Dans le cadre intimiste de la salle Cabaret de l’Essaïon, un duo dynamique et énigmatique rend hommage à Kurt Weill au cours d’un récital enlevé.
De Berlin à Broadway en passant par Paris, Kurt Weill a marqué de son empreinte le monde du théâtre musical. Surtout connu pour ses collaborations avec le dramaturge Bertolt Brecht, les deux hommes nous ont légué un beau répertoire d’œuvres lyriques exigeantes et populaires, mettant en valeur les « gens du peuple » avec un regard pertinent et critique sur la société de l’époque.
Bien que presque centenaires, ces pièces n’ont pas pris une ride et restent troublantes d’actualité. Ce qui explique notamment qu’elles sont toujours aussi régulièrement produites. Pour preuve, la Comédie Française proposera à la rentrée prochaine (et en avant première à Aix-en-Provence cet été) une nouvelle production de leur Opéra de Quat’sous dans une mise en scène de Thomas Ostermeier (La Nuit des rois, Le Roi Lear) avec notamment Marie Oppert dans le rôle de Polly Peachum.
Un tour de chant trilingue et théâtral
Loin des grands théâtres à l’italienne, c’est dans l’intimité de la petite salle du Théâtre de l’Essaïon que La vie est Kurt propose de redécouvrir le catalogue du compositeur. Le spectacle commence dans l’obscurité, Bertrand Ravalard s’installe au piano et la mezzo-soprano Ana Isoux se lance avec « Mack the Knife », sûrement la chanson la plus connue de L’Opéra de Quat’sous par sa fréquente utilisation par les artistes de Jazz. Après ce coup d’envoi, le duo enchaîne avec de nombreux airs, connus ou moins connus, en allemand, français ou anglais, pour un peu plus d’une heure de récital.
Ana Isoux jongle habilement entre les différents registres vocaux, passant avec aisance de la voix de tête à la voix de poitrine, ce qui fait d’elle une interprète idéale pour ce répertoire, bien plus exigeant qu’il n’y paraît. Elle interprète les différents morceaux avec truculence et se glisse naturellement dans les différents personnages imaginés par Brecht et Weill.
Son engagement, ainsi que la mise en scène de Valérie Français, permettent de donner un contexte bienvenu à certaines chansons pour les non-anglophones ou non-germanophones. Car si on prend plaisir à entendre ces mélodies, on ne peut passer à côté de l’importance du texte qui fait une grande partie du succès de ces œuvres. C’est d’ailleurs les passages en français qui sont les plus réussis. Ana Isoux se montre touchante et sensible lors de ses reprises de « Youkali » et « La Complainte de la Seine ».
Elle est fort bien accompagnée par le pianiste Bertrand Ravalard qui n’hésite pas, par moments, à pousser la chansonnette, pendant qu’Ana Isoux prend sa place au piano. Le duo très complice offre une agréable parenthèse musicale dans l’univers de Kurt Weill (et de Bertolt Brecht). Une belle occasion de redécouvrir ou s’initier à ce répertoire intemporel.
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