Décrocher un sésame pour aller voir Hamilton à Londres relève du parcours de combattant, à l’instar de ce qui se passe à Broadway depuis les débuts de la comédie musicale en 2015. Il n’y a pratiquement plus de places d’ici juin 2018 pour les représentations à Londres, preuve de l’engouement et de la curiosité du public européen pour ce spectacle de Lin-Manuel Miranda (In The Heights) qui raconte l’histoire d’un des pères fondateurs des Etats-Unis, Alexander Hamilton.
Un spectacle « révolutionnaire » sur plusieurs plans
Quelques mois après avoir découvert Hamilton à Broadway, nous nous sommes rendus à Londres pour voir la production britannique qui a démarré officiellement le 21 décembre, après deux semaines de « previews ». Ce qui marque d’emblée, c’est la beauté des lieux qui accueillent le spectacle : le Victoria Palace Theatre, précédemment « maison » de Billy Elliot pendant près de 10 ans, a en effet été rénové de fond en comble (avec même une extension de la scène, de nouvelles loges…) par le propriétaire du théâtre qui n’est autre que le producteur milliardaire Cameron Mackintosh. Si les environs du quartier restent un chantier colossal, la façade extérieure ainsi que l’intérieur du théâtre laissent rêveurs : tout semble avoir été fait pour que les spectateurs puissent s’imaginer au 18ème siècle dès le premier pas franchi au Victoria Palace Theatre.
La scène et les décors sont aussi impressionnants qu’à Broadway avec des escaliers et poutres en bois sur-élevés, un gigantesque plateau tournant et un jeu de lumières sensationnel. Fait rarissime à Londres (et a fortiori à Paris), le spectacle a démarré lors de notre représentation à très exactement 14h31 dans un silence religieux et sans aucun retard observé chez les spectateurs. Les premiers applaudissements sont si retentissants qu’on comprend très vite à quel point le West End attendait Hamilton et la production le leur rend bien avec une distribution d’excellente qualité avec un gros coup de coeur pour Jason Pennycooke (nommé en 2014 aux Olivier Awards pour Memphis) dans les rôles de Lafayette et Thomas Jefferson ainsi qu’une mention spéciale pour Rachelle Ann Go (Miss Saigon) en Eliza Schuyler. Seule exception au tableau : Ash Hunter, la doublure du rôle d’Alexander Hamilton cet après-midi là, chante très bien mais fait preuve d’un manque cruel de charisme difficilement pardonnable pour le rôle titre d’un tel spectacle.
Des personnages secondaires au premier plan
À ses côtés, tous les autres membres de la distribution s’en sortent admirablement bien avec des personnages secondaires très forts. L’écriture de Lin-Manuel Miranda leur donne l’opportunité de briller bien davantage et c’est ce qu’ils font avec brio, de Giles Terera (Aaron Burr) à Rachel John (Angelica Schuyler) en passant par Obioma Ugoala (Georges Washington). Comme à New York City, certaines répliques sont applaudies frénétiquement par les spectateurs (« Immigrants, we get the job done! ») mais ce qui a déclenché le plus l’hilarité est évidemment lié aux mentions de l’Empire Britannique avec les scènes de Sa Majesté le Roi George qui ont particulièrement régalé le public anglais.
Après moins d’un mois de représentations à Londres, quelques ajustements sont encore à régler (nous avons pu assister à quelques chutes d’objets non maîtrisées !) mais la force et l’émotion poignantes d’Hamilton sont telles qu’on est déjà prêts à y retourner… pourvu qu’on arrive à trouver des places. « We’ll never be satisfied ».
Credit photos : Matthew Murphy
Hamilton – An American Musical, de Lin-Manuel Miranda
À l’affiche du Victoria Palace Theatre, Londres
Décors : David Korins ; Costumes : Paul Tazewell ; Lumières : Howell Binkley ; Son : Nevin Steinberg
Avec : Giles Terera (Aaron Burr), Rachelle Ann Go (Eliza Schuyler Hamilton), Rachel John (Angelica Schuyler), Jason Pennycooke (Lafayette/Thomas Jefferson), Obioma Ugoala (Georges Washington), Christine Allado (Peggy Schuyler/Maria Reynolds), Cleve September (John Laurens/ Philip Hamilton), Tarinn Callender (Hercules Mulligan/James Madison)