Il est des spectacles qui parviennent à nous toucher sans que nous n’ayons rien vu venir. La Beauté intérieure est l’un d’entre eux. Le résumé ne laissait rien présager de la douceur et de la force du spectacle. Et pourtant, quelle petite pépite !
Un témoignage tendre et touchant
La beauté interieure est un seule en scène écrit et interprété par Marion Caralles. Nous invitant dans l’intimité de sa chambre, elle nous raconte des tranches de son parcours autobiographique de petite fille et de femme où rôde une galerie de fantômes de son enfance. Elle y convoque tour à tour avec tendresse, colère ou humour, sa relation complexe avec la violence de son père, son excentrique tante Annie, mariée à un millionnaire, ou encore le terrifiant mari pédophile de sa nounou.
Les anecdotes s’enchainent avec une fluidité d’autant plus déconcertante qu’elles ne semblent pas nécessairement liées entre elles. Ce spectacle tire plusieurs fils rouges tels que la question de l’hypocrisie et la perversité du monde artistique, les humiliations subies, mais également sa (re)construction en tant que femme et artiste pleine et entière ou encore la quête de la reconnaissance, de la beauté, de la confiance en soi et de la libération face à toutes ces cages où ses fantômes ont voulu l’enfermer. Marion Corrales nous offre une œuvre plurielle, rayonnante de sincérité et de générosité.

Une magnifique interprète au service de la beauté
Sur scène, la comédienne est solaire. Excellente conteuse, elle emporte les spectateurs d’anecdote en anecdote avec un juste équilibre entre légèreté et humour, sans lourdeur ni moralisation, et ce malgré des propos d’une certaine gravité et particulièrement intimes pour elle. Et lorsque les mots parlés ne suffisent plus, elle entremêle à son récit des chansons originales, magnifiquement interprétées et véritable vecteurs des émotions du personnage. Impossible notamment de ne pas être saisie lorsqu’elle chante comment son expérience du harcèlement au collège lui donnait le sentiment d’être en cage.
Pour parfaire le tableau, le spectacle s’appuie sur une scénographie et des costumes très riches. Sur scène, c’est un assemblage poétique de lampes de chevet, d’un lit encombré de costumes, d’un lustre, d’un fauteuil, d’une fenêtre encadrée de rideaux, d’une plante verte et d’un grand M sur le mur – à mi-chemin entre un salon et une chambre à coucher. Les jeux d’ombre et de lumière particulièrement aboutis créent une atmosphère intime, tamisée, mystérieuse ou parfois inquiétante, en parfaite adéquation avec les histoires entremêlées. Le travail de mise en scène est également très inspiré d’univers cinématographiques, suscitant de véritables images de films : le gangster dans un rond de lumière de projecteurs, les flashs des appareils photos d’un shooting oppressant, ou encore la chaleur de la dernière lampe allumée dans un salon en fin de soirée.
Ce seule en scène est présenté pour encore trois dates au théâtre de la Concorde. Un rendez-vous à ne pas manquer et une actrice dont le travail est indéniablement à suivre !