Les amateurs de théâtre improvisé vont être contents. Le Funambule Montmartre accueille une jeune compagnie qui fait de leur scène, une nouvelle création chaque soir. Art d’Impro nous invite à une aventure musicale sans cesse renouvelée.
Une première chaque soir
Voici une œuvre inhabituelle présentée sur les planches parisiennes. Inutile de vous raconter l’histoire du spectacle, car vous n’assisterez immanquablement pas à la même expérience que nous. Chaque soir, les deux artistes inventent de nouveaux personnages et une nouvelle intrigue, à partir des quelques indications données par le public au début du spectacle. Il s’agit d’une vraie performance d’improvisation, théâtrale et musicale.
La surprise vient du peu d’éléments donnés au début. Avec seulement deux noms, un rêve à réaliser pour le personnage principal et un lieu de départ, les comédiens créent tout un univers, dans lequel le spectateur doit se laisser guider, mais aussi participer par son imagination.
Un musicien sur scène accompagne les personnages principaux, créant au fur et à mesure les ambiances sonores nécessaires à la plongée du public dans l’intrigue. Le trio parvient à donner vie à toute une galerie de personnages pensés à l’instant et à l’instinct.
Des références pointues
Comme si l’exercice d’improvisation n’était pas déjà suffisamment exigeant, il y a en plus une alternance des styles théâtraux. Pour ne pas dérouter le spectateur, le canevas général est expliqué au début. Un choix bienvenu pour certains spectateurs qui pourraient être perdus par les changements de rythme et d’ambiance. Au contraire, cela peut limiter l’imagination et l’esprit créatif pour d’autres. Chacun aura donc un ressenti très personnel.
Quoi qu’il en soit, les artistes savent parfaitement où ils vont. Même dans l’acte rendant hommage à Eugène Ionesco, l’exercice est maitrisé, démêlant l’imbroglio créé sur le fil du rasoir. Les personnages repartent vers leur quête, comme si tout était logique et prévu dès le départ. On en oublie que tout cela est improvisé. On se surprend à se demander, plusieurs heures après la fin du spectacle, comment les artistes parviennent à donner tant de cohérence, et on savoure la performance.
La musique participe grandement à cet l’équilibre. Ce n’est bien sûr pas une comédie musicale qui est jouée (à la différence de New, la comédie musicale improvisée). Les trois chansons viennent tout de même soutenir l’avancée de l’intrigue et donnent du relief aux personnages (avec parfois du chant lyrique). La musique d’ambiance est omniprésente, ajustée en direct, avec des bruitages illustrant les mouvements des personnages, à la façon d’un narrateur invisible. Ingénieusement, le pianiste entre aussi dans l’histoire, jouant tout à la fois avec les comédiens et le public.
Finalement, il n’y a qu’à se laisser convaincre par la proposition. Le travail de mime est assez précis pour ne pas perdre les novices de la pratique. On rêve sans effort, on imagine les changements de décors. Nul besoin d’accessoires supplémentaires pour peu que l’on soit un tantinet habitué à la magie du théâtre. La complicité évidente entre les artistes offre une improvisation adroite et fluide. Avec humour, les moments d’hésitation sont assumés et les artistes s’en servent habilement pour donner encore plus de force à leurs héros.
La durée et le format d’une petite salle procurent un sentiment d’évasion. Ce théâtre musical, parfois métaphorique, parfois philosophique, ne ressemble à rien de ce que nous avons l’habitude de voir ; et ça, c’est une bonne nouvelle !