Après Cole Porter in Paris, Ô mon bel inconnu ou Le Chat du Rabbin, les Frivolités Parisiennes nous présentent leur nouvelle création : une adaptation de l’opérette de Maurice Yvain, Gosse de Riche.
Un kaléidoscope de triangles amoureux
Gosse de riche, c’est un triangle amoureux puissance dix : le spectacle raconte l’histoire de Colette Patarin, une jeune femme amoureuse du peintre André. Or celui-ci est l’amant de Nane, qui fait semblant d’être mariée à l’opportuniste Léon Mézaize tout en étant l’amante d’Achille Patarin (le père de Colette) qui est pourtant marié à Suzanne Patarin. Tout ce petit monde se retrouve chez la manipulatrice Baronne Skatinkolowitz pour des vacances qui ne s’annoncent pas de tout repos.
Avec un livret aussi alambiqué, les chances de perdre le spectateur sont élevées. Et pourtant, le génie de Jacques Bousquet et Henri Falk réside dans l’efficacité avec laquelle ils rendent compréhensible un tel imbroglio. Les enjeux sont rapidement posés et, après plusieurs rebondissements, ils sont résolus sans recourir à un artificiel deus ex machina.
Des personnages tranchés et drôles
Les décors sont épurés, rappelant davantage l’imaginaire d’un musée d’art moderne que celui d’un atelier bohème ou d’une villa bretonne. Les costumes placent le spectacle hors du temps et illustrent – non sans un certain humour – le caractère de chaque personnage. Chaque interprète trouve un juste équilibre entre une personnalité tranchée et caricaturale.
Aurélien Grasse incarne un peintre indécis et victime de son propre jeu qui chante sa faiblesse dans le cocasse numéro « On m’a » (une sorte de version masculine de « I can’t say no » dans Oklahoma), coincé entre son amante, l’imprudente et impulsive Nane (Julie Mossay) et sa fiancée, Colette (Amélie Tatti). Cette dernière joue la corde de l’enfant gâtée qui n’accepte aucun « non » ni de ses parents, ni de son fiancé autoproclamé pour lequel on doute plus d’une fois de la sincérité de ses sentiments.
Face à ce tourbillon de sentiments, la Baronne ( Marie Lenorman) assume son cynisme dans l’hilarante chanson « La combine ». Avec le roublard Achille Patarin (Philippe Brocard), elle imagine – moyennant une contrepartie financière – un stratagème pour lui permettre de retrouver Nane, son amante, dans le dos de sa femme. Elle fait appel aux services de Léon Mézaize (Charles Mesrine). Prêt à rendre tout service contre rémunération, celui-ci se fait joyeusement passer pour le mari de Nane et joue avec facétie à l’ange gardien du couple adultère. Cependant, malgré sa grande naïveté et maladresse, la fière Suzanne Patarin – sans doute le personnage le plus sympathique du spectacle, magistralement interprétée par Lara Neumann – n’est pas pas résolue à se laisser piétiner par son mari.
Une opérette sur un air de fest noz
Les amateurs de Maurice Yvain (compositeur notamment de Pas sur la bouche, adapté au cinéma par Alain Resnais) retrouveront son espièglerie et son désir de jouer avec les codes. Gosse de riche campe des personnages féminins déterminés à prendre leur destin en main et dont les résolutions mettent à mal les plans maladroits de leurs amants ou maris. On admire l’habileté avec laquelle chaque personnage détient une partie de la vérité différente des autres protagonistes, nouant des quiproquos ciselés. Seul bémol : le spectacle souffre d’une articulation insuffisante des interprètes, forçant le va-et-vient vers les surtitres afin de ne rien perdre de la saveur des paroles.
Gorgé de la lumière et de la bonne humeur de l’opérette, ce spectacle nous offre un moment réjouissant. Avec Gosse de riche, Les Frivolités Parisiennes nous font découvrir une petite pépite qui a très bien vieilli par rapport à d’autres livrets du répertoire. Les spectateurs en sortent tout sourire, un air de fest-noz dans la tête.