Que vous pensiez connaître l’œuvre de Racine sur le bout des doigts ou que le théâtre classique vous ennuie, le nouveau spectacle des Épis Noirs saura vous surprendre comme il avait déjà su le faire avec Andromaque Fantaisie Barock.
Du cirque, du théâtre classique et de la comédie musicale, tout à la fois !
Une troupe de cirque décide de monter son adaptation du grand classique de Jean Racine : Britannicus. Présentés comme des monstres de foire dressés par un Monsieur Loyal pince-sans-rire (Pierre Lericq), les personnages entrent dans l’arène de la scène présenter leurs numéros devant le peuple de Rome.
Le spectacle présente une identité visuelle forte qui mêle esthétique punk et univers du cirque. Les costumes sont superbes, véritable reflet vestimentaire de la personnalité de chaque personnage ! Entre trapèze et motifs circassiens, l’intimiste salle du Lucernaire toute entière devient un chapiteau où les jeux de lumière particulièrement soignés parachèvent d’ancrer l’univers artistique du spectacle.
Des personnages marquants interprétés avec brio
Dans une tradition de théâtre de tréteaux, les acteurs tirent l’essence même de chaque personnage et poussent tous les curseurs au maximum, libérant toutes leurs pulsions jusqu’au ridicule : Agrippine (Marie Réache) est obsédée et avide, Néron (Tchavdar) est colérique et impulsif, Junie (Juliette de Ribaucourt) est innocente et sans défense, Britannicus (Jules Fabre) est niais et désespéré, et malgré l’horreur de l’intrigue dont ils sont prisonniers, on ne peut s’empêcher de rire. Tchavdar est particulièrement impressionnant dans son rôle de tyran fou. Malheureusement, les interventions répétées du Monsieur Loyal ne tombent pas toujours à propos et hachent parfois inutilement un spectacle dont on veut simplement connaître la suite de l’intrigue.
Au-delà d’être bons comédiens, les six interprètes du spectacle sont également musiciens et chanteurs : dans des numéros rock désopilants comme « Mets d’la bombe » ou « L’amour à mère », les personnages chantent et dansent, accompagnés par les autres membres de la troupe qui se constituent alors tour à tour en chœur et orchestre. Inattendus et étonnants, ces numéros musicaux servent principalement à étoffer chaque personnalité, tout en parvenant à nous surprendre.
De la pure comédie au cœur de la tragédie
Car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, Britannicus Musical Circus est une tragédie hilarante. Le public rit, mais de tous les rires imaginables : rire nerveux, rire jaune, rire franc, rire libérateur ou rire de moquerie, voire tous à la fois. Toute intrigue tragique, tout drame ou doute est immédiatement désamorcé par l’irruption d’un trait d’humour noir, un jeu de mots absurde ou une rupture du quatrième mur. Tous ne sont pas toujours heureux, mais il y aura toujours un bon mot ou une bonne situation pour ramener les sourires, parfois juste nés de l’absurdité de l’œuvre qui se joue devant nous.
Pourtant, derrière l’impression d’un spectacle qui ne se prendrait pas au sérieux, les Épis noirs ne renient pas pour autant la profondeur de l’œuvre et la gravité des sujets abordés. Le spectateur y retrouve les questions de morale, de rapport au pouvoir ou de sacrifice qui font la force de l’œuvre de Racine et l’ancrent dans le monde actuel.
Britannicus Musical Circus est un spectacle complètement barré à l’humour corrosif et qui ne ressemble à aucun autre. Il ne parlera sans doute pas à tous les publics, mais ceux qui adhéreront avec son esthétique déjantée passeront une soirée mémorable !
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