Avec sa nouvelle création Un hôtel à soi, la compagnie Slash Art plonge le spectateur dans l’univers d’un établissement en perdition. Servie par une dizaine de comédiens-chanteurs, six danseurs et deux musiciens en live, cette fresque à la fois familiale et sociale explore des thèmes contemporains tout en offrant une véritable expérience scénique.
Un huis clos familial et social
Situé sur la route de Deauville, l’hôtel Majestic, autrefois glorieux, a connu ses heures de faste lorsque les artistes y faisaient une halte prisée. Mais dans notre monde où tout s’accélère, les petites villes comme Vernay perdent de leur attrait, laissant l’hôtel déserté par sa clientèle. Un hôtel à soi fait le pari audacieux de traiter de nombreux thèmes, à la fois intimes et sociétaux : conflit social, pression du capitalisme, relations familiales tendues, notamment entre sœurs ou parents et enfants. Si cette multitude de sujets crée une riche palette d’échanges, on peut néanmoins se demander si certains thèmes, comme certaines relations conflictuelles, n’auraient pas mérité un traitement plus approfondi. Malgré des belles idées et sa mise en scène soignée, le spectacle souffre d’un manque de régularité dans le rythme, créant quelques longueurs où l’on peine à rester captivé. Le livret, quant à lui, reste assez prévisible, manquant par moments de rebondissements et de surprises pour véritablement surprendre le spectateur. L’enchevêtrement de situations permet toutefois de beaux moments d’échanges entre les personnages, créant des scènes de théâtre captivantes au cours des presque deux heures de représentation.
Si les murs pouvaient parler...
L’idée de personnifier l’hôtel en lui donnant une voix propre est sans doute l’une des plus belles trouvailles du spectacle. Deux acteurs, François Genet (dont l’interprétation joviale et malicieuse apporte une belle fraicheur) et Anaïs Majdoubi, incarnent avec brio l’âme du lieu : à la fois témoins de son faste passé et de sa décrépitude actuelle. Jouant tour à tour sur les souvenirs et la réalité présente, ces personnages insaisissables, tels des consciences intérieures, interagissent indirectement avec les autres protagonistes, ponctuant l’action de commentaires mordants ou tendres. Leur présence permet également d’introduire des touches d’humour bienvenues, qui allègent habilement les moments les plus lourds de l’intrigue. Ce procédé apporte une vraie dimension poétique et onirique, tout en équilibrant les variations de rythme qui jalonnent le spectacle.
L’attention portée aux détails se retrouve également dans les costumes et les chorégraphies. Le choix vestimentaire crée une harmonie visuelle dans les ensembles, et l’ajout ponctuel de danseurs vient renforcer l’aspect opérette du spectacle. Mention spéciale aux musiciens présents sur scène, qui insufflent une énergie palpable avec leurs arrangements percutants, en accompagnant les artistes dans une variété de styles allant de la pop internationale à la chanson française.
Les numéros musicaux s’intègrent parfaitement dans l’intrigue, avec des moments forts comme une version réinventée du titre « Désenchantée » de Mylène Farmer, qui démarre dans une atmosphère intimiste, pour finir par un refrain collectif puissant. Ce morceau, sublimé par un jeu d’ombres et de lumières, marque un tournant dans le déroulement du spectacle.
Avec une réécriture moderne de la fable de la Cigale et la Fourmi, la compagnie Slash Art offre une production complète aux spectateurs, dépeignant une vision très actuelle de notre société, dans un univers musical tout aussi contemporain.
