Ogres et contes de fées… bienvenue dans l’univers de quatre conteurs qui n’ont pas peur de lire les histoires jusqu’à leur faim… pardon, jusqu’à leur « fin ».
Des histoires sans fin
Le rideau s’ouvre sur un prologue. Quatre conteurs nous racontent l’histoire d’un petit garçon qui décide de manger une lettre qu’il vient de recevoir tellement il l’apprécie. Assis derrière une longue table, ils ouvrent un grand livre de contes intitulé « Fin (faim) ». Écrit par Prudence, une jeune fille, il rassemble ses cauchemars peuplés de monstres affamés. S’ensuivent page après page, des récits de toutes formes où enfants mangent leurs parents, parents leurs enfants, les rois leurs sujets, les voisins leurs voisines… Petit à petit, des mises en abyme se créent, des personnages reviennent d’une histoire à l’autre tant et si bien qu’on ne sait plus qui mange et qui est mangé en fin de compte.
Entre la Comtesse de Ségur et Victor Victoria
Cette histoire à tiroirs est racontée par quatre interprètes polyvalents qui interchangent de rôles, identifiables à leurs seuls prénoms et parfois costumes au point qu’on s’emmêle un peu les pinceaux entre les Pimprelette, Pétunia, Pélagie, Parchina, ogresses affamées ou bonnes fées.
Reprenant des codes du cabaret, chaque histoire est tantôt contée, jouée ou chantée dans une succession de numéros comme autant de pages du carnet de Prudence. Chaque histoire prise indépendamment est terrifiante, mais l’effet de répétition les rend presque drôles. Chacune connait une fin similaire, mais jamais identique et l’attention du spectateur se porte plus sur la narration qui la précède que sur le dénouement, car il existe 1001 façons de raconter un même récit, chacune amenant à des conclusions différentes – même si parfois on aimerait peut-être un peu plus d’espoir et un peu moins de cannibalisme.
Théophile Dubus, le metteur en scène du spectacle, a puisé son inspiration autant du côté des monstres cruels et attachants de la littérature jeunesse (on retrouve les influences de Max et les Maximonstres, de la Comtesse de Ségur ou de Claude Ponti) que de l’univers de la comédie musicale (Kurt Weil, Victor Victoria). Musicalement, les numéros chantés ont des intonations de Michel Legrand pour « La Chanson du Bien Sûr » et d’Emilie Jolie pour « La Chanson A Suivre ». Chacune des trois chansons du spectacle, signées Antoine Layère, est une belle surprise et on regrette qu’il n’y en ait pas davantage.
Rires et frissons à tous les âges
Sans être tout à fait une comédie musicale, Fin (faim) s’en approche fortement. Spectacle jeune public ponctué de chansons, il sait également toucher le public adulte dont il réveille les cauchemars et rêves d’enfance. Loin de l’image édulcorée des contes de princesse, on se surprend à aimer avoir peur de ces ogres. Petits et grands ressortent à la fois amusés et terrifiés par ce qu’ils viennent de voir. Le tablier de sang à paillettes que revêt une des interprètes résume au mieux ce spectacle : ce qui devrait faire peur émerveille aussi.