La Cage aux Folles est une comédie musicale des années 1980. Basée sur la pièce éponyme de Jean Poiret (1973), cette œuvre, nommée neuf fois aux Tony Awards, en a remporté six, dont celui de la meilleure comédie musicale. Après plusieurs productions au cours des trente dernières années, l’adaptation présentée à Marseille a lancé – avec brio – la saison des spectacles musicaux de cette année.
I am what i am…un classique en version française
Est-il encore nécessaire de rappeler la trame démente de La Cage aux Folles ? Maintes fois adaptée au théâtre et au cinéma, l’histoire originale est centrée autour de Georges, le propriétaire du club transformiste à Saint-Tropez, et d’Albin, star du spectacle et compagnon de Georges. Lorsque Jean-Michel (le fils de Georges, élevé également par Albin, venant combler l’absence laissée par une mère absente) annonce qu’il va se marier avec la fille d’un élu ultraconservateur, les habitudes de Georges et Albin sont totalement chamboulées, et chacun doit se réinventer, le temps d’une rencontre. Mais vous savez que lorsque l’on chasse le naturel, il revient au galop (ou dans ce cas, au gaylop). Les surprises viennent de toute part, jusqu’à renverser les situations dans un grand message de tolérance et d’acceptation.


La comédie musicale s’éloigne délibérément du théâtre de boulevard et, plus proche du livre, explore avec profondeur les relations entre les personnages. Dès l’ouverture du rideau nous assistons à une pluie de paillettes étincelantes et de robes lamées tout en strass. Le gigantesque rideau argent pailleté nous plonge immédiatement dans l’univers envoûtant du cabaret.
La prestation des artistes est magnifique, tant dans les moments de théâtre que de chant. Comme on peut s’y attendre avec ce casting talentueux, la maîtrise vocale est au rendez-vous. Julien Salvia (West Side Story ; Wonderful Town) donne épaisseur à son personnage ; avec un approche un peu abrupte au début, il évolue en même temps que le regard du spectateur, jusqu’à laisser apparaître les fragilités de son personnage et laisser éclater l’amour qu’il a pour ses pères. A ses côtés, Rémi Cotta (Un Violon sur le toit) et Fabrice Todaro (Le Chanteur de Mexico ; Cats) sont tout simplement irréprochables. Malgré des rôles qui ont été mille fois joués et explorés, ils arrivent encore à nous surprendre et à imprimer leur personnalité à ces personnages emblématiques (tout comme pour la scène de la biscotte, où nous assistons à une performance théâtrale magistrale et qui déclenche les rires sincères du public). Leur complicité apporte une véritable authenticité à ces rôles. Fabrice Todaro est bluffant du début à la fin, alternant les modulations vocales au fur et à mesure des scènes et des chansons.

Autre prestation inoubliable, celle de Thorian-Jackson De Decker (Sister Act ; Bodyguard) dans le rôle de Jacob, qui campe un personnage hilarant. Il semble particulièrement à l’aise pour se promener sur scène dans n’importe quelle tenue vestimentaire (y compris avec une ceinture-banane, hommage à Joséphine Baker dans un final lumineux). Son interprétation, empreinte d’humour sans jamais tomber dans le grotesque ni la caricature, renforce le sentiment de proximité avec le public et amorce les ressorts comiques du livret. Pendant près de 2h40 on ne s’ennuie à aucun moment, et l’on profite d’un grand moment de comédie musicale.
Apprécie cet instant, le meilleur du temps est là
Au-delà du titre emblématique “I Am what I Am” popularisé par Gloria Gaynor, La Cage aux Folles offre une partition riche, aux mélodies entraînantes et joyeuses. L’orchestre joue avec plaisir pour accompagner la variété des numéros. Outre les solos ou les duos romantiques, nous assistons à de véritables numéros de cabaret, et ce dès l’ouverture qui inclut des chorégraphies avec claquettes, que l’on affectionne tout particulièrement. D’autres tableaux proposent de superbes numéros collectifs, notamment celui du french cancan, pendant lequel la synchronisation des mouvements et les lancées de jambes impressionnent le public.

Les décors contribuent à créer une atmosphère immersive, permettant de passer du cabaret glamour à l’appartement de Georges, avec ses tableaux érotiques. Cet appartement se transforme pour l’acte deux en un logement monacal, où tableaux religieux et immense croix du Christ contrastent avec le faste du premier acte (sans parler du banc d’église qui sert de canapé !). Comme fréquemment, cette seconde partie semble filer à toute vitesse. Avec une représentation intégralement en français, les chansons de cette deuxième partie sont plus profondes et procurent de vraies émotions. Entre deux situations comiques, des moments poignants font perler des petites larmes au coin des yeux. Et bien sûr, le final tant attendu comble nos attentes et déclenche une avalanche de rires, avec une sorte de défilé “haute couture “ de robes et de perruques.
La Cage aux Folles résiste brillamment à l’épreuve du temps et reçoit l’accueil favorable du public. La salle ovationne d’une seule voix les artistes et les musiciens, nous offrant une reprise par trois de la chanson finale. A l’image de shows tels que Drag Race France, cette comédie musicale offre amusement et émerveillement mais invite également à réfléchir sur nos relations aux autres. Par delà les préjugés, cette comédie musicale met l’accent sur l’amour qui permet de dépasser les préjugés, comme le personnage d’Anne Dindon qui, s’il est peu présent, joue le rôle de conscience silencieuse (Marlène Connan – Le Fantôme de l’Opéra ; Charlie et la Chocolaterie – capte la lumière dès qu’elle arrive sur scène).

Cette année encore, le théâtre municipal de l’Odéon fait le pari de proposer des spectacles variés, de l’opérette marseillaise jusqu’aux grands spectacles de Broadway. Quel plaisir de profiter de cette diversité en région. Le public présent ce week-end est ressorti de la salle le sourire aux lèvres et le cœur léger, et c’est bien là toute la force du spectacle vivant.

Crédit photos : Christian DRESSE
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