La plus célèbre des marieuses est de retour à Londres pour la première fois depuis 15 ans ! Alors que cette reprise était prévue pour 2020, l’attente à été longue afin de pouvoir planifier à nouveau cette immense production au coeur du London Palladium avec la seule et unique Imelda Staunton dans le rôle titre. Retour sur une soirée pleine d’émotions.
« dolly is back where she belongs »
Le genèse de cette histoire débute en 1835 où le dramaturge John Oxenford écrit une farce en un acte nommée A Day well spent autour d’un duo facétieux tentant d’échapper à leur patron en partant une journée à Londres. Le récit fut ensuite enrichi et développé en 1842 en une comédie musicale autrichienne en 3 actes intitulé Einen Jux will er sich machen où une intrigue un peu plus romantique commence à prendre forme mais toujours sans son personnage phrare. Près de 100 ans plus tard en 1938, l’auteur et romancier américain Thornton Wilder adapte cette version en une comédie intitulé The Merchant of Yonkers en gardant les mêmes ressorts narratifs mais en ajoutant un personnage crucial qui deviendra le pivot de l’histoire : Dolly Gallagher Levi. Paradoxalement la pièce est un four complet et ne tient que pendant 39 performances. Croyant au succès de son projet, Wilder décide de la retravailler sous les bons conseils de son amie l’actrice Ruth Gordon. The Merchant of Yonkers devient alors The Matchmaker et triomphe à Edimbourg, à Londres puis à Broadway où la pièce connue le succès avec près de 500 représentations entre 1954 et 1955.
Il aura fallu attendre 1963 pour que Hello,Dolly! ne devienne une comédie musicale avec des musiques et paroles de Jerry Sherman et un livret de Michael Stewart. Elle fut accueillie par Détroit avant de débarquer en mars 1964 au St James Theatre à Broadway avec Carol Channing. Le succès fut immédiat, la comédie musicale remporta 10 Tony Awards et fut jouée pendant 6 ans avec des pointures telles que Ginger Rogers, Martah Raye, Bett Grable, Pearl Bailey, Phyllis Diller ou encore Ethel Merman dans le rôle titre. Barbra Streisand elle-même incarna Dolly dans le film de 1969 qui fut alors nommé à 7 reprises aux Oscars en 1970 et récompensé notamment pour sa musique. La comédie musicale a ensuite fait son retour à Broadway en 1975, 1978 et 1995 avant de revenir en 2017 avec dans le rôle de Dolly Gallagher Levi l’une des divas les plus emblématiques de ces dernières années : Bette Midler. Sa performance nous avait bluffé par son humour inimitable et sa capacité à captiver un théâtre tout entier avec un sourire, un clin d’oeil ou une réplique. Bien que Broadway ait connu de nombreuses versions de cette comédie musicale iconique, le West-End n’a pas eu cette chance avec seulement une production en 1965 et une reprise en 2009. C’est pour cette raison que l’excitation était à son comble quand le retour de Hello, Dolly! avait été annoncé pour l’été 2020 avant que la pandémie douche les espoirs de retrouver ce spectacle à cause de l’emploi du temps chargé de celle qui était prévue pour endosser le rôle, Imelda Staunton (que vous avez pu découvrir dans la série The Crown ou encore en tant que Dolores Ombrage dans la saga Harry Potter au cinéma). Après quatre ans de patience, la comédie musicale est de retour où elle le mérite- sur scène – pour une période estivale limitée.
« before the parade passes by»
Hello, Dolly! , c’est avant tout l’histoire d’une femme : Dolly Gallagher Levi (Imelda Staunton). Alors qu’elle se retrouve veuve de son mari, elle décide d’aller de l’avant et de se retrouver un homme. Étant habituée à marier les autres, elle va devoir se débrouiller seule. Diva vénale à la langue bien pendue, elle va alors jeter son dévolu sur Horace Vandelgelder (Andy Nyman), riche épicier qui a justement engagé Dolly pour se trouver une femme. Elle va alors tout faire pour saboter ses rencontres et devenir celle qu’il lui faut.
La plus grande différence entre la dernière reprise d’Hello, Dolly! à Broadway et cette nouvelle production dans le West-End réside dans le ton et la vision du personnage principal. Bette Midler (ainsi que Bernadette Peters ou Donna Murphy) campaient toutes une une Dolly espiègle, pleine de vie et dont les souffrances de la récente perte de son mari ne se voyaient que par intermittence. Le spectacle commencait par une ouverture colorée et dynamique avec « Call On Dolly » en enchainant avec « I Put My Hand in Here » qui lui, a été coupé de la version Londonienne. En 2024, le spectacle débute ici avec une Dolly devant sa fenêtre en pleine nuit rangeant sa robe d’enterrement et laissant partir l’amour de sa vie en espérant pouvoir avancer pour les années à venir. Elle entonnera après un cours monologue brisant le quatrième mur « Just Leave Everything To Me » (interprétée dans le film mais coupée à Broadway) qui offre une introduction bien plus douce et touchante pour le personnage. Il est donc passionnant de voir comment un personnage peut être présenté de deux manières radicalement différentes mais tout aussi qualitatives. On retrouvera ces felures tout au long du spectacle dans les appartés de Dolly avec le public qui a chaque fois planteront une petite graine d’émotion en nous qui grandira au fur et à mesure du show.
Le film est connu pour ses immenses décors, ses costumens flamboyants, son nombre impressionnant de figurants ainsi que ses chansons cultes. On retrouve tout ces éléments sur l’immense scène du London Palladium avec pas moins d’une trentaine d’artistes sur scène qui évoluent notamment sur le magnifique « Put On Your Sunday Clothes » et son immense train où sur « Before The Parade Passes By » qui clôture le premier acte avec brio dans une fanfare explosive. Afin d’être au plus proche de la réalité, l’ensemble des danseurs est même allé se former dans un célèbre palace à Londres pour savoir comment bien se comporter en serveur de luxe lors de « Waiters Gallops » et du numéro que l’on attend depuis le début « Hello, Dolly! ». Passage inoubliable du film avec Louis Armstrong, difficile de ne pas avoir des frissons dès que les cuivres entament la partition. Cette production offre cependant un design du grand escalier assez particulier qui pourra être assez clivant tout comme la tenue de Dolly d’un vert pétant qui tranche avec la chaleur du rouge carmin auxquel on est habitué. Globalement les choix esthétiques de cette reprise sont très éloignés de la précédente version de Broadway avec l’usage inégal d’un écran en fond de scène permettant de donner un peu de profondeur aux décors. Ceux-ci pourront plaire à certains où au contraire paraître un peu kitsch pour d’autres. Il en va de même pour les chorégraphies un peu moins dynamiques et inspirés que celles de Broadway mais cela ne vous choquera que si vous avez vu le spectacle auparavant. Dans un autre registre, les moments de comédies pures fonctionnent toujours autant comme toute la scène dans le magasin d’Irene Molloy dont les quiproquos à répétitions font mouche avec le public ainsi que les allers retours incessants dans le restaurant qui font partie des scènes clés du spectacle grâce notamment à une belle distribution.
Comme nous vous le disions au début, cette reprise d‘Hello Dolly est une version pleine d’émotions grâce à l’interprétation complètement habitée d’Imelda Staunton. Au délà d’être une excellente comédienne, c’était également une très bonne chanteuse arrivant à nous faire passer du rire aux larmes en un battement de cil. Elle interprète d’ailleurs la poignante ballade « Look, Love In My Window », initialement écrite pour Ethel Merman dans les années 70 et qui n’avait jamais été rechanté depuis dans le spectacle. L’ajout de cette chanson confirme la volonté de donner un côté parfois plus sombre à cette marieuse qui derrière le masque de joie et de bonne humeur constante cache un deuil difficile à contenir. C’est un privilège d’avoir pu l’applaudir sur scène sachant qu’Imelda Staunton fait le plaisir au public de sortir régulièrement après le show à la « stage door » afin de dédicacer les programmes et d’avoir un petit mot gentil pour chacun.
Elle est accompagnée sur scène d’Andy Nyman (Fiddler on the Roof) connu aussi bien pour ses succès sur scène qu’à la télévision ou au cinéma. Il apporte au personnage d’Horace Vandergelder une jolie malice et sa complicité avec Dolly est très touchante. Tyrone Huntley et Harry Hepple respectivement dans les rôles de Barbaby Tucker et Cornelius Hackl forment un sacré duo comique avec Emily Lane, hilarante en Minnie Faye. Jenna Russel quand à elle propose une interprétation mature d’Irene Molloy qui touche toujours en plein coeur avec l’envoutant « Ribbons Down My Back ». Avec plus d’une vingtaine de musiciens et tout autant de personnes dans l’ensemble, Hello, Dolly! n’a pas lesiné sur les moyens pour offrir un retour en bonne et due forme de l’une des plus grandes comédies musicales des années 60.
"so long dearie"
Il ne vous reste plus que quelques semaines si vous désirez découvrir Hello,Dolly! à Londres avant que le rideau ne se ferme définitivement sur le spectacle le 14 Septembre 2024. Le théâtre étant l’un des plus grands de Londres, vous trouverez régulièrement des Rush Tickets à 29.50£ mais aussi des réductions significatives le jour même sur OfficialLondonTheatre allant de 20 à 50%.
Mais ne soyez pas prêt à dire au revoir à Dolly de sitôt. Vous pourrez retrouver dès le 7 Novembre au Théâtre du Lido2Paris une toute nouvelle production de Hello, Dolly! avec la grande Caroline O’Connor que vous avez pu apercevoir dans Sweeney Todd au Théâtre du Chatelet ou dans Anastasia à Broadway. Mise en scène et chorégraphiée par Stephen Mears à qui l’on doit les magnifiques 42nStreet et Funny Girl, cette nouvelle production sera une des sorties incontournables de cette fin d’année. Ce sera d’ailleurs la première fois depuis plus de 50 ans que le spectacle se joue en France (et cette fois-ci dans sa version originale) après qu’Annie Cordy se soit glissée dans la peau du personnage en 1972. Une fois de plus « Dolly is back where she belongs » et nous avons hâte de la retrouver à Paris !
Crédit Photos : Manuel Harlan