Voilà un titre énigmatique, même si depuis le succès du film Ma Vie de Courgette en 2017 il a été démystifié. Œuvre littéraire puis cinématographique, Pamela Ravassard et Garlan Le Martelot nous proposent désormais leur adaptation théâtrale et musicale, aussi bouleversante que captivante.
Courgette, le parcours initiatique d’un enfant (pas) comme les autres
À la suite d’un accident familial, Icare, alias Courgette, se retrouve dans la maison des Fontaines, un « foyer pour enfants écorchés » où il rencontre Simon, Ahmed, et la mystérieuse Camille. Le récit explore le monde de l’aide sociale à l’enfance sous un angle inattendu, en faisant de Courgette le narrateur principal de sa propre histoire. Au travers de cette autobiographie partagée avec le public, on apprend à connaître d’autres enfants, mais aussi Raymond, le gendarme, qui va peu à peu endosser le rôle de père de substitution, et qui, grâce à Courgette, va aussi reprendre goût à la vie. Des personnages secondaires viennent émailler par-ci par-là la pièce, apportant des petits touches d’humour et d’humanité.
Le sujet pourrait être triste à pleurer. On aurait d’ailleurs tendance à vite se laisser emporter par cette émotion, mais l’œil toujours bienveillant des adultes de la maison des Fontaines vient adoucir ces peines. Et les enfants sont drôles, que ce soit par leur dynamisme, les scènes qui s’enchaînent à un rythme effréné, ou par les textes incisifs empreints de malice et de plaisanterie. On n’a finalement pas le temps de s’apitoyer sur son sort. A l’image de la vie qui continue quoi qu’il arrive, Courgette continue de grandir, le temps passe devant nous, il fête son anniversaire, entouré de sa nouvelle famille, mais sans jamais perdre son regard d’enfant, son regard si différent qui lui permet (et nous permet) d’appréhender les situations complexes avec une déconcertante simplicité. Courgette vit dans le présent, et avec sa naïveté attendrissante il arrive à profiter de tous les moments de la vie.
Quelle performance des acteurs ! Garlan Le Martelot bien sûr, tient le rôle de Courgette à bout de bras, depuis le début (où il est seul en scène pendant plusieurs minutes, jouant plusieurs personnages dans une succession d’alternances tourbillonnantes) jusqu’à la saisissante scène finale. Il est complètement investi et habité par ce personnage. Les autres artistes ne déméritent pas : en plus d’incarner à titre principal le personnage qui leur est confié, ils jouent aussi des personnages “secondaires” en enchaînant les changements de costumes et de perruques, passant de l’un à l’autre avec agilité (au point qu’on se demande s’il n’y aurait pas quelques “remplaçants” cachés derrière le décor pour leur prêter la main). Une mise en scène et des chorégraphies d’une précision quasi militaire (mais toujours fluide) qui ne permettent aucun temps mort ni flottement.
Le narrateur sonore
Cette pièce est un contraste perpétuel. On parle de sujets graves, de mort, de maltraitance, de mensonge, de différences et d’indifférence, mais sans jamais s’appesantir dans un apitoiement sans fond. Les moments graves sont contrebalancés par des musiques tantôt endiablées et remixées, tantôt reflets d’une grande tendresse.
Contrairement aux comédies musicales classiques, les chansons ne font pas toujours avancer l’histoire, elles ne sont pas une part du récit, mais elles viennent adoucir et accompagner toutes les émotions du spectateur. Comme une extension en 3 dimensions des personnages, les mélodies sont une main tendue de la scène vers le public, pour le prendre dans ses bras et apaiser les tristesses de la situation, redonner de l’énergie avant de sombrer ou tomber amoureux. Et lorsque l’on se sent bien, qu’on se réjouit d’un dénouement positif, la musique s’obscurcit, les airs entraînant sont joués avec mélancolie, comme pour nous rappeler que la vie n’est qu’une succession de sentiments complexes et mélangés, changeant et insaisissables.
Les acteurs sont également les musiciens, maniant piano, batterie, guitare et harmonica (que l’on voit rarement) à leurs harmonies vocales. Ils empoignent leurs instruments au fur et à mesure, puis les abandonnent pour reprendre un aspect plus théâtral. C’est simplement beau et tendre, comme un baiser d’enfant. Les qualités vocales sont impressionnantes, avec entre autre Vanessa Cailhol qui transmet chaleur et réconfort par un mélange de notes et de jeu d’acteur irréprochable. La pièce a d’ailleurs tendance à faire oublier les talents acoustiques, tant on est pris dans l’intimité des personnages pré-adolescents, et on ne réalise qu’après avoir quitté la salle (lorsque l’on se prend à fredonner quelques airs) la performance et l’exigence que chaque artiste doit avoir envers lui-même pour livrer une prestation aussi maîtrisée, sans que cela ne semble demander aucun effort. On apprécie ce mélange des genres, où l’instrument est décor et inversement. La mise en scène et les chorégraphies tirent le meilleur partie de ces éléments, qui créent des espaces scéniques plus que des obstacles. Le spectateur est guidé dans l’imaginaire visuel et les changements d’espace. On oublie vite qu’un même décor fixe occupe la scène du début à la fin. Par des jeux de lumière éclairant alternativement tel ou tel coin du décor, la magie opère (et c’est aussi la beauté de la pièce), nous transportant du foyer des Fontaines à la maison de Raymond, en faisant un détour par le parc d’attractions ! Jusqu’à un final lumineux et plein d’optimiste.
Courgette est un spectacle simplement beau, qui n’a rien de comparable avec ce que l’on voit couramment. Chaque spectateur verra dans la pièce ce qu’il veut y voir pour se l’approprier, pour découvrir un autre regard sur son quotidien, sur l’amour qui peut surgir n’importe où, et sous toutes ses formes. Et surtout l’espoir, beaucoup d’espoir. Plutôt que de se concentrer sur les noirceurs de l’humanité, Courgette invite à voir la vie en couleurs et à la lumière de l’innocence enfantine. Et si nous faisions pareil, si nous traversions les drames d’une vie en chantant et en riant ? Vous aussi, vous pouvez vivre une heureuse vie de Courgette.
Crédit photos : Fabienne Rappeneau
Représentations les Mardi – Mercredi 20h
Vendredi 19h
Samedi 17h et 20h30
(Relâche le 5 décembre 2023)
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REPRÉSENTATIONS EN LSF
(Langue des signes française) :
Vendredi 24 novembre à 19h
Samedi 25 novembre à 17h
Samedi 25 novembre à 20h30
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