Continuons la découverte des productions italiennes contemporaines. Après avoir présenté Aggiungi un posto a tavola et la version italienne de Mamma Mia, nous avons eu la chance d’assister, à Trieste, à une représentation de Sette Spose per Sette Fratelli.
Sette spose per sette frattelli (mot pour mot : Sept épouses pour sept frères) est une comédie musicale adaptée du film hollywoodien Seven Brides for Seven Brothers de Stanley Donen (Les Sept femmes de Barberousse en français).
Un livret problématique pour une musique géniale
Le livret est certainement un de ceux qui a le plus mal vieilli de toute l’histoire de la comédie musicale. Il s’appuie sur une nouvelle de Stephen Vincent Benét appelée « The Sobbin’ Women » : une intrigue qui repose sur l’histoire romaine de l’enlèvement des Sabines.
Sette spose per sette fratelli nous emmène à la rencontre de sept frères qui vivent presqu’en autarcie dans les montagnes jusqu’à ce que l’ainé, Adam, décide de se marier. La principale raison ? Il leur manque une femme à la maison pour s’occuper du ménage et de la cuisine. Le voici qui descend dans la ville voisine et tombe sur Milly, une jeune femme orpheline lassée de son métier de cantinière et en quête de romance. Celle-ci accepte de l’épouser (alors qu’elle le connaît littéralement depuis 30 secondes, mais passons, ce ne serait pas la première de l’histoire de la comédie musicale !). Elle accompagne Adam dans les montagnes et découvre alors qu’elle n’a pas à sa charge un seul mari, mais toute une tribu de sept frères, mal éduqués, à qui elle va tenter d’apprendre les bonnes manières. S’ensuivent fête de village, d’autres coups de foudre, des enlèvements surréalistes, une avalanche de montagne, un accouchement et de sérieux syndromes de Stockholm qui, faute de psychanalystes dans ce coin reculé de l’Oregon, aboutissent à de nombreux mariages.
Et pourtant, malgré tous les problèmes d’un livret qui n’a pas vraiment compris la notion de consentement, ce spectacle reste un vrai plaisir coupable. Les principales raisons ? la musique et la danse ! Que ce soit au cinéma ou sur scène, la partition et la chorégraphie sauvent ce spectacle. Quel dommage que l’orchestre live, prévu sur certaines étapes de la tournée, n’ait pas été là pour l’étape de Trieste !
Une magnifique Milly
C’est au Teatro Stabile del Friuli Venezia Giulia de Trieste que nous avons pu découvrir ce spectacle sur scène. Toute l’œuvre et les chansons ont été traduites en italien et le public très familial semble confirmer la justesse de ce choix.
Le rôle d’Adam est campé par Marco Barzoni (surnommé BAZ), un acteur de télévision italien (les passerelles entre le milieu télévisé et celui de la comédie musicale sont nombreuses en Italie). Celui-ci tient son rôle sagement sans véritablement se distinguer de ses autres frères.
Au sein de cette distribution de 24 acteurs, une se distingue cependant : Diane del Bufalo, l’interprète de Milly est incroyable. Elle est la seule à présenter les qualités d’une triple threat (c’est-à-dire qu’elle maîtrise à la fois le chant, la danse et le jeu d’actrice). Elle occupe à elle-seule la scène pendant presque tout le spectacle sans une seule fausse note. Excellente actrice, elle pose une Milly déterminée et énergique qui en convaincra plus d’un.
Des adaptations du livret plus ou moins bienvenues
Le spectacle contient aussi plusieurs moments d’humour. Le metteur en scène semble avoir tablé sur le ridicule du comportement des frères pour donner une distance avec le propos de la pièce. La scène de l’enlèvement des jeunes femmes est donc présentée à renfort de gags qui amènent les rires du public.
L’entracte est situé juste après l’enlèvement, judicieusement placé au milieu du spectacle, alors que le suspense est à son paroxysme. Malheureusement, le début du second acte commence par deux chansons assez molles et, par ailleurs, répétitives, des frères qui se lamentent. Alors que « Lonesome Polecat » est un air magnifique, il aurait gagné à être introduit par une scène plus dynamique pour attirer de nouveau l’attention du public.
Cette répétition est également le résultat de choix faits du côté de la partition. Le spectacle est construit comme un mélange entre le film de 1954 et l’adaptation scénique de 1984. Certaines chansons du film ont été retirées alors que d’autres, composées par Al Kasha et Joel Hirschhorn pour l’adaptation scénique ont été ajoutées, faisant parfois doublon avec celles du film.
Il y a peu de doute que la sélection a été faite également pour remédier au maximum aux faiblesses du livret. Ainsi, le côté fleur bleue des frères a été accentué avec plusieurs reprises de « Love never goes away ». La chanson des jeunes filles qui fantasment sur leur mariage avec leurs kidnappeurs a, quant à elle, été retirée. Elle semble avoir été remplacée par une nouvelle chanson dont nous n’avons trouvé aucune trace antérieure et qui semble composée pour cette adaptation. Au cours de celle-ci, les femmes se moquent de l’incompétence des hommes, incapables de survivre sans une femme pour les aider : une sorte de réponse à la terrible (mais avouons-le, un peu plaisir coupable aussi !) chanson sur l’enlèvement des Sabines.
De la danse au cœur des montagnes
Au niveau de la scénographie, il y a du bon et du moins bon. Quand on connaît le film, il est assez simple de se repérer. Cependant, l’identité assez proche entre les décors de la ville et ceux de la montagne peuvent induire en erreur un public non initié.
La scène de l’avalanche apparaît comme particulièrement grotesque et peu crédible. On a davantage le sentiment de voir un sac plastique qu’un mur de neige. Cependant, il est certain que mettre en scène une avalanche n’est pas la chose la plus évidente qui soit, surtout quand on doit faire passer une charrette remplie de sept frères et six femmes juste avant l’éboulement fatidique.
Soyons honnêtes, le clou de ce spectacle n’est ni l’histoire ni les décors mais bien les chorégraphies. Cette comédie musicale offre aux acteurs l’occasion de présenter leur talent de danseurs. Les nombreux numéros d’ensemble mêlant les quatorze protagonistes principaux féminins et masculins sont toujours réjouissants. La « barn dance », en particulier, est destinée à impressionner. Les spectateurs dodelinent de la tête en rythme avec l’air entrainant et applaudissent généreusement – et à raison – à la fin du numéro.
Vous l’aurez compris, comme plusieurs spectacles de cette époque de l’âge d’or, le livret a assez mal vieilli et il était ambitieux de l’adapter aujourd’hui. Pourtant, une fois l’abstraction faite de tous ces problèmes, c’est un petit bijou de musique et de danse, une vraie comédie musicale comme on les apprécie, qui se cache derrière. Les deux heures trente de spectacle passent à toute allure et les mélodies restent en tête longtemps après.