François Borand, que l’on a pu voir dans Le Prince et le Pauvre, Les Misérables à Lausanne, Coups de Foudre ou encore La Fourchette de Pétula, et qui est à l’affiche de Sauna dans le rôle de Maxence depuis la création du spectacle à Paris, se prête au jeu de l’interview confession. Il nous révèle de manière très sincère ce que le rôle lui a appris sur lui-même, nous confie quelques secrets sur son travail vocal pour le spectacle et nous parle de son actualité et de ses projets… François tombe la serviette pour les questions exclusives de Musical Avenue !
Musical Avenue : Qu’est-ce qui t’a amené à postuler pour le spectacle ? Représente-t-il un défi particulier pour toi ?
François Borand : Vincent Baillet m’avait parlé de son envie d’adapter un musical américain du nom de Bathhouse, alors que nous étions en pleine tournée de Touwongka. Lorsqu’il a ouvert les candidatures pour les interprètes j’ai postulé sans trop savoir pour quoi, étant donné qu’il n’y avait que très peu d’informations disponibles sur le projet. Le premier tour se passe bien. Arrive le second où il a fallu chanter en serviette et c’est devenu plus compliqué parce que tout le challenge du spectacle s’est avéré plus concret : la (quasi) nudité, le rapport au corps et au physique, la thématique très spéciale… J’ai été sélectionné pour jouer le rôle de Maxence à l’issue de ces castings sans vraiment savoir où ça allait me mener car il n’y avait pas encore de programmation prévue. Puis les échéances ont commencé à apparaître : le happening à la soirée Life is a Musical, l’avant première au Vingtième Théâtre… Au fur et à mesure des répétitions tout est devenu plus clair. Grâce à l’intelligence de Nicolas Guilleminot, notre metteur en scène, mes peurs et mes complexes ce sont peu à peu envolés. Il a su me mettre en confiance et m’a aidé à vaincre mes appréhensions. Jouer Maxence m’aura beaucoup apporté en tant que comédien. Chaque rôle représente un défi particulier mais Sauna aura nécessité pour moi un réel travail sur ma posture, mon corps, l’image que j’en avais, et nous aura demandé à tous une réelle réflexion sur notre pudeur, ou plus exactement notre impudeur, l’obligation de lâcher prise et pour ma part, de prendre de la distance avec le regard des autres mais aussi avec le mien. Aujourd’hui, jouer pendant 1h15 en serviette me semble naturel, mais il m’arrive parfois de repenser à tout le temps et le travail qu’il aura fallu pour arriver à ce résultat.
Musical Avenue : Tu as la double casquette de comédien et de directeur musical et d’arrangeur vocal sur le spectacle. Peux-tu expliquer à nos lecteurs néophytes en quoi cela consiste et la façon dont cela s’est passé sur Sauna ? Comment as-tu travaillé ?
François Borand : Mon travail en tant que directeur musical revêt plusieurs aspects. Dès le départ, nous voulions que la version française de Bathhouse soit singulière, et pas une copie de l’originale. Travailler sur les arrangements vocaux faisait partie de cette optique. J’ai bien sûr créé à partir de la partition américaine, mais je me suis permis de rajouter des harmonies, de modifier des chœurs… J’ai, par exemple, imaginé des chœurs pour « La Gym » teintés d’une ambiance 70s avec une touche de Grease, de Hairspray ou de Mamma Mia!. Certains auront même reconnus dans « Bear Chaser » un petit clin d’œil à Coups de Foudre avec l’incursion de références aux dessins animés de mon enfance. J’ai pas mal écouté la bande originale de Sister Act avant de travailler sur le « Gospel à un Gossbo » et l’orgasme de « Sous les Douches » est également truffé de citations diverses… Ensuite, en tant que directeur musical, je suis évidemment intervenu sur les nuances du chant, l’intelligibilité du texte, avec toujours un souci d’interprétation. C’est pour cela que nous avons travaillé en tandem avec le metteur en scène. Nos émotions modifient notre chant, comme elles modifient notre voix parlée. Sauna appartenant à ce que nous appelons du théâtre musical, le travail vocal était, selon moi, indissociable de celui de la direction d’acteur. Par ailleurs, il m’est arrivé bien sûr parfois de prodiguer quelques conseils purement techniques aux interprètes. Enfin j’ai aussi beaucoup collaboré avec Sébastien Ménard, notre pianiste et employé du sauna, pour revoir les arrangements musicaux. Je pense, par exemple, au slam du personnage de Teddy dans « Noël au Sauna » qui n’existe pas dans la partition d’origine, et pour lequel j’ai voulu que le chanteur parle son texte sur fond de « Vive le vent d’hiver » (joué sur le mode mineur) puis le canon de « Vent frais Vent du matin », réarrangé à la sauce RnB !
Musical Avenue : Que répondrais-tu aux mauvaises langues qui pensent qu’à l’instar d’autres spectacles, Sauna ne fait qu’alimenter le cliché que la comédie musicale n’est finalement réservée qu’à un public homosexuel ?
François Borand : Vous le dites vous-même dans la question, ces langues sont mauvaises. Tout comme elles, je n’ai pas fait de sondage ni d’étude empirique sur le sujet… Alors bien sûr, Sauna, tout particulièrement, attire la communauté homosexuelle. Mais pas seulement puisque le public féminin semble se régaler et ça n’est pas pour nous déplaire car ce sont généralement les filles les plus réactives dans le public. Pour ce qui est de la comédie musicale dans son ensemble, rien ne me paraît systématique. Je ne peux parler que des publics des spectacles dans lesquels j’ai joué et auxquels j’ai pu assister. Au contraire, que ce soit aux Misérables ou à Coups de Foudre, pour ne citer qu’eux, ces spectacles ont fonctionné auprès de ce qu’on appelle le grand public sans distinction de sexe, d’âge, de taille, de poids ou de sexualité !
Musical Avenue : As-tu d’autres projets pour cette saison ou pour les prochaines ?
François Borand : Je travaille actuellement sur la mise en scène des Barrés de Broadway, une troupe de chanteurs passionnés de comédie musicale anglo-saxonne, dirigée par Jérôme Bortaud. Comme le nom de la troupe le laisse présager, nos concerts ne seront pas académiques mais plutôt conçus dans un esprit détourné et déjanté à la Forbidden Broadway (tout en conservant cependant les textes originaux). La première représentation aura lieu fin juin. Elle sera dédiée aux spectacles produits par Cameron Mackintosh avec des extraits de Cats, des Sorcières d’Eastwick, de La Petite Boutique des Horreurs, de Miss Saigon… En tant qu’interprète je vais bien sûr participer aux dates de tournée de Sauna et il me reste quelques représentations sur Le Temps des Copains au Casino de Trouville. J’ai par ailleurs été contacté pour d’autres projets mais il est trop tôt pour en parler. J’ai appris à devenir superstitieux !
Musical Avenue : Quel regard portes-tu sur le paysage de la comédie musicale française ? Outre les superproductions de Kamel Ouali ou du tandem Attia/Cohen, on voit finalement assez peu de créations de grande envergure en France. Comment expliquer la frilosité des producteurs, pourtant si enclins à financer des adaptations ?
François Borand : A mon avis, tout cela est une question d’économie et de culture. Autant les Etats-Unis ou l’Angleterre sont des pays de comédie musicale, autant la France reste un pays de théâtre, et le théâtre musical a en effet un peu plus de mal à s’y implanter. Depuis quelques années, de grands classiques du répertoire sont adaptés dans notre langue. La création existe pourtant bel et bien chez nous, mais il est vrai que les producteurs ne semblent toujours pas attirés par des investissements de grande envergure. Néanmoins, les créations de taille plus modestes font très heureusement partie de notre paysage culturel et je me réjouis de voir des pièces comme Créatures, Panique à Bord, Le Prince et le Pauvre, La Nuit d’Eliott Fall, Casting, Le Cabaret des Hommes Perdus ou Robin des Bois (la légende ou presque) rester des mois à l’affiche dans de très beaux théâtres comme le Vingtième Théâtre, le Casino de Paris ou le Trianon ! Pour ma part, j’aime particulièrement ces pièces musicales qui sont aussi emblématiques du théâtre chanté à la française. Ce sont parfois des spectacles à une échelle plus humaine qui instaurent un rapport plus intimiste entre la scène et le public. Alors bien sûr, il est bien loin le temps où une création française restera des années à l’affiche de Mogador mais j’espère sincèrement que des auteurs, des compositeurs, des metteurs en scènes, des interprètes, continueront de créer, d’oser, de surprendre et peut-être qu’à force d’acharnement créatif et de passion pour le genre, les choses changeront peu à peu.
Musical Avenue : Quelles sont tes envies dans ce métier ? Comment te vois-tu dans une dizaine d’années ?
François Borand : Bien sûr j’espère continuer mon parcours d’interprète et rencontrer d’autres rôles qui me feront vibrer et me permettront de me connaître encore mieux, car c’est là un des avantages de mon métier. J’ai évidemment des rôles dont je rêve dans le répertoire anglo-saxons comme Emmet dans Legally Blonde, Princeton/Rod dans Avenue Q, Valjean dans Les Misérables, Berger dans Hair… J’ai même commencé des cours de claquettes il y a deux ans pour le rôle de Leo Blum dans Les Producteurs ! Mais comme je vous l’ai dit plus tôt, je suis vraiment très attaché à la création française et c’est un de mes plus vifs désirs professionnels que de travailler avec des gens comme Alexandre Bonstein, Thierry Boulanger, Jean-Luc Revol, Stéphane Laporte… D’ici dix ans j’espère bien avoir eu l’occasion de jouer dans une autre comédie musicale du formidable duo formé par Ludovic-Alexandre Vidal et Julien Salvia. Et comme je suis très fidèle dans le travail, je compte bien, dans cette décennie, être à nouveau mis en scène par ces directeurs d’acteurs talentueux qui m’ont aidé à grandir comme Jean-Baptiste Arnal, Jacint Margarit ou Nicolas Guilleminot ! Plus j’avance dans le milieu du musical, plus je me sens également attiré par le théâtre, et c’est en partie grâce à eux. D’ici 2021, je serai certainement aussi passé ponctuellement de l’autre côté de la scène. J’écris régulièrement (ne serait-ce que pour mes propres chansons) et mes récentes expériences d’arrangeur vocal, de directeur musical et de metteur en scène sont en train de me faire goûter à des plaisirs que je ne soupçonnais pas ! Ha, et pour finir, dans 10 ans, je croise les doigts pour avoir toujours mes cheveux !
Le MySpace officiel de François Borand : www.myspace.com/francoisborand