Plusieurs fois par an, l’Opéra de Massy propose des visites thématiques pour découvrir l’envers du décor. A l’approche de la première de Company, vous pouvez découvrir les coulisses de l’anniversaire de Bobby.
La visite commence par une présentation de l’opéra. Plus jeune opéra de France et seul opéra de banlieue, il a été imaginé comme un hall de gare ou centre commercial : un lieu de vie et de passage où tout le monde peut se rendre. Plus que toutes les autres maisons d’opéra, le rôle de l’Opéra de Massy est d’accueillir à l’opéra des personnes pour la première fois. A 11 heures, on est encore loin de l’effervescence qui règle dans ce hall d’accueil les soirs de représentation.
Sur les pas des artistes en répétition
En suivant les pas des professionnels qui travaillent ici, nous entrons par l’entrée des artistes et nous dirigeons vers la salle d’échauffement et de répétition. Sur le sol, un tapis de danse retranscrit les dimensions de la scène. Des marques multicolores précisent l’emplacement des décors pour que les acteurs puissent travailler leurs déplacements en conditions. Des chiffres le long d’un côté servent de repère au metteur en scène pour préciser et corriger les placements des interprètes. Nous retrouverons ces mêmes chiffres sur le bord de la scène.

Company et Génération Opéra
C’est l’occasion pour notre guide de présenter le spectacle qui sera accueilli à compter de la semaine prochaine : Company, une comédie musicale écrite par le parolier de West Side Story, Stephen Sondheim. L’œuvre raconte l’histoire de Robert qui, le jour de ses 35 ans reçoit de nombreuses sollicitations de couples d’amis, l’occasion pour lui de réfléchir à la vie en couple, au mariage et au célibat. Si l’auteur de cette comédie musicale conceptuelle est décédé depuis quelques années, la production française a la chance de pouvoir compter sur le soutien de Larry Blank, un fin connaisseur de l’œuvre de Sondheim puisqu’ils ont travaillé ensemble sur plusieurs productions depuis les années 1970.
Cette nouvelle version de Company est montée par Génération Opéra, une compagnie qui, après les premières à Massy, présentera le spectacle en français et chansons en anglais dans plusieurs maisons d’opéra à travers la France. Pour l’occasion, les auditions ont permis de sélectionner des artistes bilingues – critère d’autant plus important qu’une partie de l’équipe artistique est anglophone et que l’anglais est donc la langue de travail sur le plateau. Les 15 artistes sélectionnés ont une formation en comédie musicale, mais également des connaissances de chant lyrique.
La conception des costumes de Company
Nous nous rendons ensuite dans les ateliers costumes. En ce samedi matin, entre machines à coudre, tables de travail et portants, elles sont quatre à l’ouvrage et pour cause : la veille a eu lieu la première répétition en costumes. Elles doivent faire les retouches et ajustements nécessaires d’ici la prochaine répétition. La morphologie de certains artistes a pu évoluer depuis les essayages, d’où ces reprises essentielles.
Concevoir un costume d’opéra peut être un travail de longue haleine allant jusqu’à deux mois. Même s’ils pourraient ressembler à des vêtements quotidiens, les costumes de scène sont pensés pour être beaucoup plus solides et ajustables. Les costumes de Company ont été conçus sur mesure pour son interprète dans les ateliers de l’Opéra Grand Avignon. Inspirés de la mode des années 1970, ils ont été créés par Nathalie Pallandre en mêlant une partie de création et une partie d’achat (en particulier les chaussures). Pour aider le public à se repérer, elle a imaginé une couleur par couple d’amis de Robert. Le personnage principal sera lui-même vêtu de gris, en écho aux couleurs du décor qui symbolisent ce qui se passe dans sa tête.
Le travail d’habilleuse est loin de s’arrêter au début du spectacle : pendant les représentations, elles resteront à l’affut, dans les coulisses, prêtes à réparer tout accroc qui pourrait survenir sur scène.


Les loges, espace de préparation et de repos
Direction les loges. La loge de maquillage est particulièrement grande et lumineuse, les murs couverts de lumières et de lampes pour bien éclairer les visages. Ce n’est pas une erreur d’architectes si les murs n’y sont pas tout à fait parallèles. L’objectif est de créer un jeu de reflets qui permet à l’artiste de se voir de face, de profil, de dos, de près comme de loin et ainsi de contrôler ce que verra le spectateur.
Rien n’est laissé au hasard pour le maquillage : les projecteurs ont tendance à aplatir les visages. Le maquillage permet de faire ressortir les expressions des personnages, de les rajeunir ou vieillir, d’accentuer leurs caractères par un renforcement des pommettes ou des sourcils par exemple. À partir d’inspirations diverses, les maquilleuses font des propositions aux créatifs du spectacle. Lorsque le choix de maquillage est validé, des photos du rendu final sont accrochées sur les murs de la loge : cela permet aux maquilleuses de gagner du temps lorsqu’elles préparent les acteurs.
Le maquillage des interprètes peut avoir lieu bien en amont de la représentation. Généralement, les solistes sont les premiers maquillés en début d’après-midi, puis vient le tour des ensembles. Toute personne qui monte sur scène – jusqu’au plus petit rôle – est maquillée. Juste avant le début de la représentation, les solistes repassent dans cette loge maquillage pour les dernières retouches et ajustements. Comme les habilleuses, des maquilleuses restent en coulisses tout au long du spectacle pour suivre les ajustements, effacer les traces de larmes après une scène tragique ou modifier le teint d’un personnage, à l’image de La Traviata, qui deviendrait de plus en plus malade à mesure où la représentation avance.

La loge maquillage n’est pas la seule : chaque artiste a également sa loge personnelle, son sanctuaire où il peut se préparer et se reposer. À Massy, elles sont toutes équipées de hauts parleurs qui leur permettent de suivre, en direct, ce qui se passe dans la salle, de déduire à l’oreille le degré de remplissage de la scène ou la force des applaudissements s’il faut retourner sur scène pour un dernier rappel. Elles sont donc loin d’être le havre de paix qu’on pourrait imaginer. Pour Company, une seule loge est partagée pour une comédienne enceinte : sa doublure a également appris le rôle et sera là pour prendre le relais à tout moment.
Être assistante chorégraphe sur Company
Nous quittons ensuite les loges en direction de la salle. La matinée est réservée aux essais techniques. Assis derrière une table au milieu de la salle, créatifs et régisseurs guident les techniciens sur scène : l’occasion pour observer en direct des essais lumières.
Passant près de nous, l’assistante chorégraphe Stéphanie Bron accepte de nous présenter son métier. Ancienne danseuse du West End, elle est venue s’installer en France après les confinements, mettant de côté sa carrière de danseuse pour se reconvertir. Cette reconversion s’est faite assez naturellement. À Londres, elle était Dance captain c’est-à-dire qu’elle s’assurait que la chorégraphie du spectacle demeure la même au cours du temps, en formant les nouveaux et en particulier les doublures ou swings, ces artistes qui peuvent être amenés, à tout moment, à remplacer n’importe quel interprète au pied levé. Le travail d’assistante chorégraphe qu’elle fait désormais s’en rapproche, « le stress en moins », nous confie-t-elle car elle n’a plus à monter sur scène tous les soirs.


Tout au long des répétitions, elle suit la chorégraphie et son évolution. Contrairement à la danse classique ou contemporaine, la comédie musicale n’a pas de langage pour retranscrire les chorégraphies. L’usage est plutôt de réaliser des maps de la chorégraphie – c’est-à-dire des schémas à chaque instant de la chorégraphie qui permettent de fixer les placements et les déplacements. Cela servira de support tout au long de la tournée et en cas de reprise ultérieure du spectacle pour bien se souvenir de ce qui a été décidé au moment des répétitions. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont quatre à suivre la mise en scène et la chorégraphie sur Company : pour assurer la présence d’au moins deux d’entre eux sur chaque date du spectacle afin de suivre l’intégrité artistique et éviter qu’avec le temps, la mise en scène et la chorégraphie n’évoluent trop.
Stéphanie nous explique que le travail sur une comédie musicale en France diffère beaucoup du Royaume-Uni où elle avait des contrats pour 8 représentations par semaine pendant plusieurs mois. Rien à voir avec la tournée de Company qui s’étale sur plus d’un an avec de longues périodes d’interruption. Cela ne veut pas dire pour autant que les artistes ne feront rien pendant ce temps : ils seront engagés sur d’autres activités et spectacles.
Le métier d’accessoiriste
Céline succède à Stéphanie pour nous présenter un tout autre corps de métier, deux énormes gâteaux d’anniversaire à la main. Autodidacte, elle fait partie des accessoiristes du spectacle et travaille avec l’Opéra de Massy depuis de nombreuses années sur les différentes créations qu’il accueille chaque année. Pour Company, les décors ont été réalisés par l’Opéra de Nice et suivront toute la tournée. Céline travaille en collaboration avec la scénographe Barbara De Limburg sur tous les accessoires qui complèteront ce décor. Cette dernière lui transmet ses intentions comme « je voudrais un grille-pain qui fasse de la fumée pendant tant de minutes » et Céline doit alors imaginer le dispositif pour réaliser cette intention. Son métier en regroupe en fait de nombreux : être bricoleur, inventif et débrouillard sont des qualités essentielles pour cela. Son bureau se situe juste à côté de la scène, elle se tient prête à suivre les déplacements des accessoires ou réparer d’un coup de colle le talon d’une actrice qui se serait cassé. Les décors et accessoires suivront ensuite toute la tournée à travers la France.

Un dernier détour sous la scène
Avant de finir la visite, nous avons la chance de passer sous la scène pour découvrir la fosse d’orchestre de l’Opéra de Massy qui a la particularité d’avoir une partie amovible qui peut monter au niveau du public pour rajouter des rangs supplémentaires, ou au niveau de la scène pour l’agrandir dans le cas de ballets par exemple. Pour Company, la fosse d’orchestre sera bien utilisée puisqu’elle accueillera l’Orchestre National d’Île-de-France. Nous traversons ensuite sous la scène, l’occasion d’évoquer la réserve de projecteurs, le fonctionnement de la cheminée et du travail des cintriers avant de se diriger vers la sortie. Merci beaucoup à Lucie pour cette visite passionnante !
Et si vous souhaitez découvrir ces coulisses par vous-mêmes, il reste quelques places pour la visite du 8 mars à 11 heures.
Quant à Company, la première a lieu samedi 8 mars à l’opéra de Massy avant quelques dates à Compiègne. Il reviendra ensuite la saison prochaine dans plusieurs maisons d’opéra avant de terminer sa tournée au théâtre du Châtelet.

