La compagnie Selma au secours de la gastronomie française
La compagnie Selma n’est pas novice en matière de comédie musicale. Souvenons-nous notamment de leur reprise en 2018 de How to succeed in business without really trying. Cependant, cette fois, c’est une nouvelle étape qui est franchie puisqu’il s’agit d’une création originale : un spectacle conçu de A à Z ou plutôt… de l’entrée au dessert, de l’apéritif au digestif !
En effet, Séraphin raconte moins un personnage qu’un restaurant de haute gastronomie dans les années 1960. Alors que l’autoritaire directeur de l’établissement rêve de décrocher une étoile au guide Michelin, son incapacité à se réinventer amène sa clientèle à disparaître doucement. Il doit se résoudre à faire appel aux services d’Henri Laporte, un expert prétendument renommé dont les méthodes novatrices sont censées redonner du brillant à l’établissement. On suit cette ribambelle de cuisiniers, serveurs et clients aux personnalités bien tranchées. Pourtant, la toque ne fait pas le chef étoilé et le spectateur découvre vite que ces personnages ne sont pas tous ce qu’ils paraissent être.
Une production réjouissante et efficace
La superbe affiche du spectacle tient ses promesses : sur scène, il est possible de retrouver cette atmosphère appétissante verte et orangée. Le décor du restaurant est suggéré avec finesse par quelques tables et un comptoir qui ne quitteront la scène que pour passer de la salle du restaurant aux cuisines et inversement.
Les chorégraphies sont assez simples, mais pas moins efficaces. Le public a même le droit à un petit numéro de claquettes pour illustrer le nom des différents cocktails. Quant aux ballets de serveurs, incontournables depuis Hello Dolly !, ils sont toujours un plaisir pour les yeux ; comme tous les numéros d’ensemble de ce spectacle d’ailleurs d’où il se dégage une énergie communicative.
Les chansons puisent leur inspiration dans des registres musicaux variés : univers yéyé, style Broadway ou même tango s’entremêlent. Quel bonheur également d’avoir des musiciens sur scène pour accompagner les acteurs. Piano, contrebasse et batterie sont intelligemment intégrés au cadre du restaurant comme s’ils en étaient les musiciens d’ambiance.
Un spectacle un peu long mais plein de promesses
Séraphin est porté par une dizaine d’interprètes passionnés. Ils campent avec conviction leurs personnages : chanteurs, danseurs et comédiens à la fois, nous sentons qu’aucun de ces trois aspects n’a été négligé au cours des répétitions.
Avec quelques longueurs, le livret pourrait être allégé pour conserver l’attention du public pendant les deux heures trente de spectacle. L’absence de personnage principal et les nombreux retournements dans la personnalité des protagonistes compliquent l’identification du spectateur. Celui-ci alterne entre antipathie et sympathie pour chacun des personnages.
Le manque de rythme provient peut-être également de l’abondance de dialogues. Les répliques intelligentes et les bons mots sont néanmoins très appréciables et témoignent d’un véritable travail d’écriture. Le public rit souvent aux nombreux traits d’humour qui se glissent autant dans les chansons que le jeu des acteurs.
Le travail fourni pendant près de trois ans paye car les artistes apparaissent confiants et le public est au rendez-vous ! Pour cette première création, la Compagnie Selma nous présente un spectacle de qualité avec des artistes débordants d’enthousiasme et de talent. Ils placent la barre assez haut et nous ne pouvons qu’encourager à surveiller ce qu’ils nous concoctent pour la suite…