Voilà une opérette aux saveurs d’un autre temps que l’on prend plaisir à (re)découvrir sur les scènes du Sud de la France. Le Chanteur de Mexico est un savant mélange de nostalgie et de traditions, qui fait de cette œuvre musicale un plaisir coupable nous invitant à pousser la chansonnette.
Une création des années 1950
Nos plus jeunes lecteurs ne le savent peut-être pas (et n’ont peut-être jamais entendu parler de cette pièce), mais Le Chanteur de Mexico a été créé à Paris en 1951, dans l’écrin flamboyant du Théâtre du Châtelet. Popularisé ensuite par le film de 1956, il reste dans l’inconscient collectif principalement grâce à la chanson iconique rendue célèbre par l’interprétation de Luis Mariano.
Mais Le Chanteur de Mexico est bien plus que cela. C’est avant tout une invitation au voyage. Le livret, s’il peut amuser aujourd’hui par son côté traditionnel et son approche narrative d’un autre siècle, recèle en réalité plus de subtilités et de richesses qu’il n’y paraît. Le scénario a été quelque peu réécrit dans cette nouvelle version, où nous suivons Vincent Etchebar, chanteur et danseur reconnu et admiré dans sa région du pays basque, qui rêve de devenir une vedette de l’opérette. Croisant le chemin d’Eva, une diva de Paris, il en est bien sûr amoureux (tout comme son meilleur ami Bilou), bien qu’elle n’exprime que peu d’intérêt à son égard. Celle-ci préfère céder aux sirènes de la célébrité, et sous l’impulsion de son impresario, accepte une tournée au Mexique où elle doit être accompagnée du ténor Miguelito.
Bilou encourage Vincent à se rendre tout de même à Paris pour tenter sa chance ; les deux amis font la rencontre de Cri-Cri, jeune fille parisienne au franc parlé sans fioritures (que ce soit dans ses attitudes ou ses vêtements). Bilou en tombe amoureux (on ne va pas se mentir, ce personnage a un cœur d’artichaut !) tandis que Cri-Cri n’a d’yeux que pour Vincent qui, bien sûr, ne se rend compte de rien. Si tout cela n’a rien de très original aujourd’hui, à l’ère des séries télé américaines et des rebondissements à répétition, ces situations amoureuses suffisent à créer un intérêt suffisant au théâtre. Par un heureux hasard de circonstances, Vincent va finalement être embauché à la place de Miguelito pour partir avec Eva au Mexique. Tout le monde embarque donc sur le bateau (parce qu ‘à cette époque, Air France n’avait pas encore ouvert ses lignes commerciales régulières!) et traverse l’Atlantique.
Mais pourquoi Miguelito a-t-il refusé cette opportunité professionnelle? Parce qu’il est en réalité un agent secret, hostile à la cause du révolutionnaire Zapata. Toute la troupe s’est finalement jetée dans la gueule du loup, et un complot est mis en place par Tornada (l’alliée de Zapata) et ses hommes de main pour enlever Vincent (que tous les révolutionnaires prennent pour Miguelito). Après de nouveaux rebondissements, le vrai Miguelito fait finalement libérer Vincent avec l’aide des autorités et de Cri-Cri qui n’a cessé de risquer sa vie pour lui. Avec la complicité de Bilou, Vincent réalise qu’il aime Cri-Cri, et tout finit bien sous le soleil de Mexico !
Peu importe la légèreté de l’intrigue, car elle est en définitive bien plus facile à comprendre sur scène, et met à l’honneur des thèmes universels. Surtout, une part importante est laissée à l’amitié (avec la chanson “Quand on est deux amis”). Le personnage de Bilou est central et donne les impulsions pour relancer l’histoire, jusqu’à s’effacer finalement au profit de Vincent pour qu’il puisse vivre son amour avec Cri-Cri. Fabrice Todaro (Cats, Kid Manoir, Merlin la légende musicale) est impressionnant et extrêmement juste dans ce rôle, donnant à Bilou une dimension tantôt dramatique, tantôt humoristique. Il joue avec les codes du théâtre et de la comédie musicale et fait évoluer son personnage sur une ligne de crête, oscillant entre un amoureux transi et une conscience bienveillante pour son entourage et faisant passer ses amis avant lui-même. Ce personnage est attachant, tout comme sa complice Julie Morgane qui incarne Cri-Cri avec conviction et profondeur, la faisant grandir et s’affirmer au fur et à mesure de l’œuvre, passant d’une jeune fille parisienne à une femme tenant tête à des hommes armés pour sauver celui qu’elle aime.
Une nouvelle production dépoussiérée
L’originalité de cette nouvelle production tient sans doute dans cet équilibre subtil entre tradition et modernité, que la metteuse en scène Carole Clin a su trouver. Le Chanteur de Mexico est autant un voyage à travers les continents que dans le temps. Le rideau s’ouvre avec un tableau coloré mais traditionnel, mettant à l’honneur les couleurs rouges et chatoyantes de Saint-Jean-de-Luz. Le décor est lui aussi minimaliste, avec une projection en fond de scène d’une carte postale de la ville, aux couleurs jaunies du siècle dernier. L’ensemble est joli et cohérent, nous plongeons gentiment dans cette atmosphère des années 1950.
Après un début tirant en longueur pour la mise en place des personnages, tout s’accélère et l’arrivée de nos héros à Paris marque un tournant. Cri-Cri nous gratifie d’une prestation vocale des plus mémorables lorsqu’elle entonne “le dimanche matin” (qui, pour l’anecdote, était chanté par Annie Cordy dans le film) ; elle saute de scène, fend la foule, nous fait chanter et taper des mains. Plus tard, le frisson parcourt le public lors du surprenant tableau “Garrimba Dieu des combats” au cours duquel Gilen Goicoechea dévoile sa maîtrise vocale. Juan Carlos Echeverry défend le rôle de Vincent avec justesse, même s’il manque parfois de puissance sur les chansons les plus iconiques (mais aussi les plus difficiles) ; les seconds rôles qui l’entourent sont d’un tel niveau qu’il est délicat de surpasser les uns ou les autre.
On rit de bon cœur lors du concours de chant au Moulin de la Galette, on est ému aux notes de la chanson “Ca m’fait que’qu’chose” ; l’arrivée au Mexique est également un éblouissement. Les costumes bariolés sont un délice pour les yeux, les projections et décors s’affinent, donnant l’impression que la scène double de volume et devient une hacienda ou un palais. C’est un peu comme si, en même temps que Vincent gagne en notoriété et touche du doigt son rêve de célébrité, tout son environnement gagne en beauté et luxe.
Un numéro de bolas particulièrement saisissant est intégré ; il apporte ces touches de modernité qui émaillent les 2 heures du spectacle, au même titre que les adaptations du livret et des dialogues faisant des incursions dans notre monde moderne, avec des clins d’œil à la pop culture (tel l’agent OSS 187 qui évoque la série de romans d’espionnage). La vingtaine de tableaux défile sous nos yeux en nous transportant dans tous les arts du spectacle ; mélange de flamenco et de claquettes, de chansons traditionnelles (“Rossignol de mes amours”), de danse et de ballet, jusqu’au final éblouissant où tous les artistes (chanteurs, danseurs et chœurs) investissent la scène dans leurs costumes d’apparat blancs pour reprendre “Mexico” avec le public (moment de rire, car nous n’avons clairement pas le niveau vocal suffisant).
Cette exigence de la production nous fait oublier les quelques flottements dans la synchronisation des lumières et des changements de décors, qui peuvent se comprendre lorsque l’on sait qu’il n’y a eu que deux représentations de cette opérette. Laquelle pourrait pourtant tenir plusieurs jours au regard de sa qualité, et du public venu en masse. Toutes les générations étaient d’ailleurs au rendez-vous, les grands-parents faisant découvrir à leurs petits-enfants ce spectacle intemporel et des musiques qui, bien qu’éloignées des standards actuels, font partie de notre patrimoine. Saluons à cette occasion les musiciens de l’orchestre de l’Odéon qui accompagnent les représentations et ravissent nos oreilles.
Entre béret basque et sombrero, de Paris à Acapulco, les aventures de Vincent, Bilou et Cri-cri ont mêlé le soleil du Mexique à celui de la Canebière, le temps d’un week-end. Nous espérons que l’expérience sera renouvelée pour permettre au plus grand nombre de venir tenter d’atteindre LA note ultime.
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