L’adaptation québécoise du théâtre musical rock Hedwig and the Angry Inch voit enfin le jour cet hiver dans la belle province après avoir été repoussée en raison de la pandémie. D’abord présentée à Montréal à la fin janvier, elle sillonne en ce moment le reste du Québec. Avec René Richard Cyr à la mise en scène et Benoît McGinnis sur les planches, que nous réserve cette nouvelle version où même le titre a été savamment traduit ?
Une adaptation québécoise
Hedwig et le pouce en furie, voilà le nom choisi pour cette adaptation bien trempée où les dialogues comme les chansons sont en français avec des expressions québécoises omniprésentes. Rien n’a cependant changé en termes d’histoire et la chanteuse punk rock allemande est toujours aux commandes. Née homme du mauvais côté du mur de Berlin, son opération de changement de sexe ratée l’a laissée avec un simple bout de chair entre les jambes, qu’elle surnomme son pouce en furie, symbole à la fois de sa rage et de son ambiguïté de genre. Ni drag queen, ni transgenre, Hedwig cherche l’amour, errant entre l’Europe de l’Est et les États-Unis pour trouver sa moitié. La chanson « L’origine de l’amour » nous explique d’ailleurs bien les racines de cette recherche, poétiquement illustrée en fond de scène.
Créé à la fin des années 1990 par l’auteur John Cameron Mitchell et le compositeur Stephen Trask, Hedwig and the Angry Inch s’est alors distingué par le Prix Obie et le Prix Outer Critics Circle Award pour la meilleure comédie musicale Off-Broadway. Après le film culte de 2001, le spectacle a aussi fait son chemin jusqu’à Broadway avec des performances notoires de Neil Patrick Harris, Michael C. Hall et Darren Criss dans le rôle principal.
Une furieuse interprétation
C’est aujourd’hui le versatile acteur québécois Benoît McGinnis qui a l’honneur de revêtir la perruque blonde et les talons métalliques caractéristiques de la flamboyante artiste dans cette version née au Québec. Déjà, sa transformation physique est impressionnante, mais plus encore, il arrive à incarner Hedwig dans toutes ses subtilités. Car au-delà de l’exubérance, du langage outrancier et des blagues irrévérencieuses, la pièce nous permet de découvrir un personnage non binaire vulnérable et sensible qui cherche désespérément l’amour et la liberté, refusant d’entrer dans un moule.
Plus le spectacle avance, plus Hedwig se dévoile, racontant au public sa vie tumultueuse sur la scène d’un concert rock intimiste. Entre interactions directes, monologues et performances chantées, sa touchante quête est révélée : renouer avec sa part manquante. Entouré de quatre musiciens et de la surprenante et talentueuse Elisabeth Gauthier Pelletier dans le rôle de son mari Yitzhak, Benoît McGinnis nous fait voyager avec lui. L’imagination et le rêve portent ainsi le spectacle, le profond désir aussi de trouver l’autre qui nous acceptera tel que l’on est. Et de se trouver soi, au passage.
Hedwig et le pouce en furie relève un beau défi, déjà dans la traduction efficace, la mise en scène réussie et les questions de diversité qu’il aborde. Mais il en relève un encore plus grand : celui de nous faire réfléchir à notre propre besoin de connexion et de complétude.
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Crédit photo : Alexandre Cotton