C’est un titre mythique que le festival Juste pour rire a décidé de présenter cette année comme comédie musicale de l’été : Hair. Un demi-siècle après sa création, ce spectacle emblématique qui célèbre le mouvement « peace and love », est plus que jamais d’actualité. Avec Serge Denoncourt aux commandes, cette version québécoise de Hair est une véritable célébration des années 1960, tout en servant de précieux rappel des luttes sociales et des idéaux qui continuent de résonner aujourd’hui.
De 1964 à 2023
Créée en 1964 par les acteurs américains James Rado et Gerome Ragni, cette légendaire comédie musicale a essuyé de nombreux refus avant de conquérir Broadway en 1968. L’année suivante, la version française a été présentée à Paris, puis à Montréal en 1970. Son adaptation cinématographique en 1979 est ensuite devenue une référence incontournable, contribuant grandement à sa renommée mondiale.
Une nouvelle adaptation québécoise
Hair est loin d’être un spectacle banal. D’ailleurs, il a suscité la controverse dès ses débuts en raison de ses thèmes sulfureux et de ses scènes de nudité. Avec ses allusions sexuelles, ses blagues osées et ses personnages perpétuellement défoncés, il peut sembler un peu trop long et agaçant par moments. Cependant, dans Hair, ces aspects désagréables sont rapidement balayés de la main, car le spectacle ne doit pas être pris au premier degré uniquement. Lorsque l’œuvre est habilement dépoussiérée et mise en scène, elle transcende ses limites pour devenir une véritable expérience sociale et sensorielle.
C’est ce qu’est parvenu à faire Serge Denoncourt (Annie, Je vais t’aimer) qui a brillamment transformé Hair en une adaptation totalement déjantée, mêlant des chansons principalement en français à des dialogues truffés d’expressions québécoises bien marquées. Les repères du style et de l’histoire originale sont bien là, mais sa version est une proposition nouvelle. Comme si le spectacle venait d’être créé, il nous transporte bien plus qu’à la fin des années 1960. Il nous ramène à l’importance d’être simplement vivant, comme l’a compris cette jeunesse qui refusait d’entrer dans un moule.
Une équipe talentueuse
Le metteur en scène québécois a su s’entourer d’une équipe talentueuse, tant en coulisses que sur scène, afin de ne laisser aucun détail au hasard. Effets stroboscopiques, projections visuelles, jeux de lumière, costumes, maquillages, coiffures… Tous les aspects ont été minutieusement conçus pour plonger le public dans l’atmosphère psychédélique et révolutionnaire des années 1960.
Sa troupe, formée de jeunes artistes doués et passionnés, se donne corps et âme pour faire revivre les hippies qu’elle incarne. Avec fluidité, énergie et maîtrise, chacun est complètement investi dans son rôle. Même la panne d’électricité de quelques minutes le soir de la première ne les a pas déstabilisés, revenant en force sur la scène pour conclure le spectacle après ces moments d’incertitude.
En Claude Bukowski, Philippe Touzel (Footloose, Ghost le musical, Je vais t’aimer) symbolise sûrement le mieux l’espoir de cette génération. Avec vigueur, sensibilité, humour et charisme, il livre un jeu très convaincant. Ses performances chantées ne sont pas en reste, notamment lors du bouleversant Let The Sunshine In qu’il entonne aux côtés de ses compères.
Réflexion et connexion
À vrai dire, tous les numéros de groupe sont extrêmement efficaces. Pour chacun d’entre eux, on sent la rage, l’indignation et la grande fureur de vivre de ces jeunes épris de liberté. Portés par les nombreuses belles voix de la troupe (Éléonore Lagacé, Sarah-Maude « Lyxé » Desgagnés…), ceux-ci sont aussi appuyés par les puissantes chorégraphies conçues par Wynn Holmes et Nico Archambault, tantôt percutantes, tantôt aériennes. La poésie s’invite même lors des moments sombres. Les numéros de danse évoquant la guerre du Vietnam sont à ce sujet très poignants. L’humour et le drame s’alternent ainsi avec une volonté constante de méta regard, comme dans l’hilarante scène où Margaret Mead, splendidement interprétée par Étienne Cousineau, vient interroger le groupe.
Car plus qu’une succession de performances, la grande force de cette nouvelle version de Hair est d’engendrer une réflexion tout en créant une connexion avec le public. Grâce à de multiples interactions, ce dernier passe de spectateur à complice, comme s’il faisait lui aussi partie de la bande. Du coup, il ressent comme lui l’euphorie et la rébellion de cette période tumultueuse.
Une comédie musicale toujours d’actualité
Il y a plus de 50 ans, les hippies refaisaient le monde. La fleur au fusil, ils militaient pour plus d’égalité et de liberté. Cette jeunesse rebelle s’est peut-être ensuite assagie, tournant le dos à ses idéaux pour choisir une vie de confort matériel, mais son combat n’a pas été vain. C’est lui qui a fait jaillir l’étincelle nécessaire au changement. C’est aussi lui qui nous inspire encore aujourd’hui alors que nous faisons face aux mêmes défis. Un demi-siècle après sa création, monter Hair dans le contexte actuel n’a jamais été aussi pertinent. Ode vibrante à la liberté, ce spectacle résonne avec la quête de sens de notre époque, les crises identitaires, les changements climatiques, le racisme ou encore les relations homme-femme. Plus qu’un simple divertissement théâtral, cette nouvelle adaptation québécoise propose une expérience complète qui engage tous les sens. Ne ratez pas l’occasion de faire ce voyage jusqu’au 30 juillet prochain !
Crédit photo : Juste pour rire