Il y a 40 ans, le 11 mai 1981, les chats les plus célèbres du théâtre musical dansaient leur tout premier Jellicle Ball dans le West End au New London Theatre. Traduit en 15 langues et présenté dans une trentaine de pays, Cats a été vu depuis par plus de 73 millions de personnes à travers le monde. Battant des records de fréquentation et de longévité autant à Londres qu’à New York, cette comédie musicale légendaire d’Andrew Lloyd Webber n’a pourtant jamais fait l’unanimité. Retour sur ce véritable phénomène planétaire qui a marqué de sa griffe unique les scènes du monde entier.
De la poésie à la scène
Sous la pleine lune, les chats « Jellicle » se réunissent dans une immense décharge municipale. Ce n’est pas une nuit comme les autres, mais un rendez-vous annuel très attendu : celui où le grand chef (Old Deuteronomy) décide lequel ira au paradis des chats (Heaviside Layer) pour renaître de ses cendres.
Marqué par cette histoire tirée du recueil de poésie pour enfants Old Possum’s Book of the Practicals Cats (Le Guide des Chats du Vieil Opossum) de T.S Eliot, Andrew Lloyd Webber s’y intéresse dès 1977. Il la met ensuite en musique à l’été 1980 pour un mini-concert donné au festival de Sydmonton où il rencontre la veuve de T.S. Eliot qui lui offre quelques poèmes inédits, dont « Grizabella : the Glamour Cat ». C’est le déclic pour le populaire compositeur britannique qui visualise alors enfin le fil conducteur de son prochain spectacle : celui d’une vieille chatte disgraciée et galeuse qui erre dans un quartier malfamé de Londres en se lamentant sur sa splendeur d’autrefois.
Un pari audacieux
Cats prend ainsi doucement forme, de l’imaginaire de T.S. Eliot à celui d’Andrew Lloyd Webber qui a la lourde tache d’adapter l’œuvre du poète sans trahir sa vision. Encore faut-il aussi convaincre une équipe créative de se joindre au projet. Le metteur en scène Trevor Nunn, la chorégraphe Gillian Lynne et le scénographe John Napier sont approchés, mais hésitent à s’impliquer dans un spectacle sur des chats à partir de poèmes sans aucun lien entre eux ni dialogues, dansé et chanté d’un bout à l’autre. Leurs craintes sont fondées : c’est du jamais vu dans l’histoire de la comédie musicale en Angleterre. Ils ne tardent toutefois pas à se lancer corps et âme dans cette folle aventure, excités à l’idée de monter un spectacle aussi révolutionnaire.
Et chacun apporte son once de créativité. Pendant que Gillian Lynne crée des chorégraphies originales fauves et sensuelles, John Napier a la brillante idée de concevoir un décor de décharge d’ordures à l’échelle des chats. Il s’inspire aussi de la culture populaire du début des années 1980 pour donner des allures punk et très félines aux personnages, à l’image de Cindy Lauper et Siouxsie Sioux.
Si le pari n’est pas gagné d’avance et que jusqu’au soir de la première, le suspense demeure, Cats ne tarde pas à enflammer le public anglais qui lui fait un triomphe.
À l'assaut de Broadway
Les États-Unis l’accueillent ensuite à bras ouverts dès le mois d’octobre 1982 au Winter Garden Theatre de New York où il tiendra l’affiche pendant 18 ans. Avant d’être supplantée par The Phantom of the Opera, Cats était d’ailleurs la comédie musicale la plus jouée en continu à Broadway avec 7 485 représentations au compteur.
Premier spectacle du genre conçu pour le monde entier sur lequel se ruent des touristes de tous horizons autant à Londres qu’à New York, Cats jouit également d’une efficace campagne de marketing avec son imparable affiche (deux yeux jaunes sur fond noir avec une silhouette dansante en guise de pupille) et ses nombreux produits dérivés que les fans s’arrachent.
Une chanson mémorable
La version de « Memory » de Barbra Streisand, initialement chantée sur scène par Elaine Paige, l’interprète d’origine de Grizabella dans la production londonienne, contribue également au succès du spectacle.
Reprise par une bonne centaine d’artistes depuis, cette chanson continue d’émouvoir le public des années plus tard et demeure toujours le moment le plus attendu de la comédie musicale. Le rôle de Grizabella est par ailleurs souvent campé par des artistes notables (Elaine Paige, Betty Buckley, Prisca Demarez…) et des chanteuses populaires (Nicole Scherzinger, Leona Lewis, Jennifer Hudson…).
Magie et rédemption
Après quatre décennies, plusieurs productions internationales, une vidéo (1998), deux adaptations françaises (1989 et 2015/2016), quelques revivals (2014 à Londres/2016 à New York), un film controversé (2019) et des tournées mondiales sur le point de reprendre en 2022, Cats continue de fasciner comme au premier jour. Au-delà de ses prouesses techniques et artistiques, comment expliquer le succès de ce spectacle extravagant qui a aussi son lot de détracteurs ?
Peut-être est-ce le côté très humain de ces chats ébouriffés qui vient toucher les spectateurs ? Présentés à tour de rôle dans un ballet onirique et envoûtant, ils ont chacun quelque chose à nous apprendre sur nos propres émotions et défis.
Au fil des performances éblouissantes sur fond d’hymnes fantaisistes, Cats aborde les thèmes de la vieillesse, de la mort et de la rédemption. Entre le rêve et l’art, cette galerie de chats nous offre bien plus que des tableaux spectaculaires. Elle nous transporte aux confins de notre propre mémoire pour nous rappeler de célébrer le mystère et la magie de la vie, malgré toutes ses égratignures.
Et comme le résume si bien la chanson: « Let the memory live again… » 🎶😺
🌟 Joignez-vous à un Jellical Ball particulier dès ce vendredi 14 mai à 19h (BST) (18h pour la France) sur la chaîne YouTube The Shows Must Go On pour une célébration spéciale de Cats avec le spectacle en entier disponible pendant tout le week-end ! Plusieurs surprises au menu !
Cats en chiffres
• 73 millions de spectateurs
• 30 pays
• 300 villes
• 15 langues
• 1981: début dans le West End
• 1982: début à Broadway
• 1989: première adaptation française
• 7 Tony Awards® (Meilleur musical, Meilleur livret, Meilleure musique, Meilleure performance d’actrice, Meilleure mise en scène, Meilleurs décors et costumes, Meilleure Lumière)
• 3 Drama Desk Awards®(Meilleure musique, Meilleurs costumes, Meilleure lumière)
• 2 Laurence Olivier Awards® (Meilleur musical et Performance exceptionnelle dans un musical)
• 1 prix Grammy (Meilleur album de théâtre musical)
• 1 Molière du spectacle musical (1989)
• 150 artistes ont enregistré la chanson « Memory »
Crédit photo : © The Really Useful Group