Le 12 juin dernier lors de la cérémonie des Trophées de la Comédie Musicale, l’équipe de Black Legends repartait sourire aux lèvres et deux trophées à la main. Après plusieurs mois de représentations à Bobino lors de la dernière saison, les voilà de retour sur la scène du 13ème art. Nous vous expliquons pourquoi les trophées de la revue ou spectacle musical et du collectif leur ont été adressés.
1685 : pendant que des passages du Code Noir nous sont récités, la scène s’ouvre sur le portrait d’un esclave à terre. Dans une pénombre incommodante, on nous rappelle que le propriétaire terrien blanc était roi et que l’esclavage faisait loi. En un quart de seconde, la lumière jaillit et l’esclave n’est plus. Nous sommes en 1920 et la scène du Cotton Club est à lui.

L’histoire en musique
Dans un défilé d’une quarantaine de tableaux très marqués, l’histoire de la musique afro-américaine prend vie grâce à une troupe qui ne manque pas d’énergie. Dans ce spectacle, il n’y a pas d’histoire dans l’Histoire : aucune intrigue n’a été créée pour l’occasion de façon à servir de faire-valoir au un récit historique. On assiste plutôt à une succession de saynètes introduisant les titres ayant fait la gloire des majors de l’industrie musicale. La logique de construction pédagogique est plutôt pertinente : une date/un personnage/un titre a ses limites et diminue “l’effet waouh” de certains passages. A vouloir tout raconter, nous avons le sentiment de passer à côté de l’essentiel et ne plus très bien comprendre l’essence même du spectacle, frustration à la clef.

Ce sentiment ne nous suit heureusement pas très longtemps. Ce spectacle nous rappelle combien le destin des descendants d’esclaves est lié à la musique. Il est question d’identité et de combats affirmés par le blues, courant musical qui fera des petits au fil des années : jazz, funk, soul, hip hop…Pour accompagner la portée sociale des titres, la scénographie n’a de cesse d’être visuelle et très colorée. Les costumes sont pensés comme une machine à remonter le temps permettant au spectateur de se situer dans une temporalité qui ne lui est pas toujours familière. L’utilisation d’extraits des discours de Martin Luther King ou de Barack Obama renforcent l’ancrage dans les différentes époques et l’empathie éprouvée par le public embarqué dans une montagne russe d’émotions. Heureusement pour nous, on s’attarde juste ce qu’il faut sur l’horreur du Ku Klux Klan, les paillettes d’Aretha Franklin et les pantalons pat d’eph des Jackson Five prenant le relai.

Un collectif au service de la pédagogie
La force du collectif est certainement la pierre angulaire de ce spectacle. Sur un échafaudage métallique à deux étages, l’orchestre embrasse la grande scène de Bobino plus envahie que jamais. On ne compte pas moins d’une vingtaine d’artistes surmotivés à transmettre leur amour pour cette musique, aussi vitaminée qu’eux. Dans un décor permutant (peut-être trop) sur toutes les chansons, les chorégraphies millimétrées s’enchaînent au point d’en être fatigué rien qu’à les regarder. Vocalement, on ne tombe heureusement pas dans une imitation gênante d’artistes pour la plupart disparus. Techniquement, c’est parfait. A en voir le nombre de personnes debout une chanson sur deux, le public est totalement séduit. Le trophée vainqueur du collectif va donc de soi.

Bien que la légèreté soit au rendez-vous grâce à quelques morceaux comme “Boogie Wonderland”, le sujet de la ségrégation reste central. Sur “A change is gonna come” de Sam Cooke, des militants protestent contre la fin de la ségrégation raciale de 1964. L’émancipation est aussi abordée par le prisme de la place de la femme dans la société. Celle d’Aretha Franklin ou Beyoncé plus récemment, invoquant communément la difficulté à se faire entendre. Dans une des scènes maîtresses de ce spectacle, les violences conjugales sont dénoncées sur la partition de “No More Drama” de Mary J Blige et chorégraphiées sous forme de coups qui nous glacent encore le sang.

Tel un jukebox (pour nos lecteurs issus de la génération Z, il s’agit de l’ancien Spotify), Black Legends nous fait revivre avec ferveur et générosité de grandes années de musique. Les quelques imperfections mises de côté, c’est un spectacle qui rassemble et qui mérite d’être inscrit sur les listes de rentrée.
Par ici pour la billetterie.

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