Une fois encore, le Festival Bruxellons ! a offert à son public une expérience théâtrale et musicale de haut niveau. Avec Come From Away, direction Gander à Terre-Neuve qui a accueilli des milliers de passagers bloqués suite aux événements du 11 septembre 2001. Jouée avec une énergie débordante et une sincérité palpable, cette production a touché le public bruxellois en plein cœur. Retour sur un des moments forts de cet été 2024.
Bienvenue à Gander !
Inspiré par les événements réels survenus après les attentats du 11 septembre, le spectacle raconte l’histoire de Gander, petite ville de Terre-Neuve, qui a accueilli 38 avions détournés en raison de la fermeture de l’espace aérien américain. Le spectacle se saisit d’un épisode tragique pour mettre en lumière la solidarité et les liens humains tissés en dépit de la situation.
A Bruxellons! , efficacité rime avec ingéniosité. La mise en scène signée Anne Mie Gils, et Jack Cooper (habitué du festival) reste fluide et dynamique, et rend hommage à l’esprit du spectacle qui bouscule son public entre l’intime et l’épique, entre le drame humain et la célébration collective.
La scène, principalement composée de quelques chaises et tables ré arrangées à plusieurs reprises par les acteurs eux-mêmes, crée un espace évoluant selon les besoins de l’histoire. De part le côté minimaliste du décor, nous nous concentrons sur les personnages et les épisodes sans distractions superflues. Et au public de suivre le rythme effréné, comme un écho à la réalité chaotique vécue par chaque personnage. Il faut dire que les 12 comédiens incarnent une centaine de rôles et œuvrent grandement à la lisibilité de l’action. C’est avec subtilité que les changements de costumes, de postures, de voix se font, évitant toute confusion.
Élément important de la scénographie, l’usage de la lumière et du son se fait au service des ambiances multiples des scènes : les changements de lumière permettent de passer instantanément d’un lieu ou d’une émotion à une autre. Ainsi les transitions lumineuses sont souvent employées pour distinguer les moments intimes comme les confidences échangées entre passagers ou entre habitants ou des moments de rassemblement collectif. Pour caractériser les moments plus sombres comme la découverte des attentats contrastant avec la découverte par le public de cette population chaleureuse, les éclairages soulignent alors la tension de la situation.
Finalement, cette mise en scène émeut par sa capacité à exploiter des moyens scéniques assez simples pour raconter une histoire plus complexe qui n’y paraît. Associée à une direction précise et appliquée, le public entre dans une compassion le laissant à la fois bouleversé et rempli d’espoir.
A la découverte des Terre-Neuviens
Parmi les nombreuses réussites de cette production, la performance des comédiens est à mettre en avant. Dans cette troupe ont été réunis des artistes déjà bien connus de la scène musicale. Sans les citer un par un, chacun donne un écho particulier aux différents rôles interprétés. La cohésion du groupe est d’ailleurs palpable, groupe dans lequel il n’y a pas de premier rôle spécifiquement. L’idée de communauté est respectée et chaque artiste dans son individualité participe à enrichir le collectif. La polyvalence est de rigueur car chaque acteur doit interpréter plusieurs rôles, alternant entre les habitants de Gander et les passagers des avions, parfois même d’une scène à l’autre. Leur engagement total et leur parfaite synchronisation témoignent d’un travail rigoureux et d’une complicité évidente entre les comédiens.
Du côté des habitants de Gander, on retrouve la chaleur et l’hospitalité qui leur sont connues. Les comédiens jonglent facilement entre les scènes de comédie et les moments de plus forte émotion lorsque la réalité de la situation les rattrape. Un des moments forts est d’ailleurs la scène dans laquelle ils laissent découvrir aux passagers la catastrophe survenue. Ces personnages sont joués avec une telle générosité que le spectateur ne peut s’empêcher de s’attacher à eux. Quand ils deviennent justement les passagers, ils expriment une plus grande palette d’émotions dans des scènes très courtes, directes et qui allègent les moments de tension traduisant la capacité des humains à trouver des moments de joie même dans l’adversité.
Le spectacle est connu pour sa mise en mouvement constante de ses interprètes et à Bruxellons !, le travail de direction des comédiens est très marqué, notamment dans les parties chorégraphiées. Chaque geste est précis et répond à une idée. Et même dans les moments de transitions, on a une impression de chorégraphie permanente, justifiant la fluidité narrative. Tout est évidemment cohérent !
Enfin, on ne pas dissocier les Terre-Neuviens de leur musique folk et celtique qui, dès la première note, transporte le public vers une énergie positive et pleine de gaieté. Les musiciens, souvent à découvert sur scène, font aussi partie de l’action. Dans les moments collectifs, ils quittent leur habitation et jouent librement avec les artistes. La musique rythme le spectacle et devient un marqueur des moments structurants. Vocalement, les ensembles sont particulièrement beaux, et certains passages se démarquent comme l’incontournable “Me and the Sky” sur lequel Marion Preite a pu saisir tout le public.
Vous l’aurez compris, Come From Away est sans conteste une proposition qui encre le Festival Bruxellons ! comme le rendez-vous annuel estival. Cette année, créativité et générosité ont été le socle d’une production réussie, parlant au plus grand nombre. Car ce jour du 11 septembre 2001, il est certain que nous ne l’oublierons jamais.
Retrouvons-nous pour l’édition 2025, qui présentera l’adaptation française de Rebecca, comédie musicale tirée du roman de l’auteur britannique Daphné du Maurier. Espérons que cette version trouvera son public contrairement à la production londonienne un tantinet décevante. On a hâte !
Pour vous faire idée, nous vous invitons à visionner cette vidéo !
Crédit Photos : Gregory Navarra