Et si les œuvres d’art vivaient ? Que nous diraient-elles ? Si vous passez par Avignon cet été, faites un détour par le Théâtre des Lucioles où se joue actuellement Les Folies de Lucien, un musical qui vous surprendra par sa fin aussi originale qu’inattendue. Présenté tout le mois de juillet à 14h dans le cadre du festival off d’Avignon, Les folies de Lucien est une comédie musicale délirante et pleine d’esthétisme servie par une distribution de talent.
Dans un lieu délimité par des buis verts représentant la salle commune d’un asile ou d’une clinique, Les Folies de Lucien met en scène sept personnages habillés de blanc qui croient incarner des œuvres peintes ou sculptées. Aussi retrouve t-on des personnages très différents tels que la Mona Lisa, l’Angélus ou encore la Vénus de Botticelli.
S’exprimant avec le vocabulaire de leur époque et disposant chacun d’un passé différent, les protagonistes sont touchés d’une folie exubérante qui est soignée par le Docteur et par Gloria, une infirmière en blouse décolletée et chaussée de talons hauts de couleur rouge. Les excès et les soucis quotidiens des plus grandes œuvres d’art (comme par exemple Le Penseur qui se fatigue toujours le même bras pour poser sa tête) sont conduits par un fil rouge qui est l’organisation d’un pique-nique.
Cette comédie musicale très dynamique est plutôt joyeuse malgré un thème (la folie) relevant habituellement du dramatique, principalement grâce à l’extravagance des personnages ainsi que par leur apparente sincérité. Rythmée par quelques jolis tableaux de groupe, cette pièce musicale est également constituée de chansons en solo aux styles musicaux variés et propres à chaque œuvre d’art (valse, rock, tango…) qui accentuent l’ivresse des personnages et nous font presque oublier la présence qu’un piano (sous les doigts talentueux de Baptiste Cheron) accompagne seul la troupe.
L’interprétation des œuvres d’art par les artistes qui sont ici à la fois comédiens, chanteurs et danseurs est saisissante : citons par exemple la Maja Desnuda (Clotilde Chevalier, drôle et provocante !) qui chante avec un accent espagnol son envie de paella ou encore l’égocentrique Vénus (Virgine Perrier, très a l’aise dans ce rôle), convaincue d’être un mannequin vedette. La grâce des comédiens est par ailleurs mise en valeur avec de très jolis portés et autres chorégraphies qui permettent aux artistes d’occuper tout l’espace de la scène.
Soulignons également l’excellente prestation de Léovanie Raud dans le rôle de Gloria, l’infirmière sensuelle qui tente de garder les pieds sur terre et de ne pas céder aux caprices des personnages-œuvres d’art. Sa prestation vocale et scénique est juste et inspirée, ce qui a pour résultat peut-être involontaire de la part des auteurs de la positionner largement au dessus du lot par rapport aux autres comédiens, mettant ainsi en lumière l’inégalité qui existe entre les différents membres de la distribution.
La diversité des styles musicaux a également pour conséquence de nous perdre occasionnellement lorsque par malheur un genre en particulier ne retiendrait pas spécialement notre intérêt. Les "malades" ne quittent d’autre part jamais la scène, à l’inverse du Docteur et de Gloria, ce qui oblige chaque personnage à trouver un moyen pour s’intégrer à chaque scène et qui peut paraître parfois forcé et inutile.
Malgré ces quelques défauts, le surréalisme et l’originalité de la comédie musicale Les Folies de Lucien nous a permis de passer un moment réjouissant au Théâtre des Lucioles et de nous donner un tout autre regard sur les œuvres d’art pendant près d’une heure et quart…
Compte-rendu co-écrit par Sophie Dussaussoy et Stephany Kong
Crédit photos : Hélène Milon