Après avoir vu le jour sous le soleil niçois en 2021 sous le titre Roxane, ce spectacle musical revient aujourd’hui sous un nouveau nom, Cyrano de Bergerac, pour trois dates. Ce changement de titre n’est pas anodin : il reflète une volonté de recentrer l’histoire sur un personnage emblématique, plus connu du grand public, tout en explorant les liens entre Cyrano et Roxane, qui forment deux faces d’une même pièce.
Malgré les problèmes techniques qui retardent le début du spectacle, le public patiente avec amabilité et toute la troupe reste concentrée pour offrir une prestation de qualité. Avec curiosité, nous attendons de découvrir la nouvelle version et les évolutions de cette création 100% azuréenne.
Un spectacle revisité entre ambition et limites
La première partie du spectacle est prometteuse. L’ajout de huit danseuses dès le tableau d’ouverture, avec une chorégraphie dynamique, donne immédiatement de l’ampleur au numéro musical. Les chansons suivantes, comme « Danseuse étoile » et “Je viens à toi » bénéficient aussi de ces chorégraphies modernes et énergiques, et visuellement impactantes avec quelques lumières bien pensées. De nouveaux costumes viennent aussi enrichir le spectacle, avec plusieurs changements tant pour les artistes principaux que pour la troupe, apportant également une touche visuelle bienvenue.
Malheureusement, cette dynamique s’essouffle progressivement. Au fur et à mesure, le spectacle peine à maintenir la même intensité et souffre d’un manque de surprises dans la mise en scène. Certains moments, en particulier les solos chantés, paraissent visuellement dépouillés, l’artiste se retrouvant souvent seul sur une grande scène, ce qui accentue une impression de vide. À Nice, le format plus intimiste de l’arène offrait une proximité agréable qui servait mieux ces chansons solitaires.
L’alternance rigide entre chansons et interventions de la récitante, qui expose ou commente systématiquement l’action, finit également par lasser. Si cette dernière est émouvante et apporte un certain lyrisme au récit, le manque de variation dans sa mise en scène rend la mécanique répétitive et prévisible.
Une partition séduisante, portée par des musiciens live
L’un des points forts indéniables de ce spectacle réside dans ses compositions musicales. La diversité des genres, allant du rock à la variété pop en passant par des ballades mélancoliques et des influences jazz, offre une richesse sonore plaisante. L’accompagnement en live par les musiciens rehausse l’ensemble. Les chansons et le livret ne semblent pas avoir été modifiés depuis l’origine, malgré le choix de placer Cyrano au cœur du récit. Il incarne la complexité et la profondeur émotionnelle du spectacle. Son amour non avoué et sa souffrance intérieure sont touchants. Ses tourments sont souvent évoqués par la récitante, alors que le personnage pourrait jouer davantage de scènes, mieux à même de faire ressentir l’intensité dramatique du spectacle.
Christian, interprété par Romain Dos Santos, manque parfois de noirceur dans son rôle de personnage torturé. Sa prestation reste juste, mais elle ne parvient pas à exprimer pleinement les conflits intérieurs de son personnage. Joséphine Coletto brille dans son rôle, démontrant une grande aisance dans les aigus et les variations vocales, tout comme dans son approche du jeu scénique. Le personnage de De Guiche, quant à lui, demeure trop superficiel, jouant le rôle d’antagoniste sans réelle profondeur, ce qui limite son impact sur l’intrigue.
Un spectacle en quête d’équilibre
Le spectacle pêche par la rigidité de son déroulé narratif. Le schéma particulier d’une chanson suivie d’une intervention théâtrale de la récitante se répète sans réelle variation. Ce format rarement vu sur d’autres créations intrigue et attire au début, mais crée aussi des ruptures de rythme dans le déroulé narratif, là où les chansons et quelques moments dialogués pourraient permettre de maintenir l’intensité émotionnelle.
Malgré ces écueils, le spectacle conserve une belle ambition, et s’enrichit de plus en plus avec l’introduction des danseurs et aux efforts de lumière, costumes et mise en scène. Les chorégraphies, tantôt modernes, tantôt classiques, sont une réussite et s’intègrent parfaitement aux différents tableaux musicaux, parfois en accompagnant les personnages principaux, parfois en se substituant à eux comme un prolongement. Une nouvelle date est prévue à Nice (les réservations sont déjà ouvertes), et une tournée en Asie est annoncée. Une belle opportunité pour ce spectacle de trouver un souffle nouveau et de conquérir d’autres publics.