Presque deux ans après la sortie de La Petite Sirène, dernier film en prises de vues réelles a avoir profité d’une sortie cinéma, les Studios Disney reviennent avec une réadaptation de leur tout premier film d’animation sorti en 1937. La recette fonctionne-t-elle encore ou ne laisse-t-elle qu’un goût de pomme empoisonnée ?
On prend les mêmes et on recommence…
Impossible de passer à côté de la fièvre qui pousse Disney à réadapter tous ses grands classiques en prises de vues réelles. Depuis Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton sorti en 2010, la firme aux grandes oreilles a proposé moults films tels que Cendrillon, Le Livre de la Jungle, La Belle et la Bête, Aladdin, ou encore plus récemment La Petite Sirène en tentant de les moderniser pour les adapter aux codes actuels tout en approfondissant leurs histoires.

La manœuvre est un véritable succès puisque plusieurs de ces films dépassent la barre symbolique du milliard de dollars de recettes au box office. Cependant, si l’expression dit que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, on ne peut pas réellement en dire autant de certains de ces long-métrages qui se contentent de faire le strict minimum en recréant des scènes iconiques de leurs aînés sans réellement chercher à créer de plus-value artistique. Ainsi, c’est dans cette démarche de réadaptation massive que sort Blanche Neige réalisé par Marc Webb (réalisateur du film (500) Jours Ensemble et producteur de la série musicale Crazy Ex-Girlfriend). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet ne partait pas sous les meilleurs auspices.
Faux départ
Avant de revenir sur le film, il faut dans un premier temps jeter un œil à sa production chaotique.
Le projet de faire un remake live de Blanche Neige et les Sept Nains sorti en 1937 ne date pas d’hier puisque celui-ci est annoncé par Disney en 2016, bien aidé par la popularité toujours importante de la jeune princesse suite aux sorties dans les années 2010 de pas moins de 5 projets mettant en scène le personnage et parmi lesquels on peut y retrouver les films Blanche-Neige et le Chasseur, Blanche-Neige avec Julia Roberts et Lily Collins ou encore la série Once Upon A Time diffusée sur la chaîne ABC entre 2011 et 2018.

Il faudra attendre l’année 2019 pour que le projet ne trouve enfin son réalisateur, en la personne de Marc Webb, avant que le casting du film ne soit dévoilé en 2021, révélant que les comédiennes Rachel Zegler (West Side Story) et Gal Gadot (Wonder Woman) avaient été choisies pour incarner respectivement les personnages de Blanche Neige et de la Méchante Reine.
Et c’est à ce moment-là que les polémiques commencent puisque la jeune actrice subit rapidement une vague de harcèlement sur les réseaux sociaux de la part d’internautes qui ne la trouvent pas assez “blanche” pour incarner le rôle. Par la suite, elle subit de nombreuses critiques suite à ses déclarations concernant l’aspect vieillissant de l’œuvre originale et sur le fait que le film montrera une princesse plus active dans la prise en main de son destin.
Enfin, les prises de positions contradictoires de Gadot et Zegler concernant le conflit israelo-palestinien ont rendues la promotion du film compliquée, si bien que l’avant-première officielle du film se déroule sans journalistes pour éviter toute controverse.

Mais les comédiennes ne sont pas les seules à être au coeur des polémiques puisqu’en 2022, quelques mois avant le tournage, le comédien Peter Dinklage, bien connu du grand public pour son rôle de Tyrion Lannister, dans la série Game of Thrones, s’insurge contre le fait de demander à des acteurs atteints de nanisme d’incarner les sept nains. Cela pousse alors la production à revenir sur ses choix créatifs en prenant la décision de faire des personnages des “créatures fantastiques” en images de synthèse afin de ne pas renforcer les stéréotypes sur les personnes de petite taille.
Mais au final, est-ce que Blanche Neige parvient à outrepasser les controverses qui l’entourent ?
Siffler en s’ennuyant
Il faut bien l’avouer, le long-métrage de Marc Webb n’est pas la catastrophe tant redoutée du grand public. Cependant, celui-ci est rempli de défauts qui n’aident pas à l’apprécier clairement, à commencer par sa réalisation assez plate, notamment dans ses numéros musicaux et ses scènes d’action. En effet, les plans sont surdécoupés pour tenter de donner un semblant de dynamisme à l’ensemble, l’exemple le plus parlant étant la transformation de la Méchante Reine en Sorcière qui préfère enchaîner des plans à une vitesse folle, rendant la scène peu impactante alors que son pendant animé avait traumatisé toute une génération d’enfants. Et que dire des scènes musicales peu mémorables et qui se contentent du strict minimum en termes de mise en scène, réduisant considérablement leur capital sympathie.

Visuellement, le film n’arrive pas non plus à tirer son épingle du jeu. Essayant de reprendre trait pour trait les visuels du film de 1937, Blanche Neige ne parvient pas à créer un univers graphique qui lui est propre et se retrouve parfois avec des choix artistiques étranges et discutables, à l’image de ses costumes ou des nains en images de synthèse qui ne parviennent pas à se rendre attachants tant leur rendu est passable, à l’image de nombreux effets visuels (oui, le Miroir Magique, on parle de toi…)
Enfin, l’un des plus gros défauts du film reste l’actrice Gal Gadot. Si la perspective de la voir incarner la toute première méchante de l’univers Disney pouvait être alléchante, la comédienne se prend vite les pieds dans le tapis et livre une performance caricaturale au possible rendant la Méchante Reine plus ridicule que réellement terrifiante. Si la Reine Grimhilde du film d’animation brillait par son charisme et son regard froid, la Méchante Reine de 2025 chante, danse et devient un personnage presque cliché malgré elle. Il faut dire qu’elle est peu aidée par la chanson originale écrite pour son personnage qui est sans doute la moins réussie de l’ensemble. Et ce n’est pas sa transformation en Sorcière qui changera la donne puisque l’actrice en fait des tonnes sans jamais parvenir à appliquer une véritable différence…
Une pomme pas si empoisonnée
Si le film est pétri de défauts, il possède tout de même quelques qualités qui le sauvent, à commencer par son actrice principale en la personne de Rachel Zegler.
La comédienne y incarne une version bien plus moderne de Blanche Neige. Ici, la princesse n’est plus dans l’attente du prince charmant et ne se contente plus de faire des tartes et le ménage, mais devient une jeune fille déterminée à régner de manière bienveillante et juste sur le royaume de ses parents et à reprendre la place qui lui est due. Le scénario, écrit par Erin Cressida Wilson, donne ainsi au personnage une occasion de briller et de prendre beaucoup plus d’importance au sein de l’histoire.
Face à elle, Andrew Burnap (Camelot) incarne le rôle de Jonathan qui remplace le personnage du Prince Florian. Le jeune homme passe ici du statut de prince à celui de voleur qui souhaite renverser la régence de la Reine et qui vole aux riches pour nourrir les pauvres. Grâce à un rôle un peu plus développé que dans la version originale, le personnage gagne en sympathie et ne sert plus uniquement de personnage fonctionnel destiné à réveiller Blanche Neige de son sommeil éternel. Il faut dire que l’alchimie entre Burnap et Zegler aide énormément à l’appréciation du personnage et rend leur relation bien plus crédible et actuelle.

Parmi le reste du casting, les fans de comédie musicale pourront y retrouver des voix bien connues et notamment celles de Patrick Page (le Miroir Magique), Tituss Burgess (Timide), Andrew Barth Feldman (Simplet) ou encore George Salazar (Joyeux).
On peut également noter les nouvelles chansons écrites par le duo Justin Paul et Benj Pasek qui sont en majorité de très bonne qualité. Le duo évacue ainsi de nombreuses chansons du film originales telles que “Un jour mon Prince viendra” ou “Je souhaite” pour n’en garder que trois (« Siffler en Travaillant », « Heigh Oh » et « La Tyrolienne des Nains ») et écrire pas moins de 5 chansons originales.
Parmi elles, « Waiting on a Wish » (« Il suffit d’un souhait ») est l’une des chansons les plus mémorables de l’ensemble et devient la nouvelle “I Want Song” de Blanche Neige qui exprime toute son envie de restaurer le royaume de ses parents.
« Good Things Grow (« Notre monde est beau »), quant à elle, est la chanson d’ouverture du long-métrage et est reprise pas moins de 3 fois durant le film afin de montrer les relations entre Blanche Neige et son peuple. « Princess Problems » (« Des problèmes de princesse ») et « A Hand Meets a Hand » (« Le monde en couleurs ») sont les deux duos interprétés par Blanche Neige et Jonathan. Le premier étant une confrontation sur les points de vue contradictoires des deux personnages tandis que le deuxième est une ballade romantique pour sceller l’amour entre ces derniers.
Enfin « All Is Fair » (« J’ai tous les droits ») est la chanson de la Méchante Reine. Peu inspirée, la chanson ridiculise grandement le personnage et est peu aidée par l’interprétation en demi-teinte de Gal Gadot ce qui la rend peu mémorable…

Blanche Neige ne restera pas dans les annales de l’histoire des remakes en prises de vue réelles des Studios Disney. Ni réellement bon, ni réellement mauvais, il reste un divertissement passable sauvé par la prestation de son actrice principale, ses chansons sympathiques et sa réinterpétation moderne du conte.