Après Company et Un homme pas meilleur que les autres, le collectif Side by Side a présenté sa dernière création, L’Homme de la Mancha, pour trois représentations à La Scala Paris.
Si nous avons été habitués ces dernières semaines à voir les murs de La Scala Paris vibrer aux sons des hymnes rock d’Hedwig et ses Angry Inch ou encore des Slits grâce à la comédie musicale PUNK.E.S, c’est un grand classique de la comédie musicale américaine que nous écoutons cette fois-ci grâce à la compagnie Side by Side.
Nous avons découvert le travail de ce collectif, qui se définit comme un « incubateur pour les jeunes créateurs du théâtre musical », à l’occasion de leur première création en 2021 à la MPAA Saint-Germain. Il s’agissait d’une présentation de Company, de Stephen Sondheim et Georges Furth, dont une des chansons donne son nom à la compagnie. Par la suite, ces jeunes artistes sont allé.e.s creuser un peu plus dans le répertoire pour proposer leur propre version de A Man of No Importance de Terrence McNally, Stephen Flaherty et Lynn Ahrens (le trio derrière Ragtime et Anastasia). Pour leur troisième spectacle, ils retournent aux fondamentaux en proposant une version française d’un standard du genre : Man of la Mancha.
Cervantes à Broadway
Créée en 1965 au Goodspeed Opera House, dans le Connecticut, cette comédie musicale reprend l’histoire de Don Quichotte, racontée par l’écrivain Cervantès attendant son procès par le Tribunal de l’Inquisition. Le spectacle arrive rapidement à Broadway où il rencontre un vif succès. Man of la Mancha tient l’affiche pour un total de 2 328 représentations et remporte cinq Tony Awards, dont celui de la meilleure comédie musicale. Une adaptation cinématographique sera réalisée en 1972 avec Peter O’Toole dans le rôle-titre et Sophia Loren dans celui d’Aldonza/Dulcinée.
En France, cette œuvre se fait un nom grâce à la version qu’en fait Jacques Brel, deux ans après sa première à New York, au Théâtre des Champs-Élysées où il interprète lui-même le rôle du chevalier à la triste figure. Un album sortira par la suite, inscrivant ainsi la partition dans la culture musicale francophone (on trouve même un extrait dans Les Années Twist!). « La Quête », traduction du tube du spectacle « The Impossible Dream », a d’ailleurs largement dépassé en popularité les sphères de la comédie musicale.
Une belle (re)découverte
Malgré la popularité de sa chanson principale, les occasions de voir L’Homme de la Mancha sont plutôt rares, cette présentation par la compagnie Side by Side est donc la bienvenue. D’autant plus que que l’œuvre est ici jouée avec un orchestre de 12 musicien.ne.s, soit 12 fois plus que dans la plupart des productions que l’on a pu voir à Paris cette saison, et c’est un réel plaisir auditif. Toutes les nuances de la (très belle) partition, mêlant envolées lyriques et sonorités ibériques, sont ici parfaitement restituées sous la direction d’Hélie Bazin (qui tient également la guitare).
L’aspect scénique est ici tout aussi soigné. La mise en scène de Stanislas de Lachapelle joue habilement de l’aspect « théâtre dans le théâtre » du livret et offre une esthétique, proche du théâtre de tréteaux, très efficace. Avec un unique décor (une imposante porte en bois) et des effets de lumières bien pensés, nous sommes directement transporté.e.s dans les différents lieux de l’action, que ce soit l’auberge chaleureuse ou le sinistre cachot. L’évolution du collectif depuis ses premières productions est particulièrement visible à ce niveau.
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Dans le rôle-titre, on retrouve Victor Bourigault, qui s’est illustré cette saison dans deux spectacles totalement différents : Guignol, la grande aventure musicale et Norma. Comédien aux multiples facettes, le chevalier à la triste figure lui offre un terrain de jeu idéal pour explorer une large gamme d’émotions. Il est bien accompagné par Elodie Paulsrud, très touchante en Sancho Panza, l’écuyer fidèle et légèrement désabusé.
Mais le plus beau rôle de la pièce reste celui d’Aldonza/Dulcinée, incarnée ici par Anya Zibulski. Figure truculente lors de son entrée en scène, la comédienne se distingue particulièrement dans les scènes dramatiques où elle est bouleversante. Elle réussit également à déjouer tous les pièges vocaux de ce rôle, qui nécessite de jongler entre le registre lyrique et la voix belt, et signe une très belle interprétation de « Aldonza », assurément le temps fort de cette représentation.
Le reste de la troupe n’est pas en reste, et si l’œuvre tourne essentiellement autour des trois personnages cités plus haut, les artistes s’en donnent à cœur joie pour donner vie aux multiples seconds rôles de cette pièce.
Vous l’aurez compris, c’est une très belle soirée que nous a offert le collectif Side by Side. Alors que les grosses productions se limitent principalement aux gros titres peu risqués, il est important d’avoir ce genre de structures, principalement fondées par de jeunes artistes fraîchement diplômé.e.s, pour nous présenter des œuvres plus rares avec une folle envie de les défendre. Nous sommes sorti.e.s de la salle satisfait.e.s d’avoir pu parfaire notre culture de comédie musicale, ému.e.s par ce beau travail de troupe et impatient.e.s de voir leurs prochaines créations.
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