Pour conclure sa saison musicale, le Théâtre du Châtelet propose en cette fin de printemps la reprise de L’Amour Vainqueur une opérette sombre et familiale écrite et composée par Olivier Py.
L’amour et le théâtre triomphants de la guerre et la mort
Placement libre dans la grande salle du Châtelet en ce samedi soir alors que le public vient (re)découvrir une des œuvres d’Olivier Py : une opérette familiale inspirée d’un conte de Grimm et intitulée L’Amour Vainqueur.
De quoi parle L’Amour Vainqueur ? C’est avant tout l’histoire d’un jardin. Un jardin où passent des personnages bariolés : une jeune femme qui tombe amoureuse du prince et se retrouve emmurée pour avoir voulu suivre son cœur, un prince désespéré qui ne souhaite ni régner ni aller à la guerre à laquelle le destine un général avide de pouvoir et de mort ; un jardinier pacifiste qui ne souhaite que s’occuper de ses fleurs ; et la fille de la vaisselle, à la recherche de grandes aventures. La guerre et la folie des passions humaines se déchaînent, le jardin est détruit et chacun recherche la paix dans le chaos.
L’amour d’Olivier Py pour le théâtre musical n’est pas nouveau, lui qui a mis en scène un grand nombre d’opéras s’attelle ici à une tâche plus délicate : l’écriture d’une opérette tout public. Pour cela, il fait appel à une distribution de quatre chanteurs-comédiens-musiciens qui nous dépeignent une large galerie de personnages et s’accompagnent mutuellement aux instruments lorsqu’ils sortent de scène. Pour cette première représentation, il faut un moment pour que les interprètes s’échauffent, retrouvent la musique des alexandrins et l’articulation nécessaire à l’intelligibilité des paroles : ce n’est que dans la seconde partie du spectacle que l’on apprécie pleinement l’ampleur de leur jeu et de leur chant. On retiendra notamment la souffrance résolue de l’interprétation de Clémentine Bourgoin et la douceur optimiste de celle de Flannan Obé.V
Une splendide scénographie onirique
Comme décor, Pierre-André Weitz a repris un imaginaire des théâtres de tréteaux en installant une petite scène sur la grande scène. Devant elle, un piano, un accordéon et un violoncelle – joués par les interprètes polyvalents de la pièce – viennent accompagner leur chant. Ce côté théâtre de rue est renforcé par le jeu des interprètes : fortement maquillés, le caractère exagéré, ils reprennent les codes de la comedia dell’arte et du guignol avec la douce ingénue, le méchant militaire, le prince éploré et le joyeux compagnon, dans une histoire à rebondissement qui se termine bien.
À cet univers de théâtre de rue se mêle une atmosphère de début de siècle. De grandes cartes postales en noir et blanc, colorisées par la lumière des projecteurs, constituent l’arrière-plan simple et poétique de ce spectacle entre Méliès et Murnau. Dans l’imaginaire du spectateur, par le choix des costumes, des photographies et l’univers musical, la tragédie qui se joue devient rapidement associée à la Première Guerre mondiale.
Un beau projet à la recherche d’une âme
L’Amour Vainqueur est avant tout une déclaration d’amour d’Olivier Py pour le théâtre, ce qu’il proclame haut et fort : la capacité du théâtre de résister et apporter la paix. Un message fort et presque trop littéralement exprimé pour un récit qui s’ancre davantage dans la métaphore. Si tout est parfaitement ficelé, que le propos est clair et la scénographie magnifique, on ne parvient cependant pas à se laisser embarquer par l’histoire. On demeure extérieur aux drames qui se jouent sous nos yeux et les traits d’humour tombent souvent à plat.
Malgré un titre qui présage de l’issue joyeuse du spectacle, celui-ci se construit davantage comme une descente aux Enfers avant un retournement de situation final et précipité qui signe cette victoire. La musique elle-même ne parvient que par éclats à réchauffer l’atmosphère sinistre. Pour un spectacle inspiré d’un conte, il nous manque le merveilleux, le rêve. Si le spectacle l’effleure à mesure où il avance, il demeure d’une gravité profonde qui entre en contradiction avec sa volonté de toucher un public familial. Plus qu’un spectacle à destination des plus jeunes, L’Amour Vainqueur fera davantage réfléchir les plus grands sans parvenir à les émouvoir.