« And my Name is… »
Alexander Hamilton est un des pères fondateurs de l’Amérique aux côtés de George Washington, Thomas Jefferson, John Adams ou encore James Madison. Leur participation à la création des Etats-Unis est un fait mais qui aurait pu croire qu’une oeuvre musicale sur cette partie de l’histoire passionnerait autant un public bien plus large que les amateurs de comédies musicales traditionnelles ?
Lin-Manuel Miranda (In The Heights) est à l’origine du projet : il a eu cette idée folle après avoir acheté la biographie d’Alexander Hamilton dans un aéroport. En seulement quelques chapitres, il a su que ce personnage allait changer sa vie. Il a dédié de nombreuses années à la confection de plus de 27 000 mots concentrés en deux heures et 45 minutes d’un spectacle mêlant différents styles de musiques bien plus modernes que les productions actuelles se jouant à New York.
Après un essai Off-Broadway au Public Theater qui s’est joué à guichets fermés, Hamilton a rapidement été transféré à Broadway au Richard Rodgers Theatre avec des mois et des mois affichant déjà complets alors que la première représentation n’avait même pas encore eu lieu. Grâce à des critiques dithyrambiques, un record de 16 nominations aux Tony Awards et 11 statuettes remportées ainsi qu’un bouche à oreille incroyable, détenir un sésame pour mettre un pied dans le théâtre où se joue Hamilton est devenu quasi-impossible.
Au-delà de la qualité du spectacle, il est devenu tendance de parler de ce phénomène et presque chaque série télévisée américaine en fait mention dans un de ces épisodes. Lin-Manuel Miranda a réussi l’exploit d’emmener une toute nouvelle frange du public américain qui ne se serait jamais déplacé dans un théâtre à Broadway. Plus d’un an après avoir réussi à mettre la main sur des places pour Hamilton, nous avons vécu une expérience unique à l’effervescence palpable dès que les premières notes ont résonnées à l’extinction des lumières du théâtre.
« Who lives, who dies, who tells your story ? »
La première force d’Hamilton est que le spectacle en lui-même est d’une telle puissance que la distribution importe peu tant la qualité des musiques et du livret est excellente. Même si la présence du créateur Lin-Manuel Miranda donnait à Hamilton une saveur particulière, Javier Muñoz (ancienne doublure de Lin-Manuel Miranda, mais également dans In The Heights) campe remarquablement ce père fondateur à la vie aussi complexe que passionnante. Le reste de la troupe est tout aussi épatante et on se laisse emporter très rapidement dans la vie de cet homme si important dans la culture américaine.
Pour nous raconter le périple de ce jeune homme, le décor est assez simple. Composé de murs de briques, de planches de bois et de cordes, la scène comporte également un plateau incluant 3 cercles rotatifs ingénieusement utilisés pendant de nombreux numéros. Cette mise en scène minimaliste permet de mettre en valeur la chorégraphique moderne et vibrante d’Andy Blankenbuehler (également chorégraphe de Bandstand et du revival de Cats) mais surtout le texte et la musique de Lin-Manuel Miranda.
En effet, Hamilton a surtout été plébiscité pour sa partition éclectique alternant hip-hop, jazz, pop ou rap. Tous les morceaux sont des tubes pouvant s’écouter bien après le spectacle. N’ayez pas peur si vous n’êtes pas forcément friands du genre, l’alternance entre les différents styles de musique fait que l’on ne s’ennuie jamais. On pourrait penser que mélanger autant de genres nuise à l’unité du propos et pourtant c’est cette alchimie entre passé et modernité qui donne cette saveur particulière à Hamilton.
Difficile de mettre en valeur certains numéros tant le spectacle est constant en terme de qualités mais certains passages nous ont particulièrement enchantés. L’enchaînement des chansons « Helpless » et « Satisfied » offre un des moments les plus ingénieux du spectacle tant la mise en scène est au service de la narration de façon inédite. La fin du premier acte sur « Non-stop » cloue littéralement le spectateur à son siège. La deuxième partie du spectacle ne démérite pas avec un jazzy « What’d I Miss », les déchirants « Burn » et « It’s Quiet Uptown » et le final « Who Lives, Who Dies, Who Tells Yours Story » qui ne fera que confirmer qu’Hamilton est une comédie musicale d’un genre unique comme Broadway n’en avait jamais eu auparavant.
Que vous soyez anglophones ou non, il ne sera pas forcément évident de comprendre toute l’histoire du spectacle tant les paroles fusent et le débit est impressionnant. Il est peut être plus appréciable de découvrir les chansons en amont pour avoir une oreille plus aiguisée ou alors vous renseigner un peu sur la vie d’Alexander Hamilton si vous ne voulez pas perdre quelques parties de son histoire. Rassurez-vous, même si certaines étapes de la narration du spectacle vous échappent, la musique et la mise en scène font que vous profiterez quand même d’Hamilton tant cet ovni musical est intriguant.
Il faudra être patient si vous voulez avoir la chance d’applaudir Hamilton sur scène car les réservations sont complètes pour le moment à New-York jusqu’à début mars 2018 (sauf si vous êtes prêts à débourser 849$ pour une place premium, voire encore plus sur le marché parallèle). En ce qui concerne Londres, il n’y a plus aucunes place jusqu’a juin 2018 donc il faudra être vigilant dès l’ouverture du prochain bloc de réservations. En attendant, vous pouvez réécouter en boucle le CD avant de pouvoir applaudir sur scène un des spectacles les plus célèbres de cette décennie.
Hamilton – An American Musical de Lin-Manuel Miranda
Livret, musiques et paroles : Lin-Manuel Miranda ; Mise en scène : Thomas Kail ; Orchestrations : Alex Lacamoire ; Chorégraphies : Andy Blankenbuehler ; Costumes : Paul Tazewell ; Lumières : Howell Binkley ; Son : Nevin Steinberg ; Décors : David Korins
Avec : Bryan Terrel Clark, Alysha Deslorieux, Brandon Victor Dixon, Mandy Gonzalez, James Monroe Iglehart, Brian D’Arcy James, J.Quinton Johnson, Lexi Lawson, Anthony Lee Medina, Javier Muñoz