfortant où les enfants peuvent déguster les plaisirs sucrés de la maison de pain d’épice (dans un décor d’un bel effet qui allume des étoiles dans les yeux des plus petits), le lieu redevient oppressant lorsque les deux enfants doivent lutter pour leur survie. Si les contes traditionnels visent à éduquer par la peur, ce ton sombre pourrait déstabiliser les spectateurs les plus jeunes ou sensibles. 

Un effort notable est toutefois fait pour insuffler des notes d’humour et d’espoir, notamment à travers l’évolution du personnage du Faune, interprété avec brio par Loïc Brousoz, qui passe de serviteur soumis à allié courageux. Il apporte beaucoup d’énergie et un brin de légèreté dans des moments difficiles, notamment après la noirceur de la forêt. Certains personnages restent enfermés dans des stéréotypes parfois datés. La belle-mère, fidèle à l’œuvre d’origine, est caricaturalement méchante (Charlène Fernandez oscille parfaitement entre fermeté et humour pour donner de la profondeur à son personnage), le père paraît faible et facilement manipulable, et Hansel et Gretel, bien que touchants, demeurent d’un optimisme peu vraisemblable face à des situations terribles. Bien sûr, le conte n’a pas l’ambition de s’inscrire dans une réalité du quotidien mais bien de faire appel à l’imagination. Une retouche plus moderne aurait cependant pu apporter davantage de nuances et d’émotions, pour se rapprocher des évolutions sociales.

Un moment familial porté par des artistes engagés

L’un des principaux attraits de cette nouvelle production réside dans l’interprétation très précise de sa distribution. Léa Tauzies (Gretel) et Rémy Corrette (Hansel) impressionnent par leur énergie et leur sincérité. Présents sur scène pendant une très grande partie du spectacle, ils naviguent avec aisance entre des émotions complexes, rendant leurs personnages crédibles et attachants. Léa incarne une Gretel aussi vulnérable que courageuse, tandis que Rémy apporte à Hansel une intelligence débrouillarde et une complicité émouvante avec sa sœur. Tous deux se fondent avec une justesse remarquable dans la peau de leurs personnages, grâce à des voix aux tessitures enfantines qui accentuent leur vulnérabilité et leur candeur. Par leur jeu, on s’attache immédiatement à eux.

Léa Tauzies adopte avec finesse les mimiques et expressions des enfants, reflétant leur capacité à traverser un large éventail d’émotions en un instant. Sa Gretel, tantôt effrayée, tantôt affirmée, émeut par sa sincérité et sa spontanéité. De son côté, Rémy Corrette insuffle à Hansel une assurance trompeuse, masquant la fragilité d’un enfant encore loin d’être un homme, mais qui s’efforce de rassurer sa sœur. Ce contraste ajoute une profondeur bienvenue à son personnage.

Bien au-delà du texte, c’est grâce à un langage non verbal subtil et une grande qualité d’interprétation que ces deux jeunes acteurs parviennent à donner vie à leurs personnages. Ils transcendent les mots pour rendre Hansel et Gretel réels, invitant le public à embarquer pleinement dans leur aventure.

Des personnages forts pour tous les rôles

Les rôles secondaires ne sont pas en reste. Les adultes, bien que parfois cantonnés à des archétypes, chantent et dansent avec conviction. La fée des bonbons qui devient la sorcière (Véronick Sévère) marque les esprits avec une interprétation théâtrale et des costumes remarquables ; elle est le pendant de la belle-mère (Charlène Fernandez – Sherlock Holmes l’Aventure musicale) qui occupe la première partie du spectacle. Toutes deux sont épatantes dans leur rôle. Elles assurent également les performances vocales des chansons qui leur sont confiées. Les mélodies accompagnent bien l’intrigue, sans toutefois parvenir à laisser une empreinte durable dans les esprits. Quelques morceaux captivent bien sûr l’audience, notamment lorsque les enfants laissent libre cours à leur imagination. Les duos font plaisir à nos oreilles. La partition invite à l’aventure et s’appuie sur des sonorités et rythmiques qui ont fait leur preuve pour nous plonger rapidement dans l’histoire.

Le spectacle s’articule en deux grands actes : chacun bénéficie d’un décor qui occupe bien l’espace sur scène et accompagne l’évolution de l’histoire. La première partie se déroule dans la maison familiale, un environnement volontairement terne et austère, reflet de la pauvreté à laquelle les personnages sont confrontés. Ce choix, bien qu’intentionnel, accentue l’atmosphère pesante du début du spectacle.

Après l’errance en forêt, la maison de la sorcière surgit dans toute sa splendeur, fastueuse et captivante, avec ses détails évoquant les friandises et la magie. Ce décor, conçu pour impressionner, occupe la deuxième partie, créant une bonne surprise pour le public et amplifie l’effet narratif de l’entrée dans un univers à la fois fascinant et dangereux. Ces contrastes dans l’ambiance visuelle rendent la mise en scène efficace et facilement lisible pour le jeune public.

Les costumes contribuent également à cette réussite visuelle, notamment les robes de la sorcière, qui sont particulièrement travaillées. Riches en détails, elles évoquent à la fois son caractère maléfique et son lien avec l’univers gourmand et magique de la maison. Ces choix vestimentaires ajoutent une dimension théâtrale forte, renforçant l’impact de chaque apparition du personnage.

Bien que cette version d’Hansel et Gretel ne révolutionne pas le genre de la comédie musicale, elle offre un spectacle divertissant et sincère. Les enfants dans la salle frissonnent et applaudissent, captivés par cette histoire intemporelle. Le spectacle véhicule des messages d’espoir et met en lumière l’importance de la persévérance et de l’imagination face à l’adversité, faisant de ce moment une agréable sortie familiale, idéale pour se plonger dans l’esprit des fêtes grâce à une équipe d’artistes talentueux et d’une grande générosité.

Crédit photos : © Manon TOPALIAN et Musical Avenue 

Hansel et Gretel, la comédie musicale
Image de Fabrice Felez

Fabrice Felez

Après une enfance où mes loisirs sont centrés autour de la musique et de la danse, c’est tout naturellement que la comédie musicale se présente à moi. En parallèle de mes études de droit, je m’initie aux spectacles, tant modernes que plus traditionnels, qui font naître en moi une véritable passion. Cet élan me pousse à intégrer l’équipe de Musical Avenue pour partager mes découvertes et vous donner envie d’apprécier les trésors de la scène parisienne et française.
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