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Un retour aux sources
Ce n’est peut-être pas dans le lieu ni le contexte qu’on l’imaginait au départ. Pas en France, ni pour souligner les 30 ans du spectacle, comme souhaité à l’origine. Mais il n’y a surtout pas de regrets à avoir, car Le Fantôme de l’Opéra a finalement pris forme dans la langue de Molière, et ce, de manière éblouissante. Après tout, c’est au romancier français Gaston Leroux qu’on doit cette œuvre (son arrière-petite-fille a d’ailleurs fait le voyage pour la première). Il était donc naturel qu’enfin une adaptation lui rende hommage ; Montréal ayant le privilège de la présenter en exclusivité.
Cette adaptation, on la doit à Nicolas Engel qui a su trouver les paroles justes et cohérentes s’harmonisant avec la magnifique partition d’Andrew Lloyd Webber. Pour chaque pièce, Engel a su tirer l’essence des textes originaux tout en évitant le piège de la traduction mot pour mot. Ainsi, »Think of Me » devient »Souviens-toi », »All I Ask of You » se transforme en »Mon Unique Souhait » et ainsi de suite. A vrai dire, son adaptation est si fluide qu’on en oublie vite les paroles anglaises, pourtant si connues, comme si cette version française avait toujours existée.
Un défi audacieux
Quand le projet de monter Le Fantôme de l’Opéra en français à Paris a dû être abandonné, c’est le travail et le rêve de plusieurs personnes qui s’éteignaient abruptement. Rêvant lui-même de produire ce spectacle, Alexis Pitkevicht, directeur général de l’Orchestre de la Francophonie, a alors tout mis en œuvre pour le sauver en négociant les droits. Avec l’appui de son directeur artistique Jean-Philippe Tremblay et le soutien de son équipe composée de seulement 8 personnes, il a transformé son rêve personnel en véritable projet collectif. Nul doute que le défi audacieux qu’il a relevé aux côtés de l’OF motivera des producteurs à faire de même en France, là même où l’œuvre a vu le jour !
Une version concert
Si Le Fantôme de l’Opéra a eu autant de succès depuis sa création, c’est bien sûr pour sa musique et son histoire enivrantes, mais également pour tout l’aspect scénique, les décors flamboyants et les effets spéciaux qui lui sont propres. On pense par exemple à la célèbre pièce-titre dans laquelle on suit le Fantôme et Christine dans les catacombes de l’Opéra ; scène d’ailleurs réinventée de manière encore plus impressionnante dans la toute dernière mouture du spectacle.
Ne s’en tenir qu’aux chansons dans une version concert faisait donc craindre une incomplétude. Et pourtant, revenir à l’essence même du spectacle, les voix et la musique, prouve à quel point tout le reste n’est finalement qu’artifice. Les interprètes sont bien sûr maquillés et costumés, quelques éléments du décor demeurent (comme le lustre) et l’éclairage est savamment utilisé. Pour chaque scène, un écran façon cinéma muet, indique le lieu de l’action : »Le labyrinthe souterrain », « Le bureau des directeurs », »Le toit de l’opéra », etc. Au lieu d’un décor à proprement dit, c’est plutôt la soixantaine de musiciens de l’OF qui occupe la scène avec au centre Jean-Philippe Tremblay qui les dirige.
Dans un espace restreint et sans les décors habituels, le metteur en scène Étienne Cousineau a fait preuve de beaucoup d’ingéniosité. Il a d’ailleurs eu la brillante idée de placer le Fantôme juste derrière le chef d’orchestre quand cela s’y prêtait ; parvenant ainsi à toujours raconter l’histoire de la comédie musicale, même en version concert. Un clin d’œil à la chorégraphie mythique du numéro « Mascarade » est même fait, hommage à la chorégraphe originale du spectacle Gyllian Lynne qui nous a quittés il y a quelques jours.
A l’avant, deux rangées de micros orientés vers le public voient aller et venir les dix-neuf interprètes. Chacun est dans son rôle, toujours tourné vers la salle, mais interagissant également avec ses partenaires dans certains morceaux-clés.
Une distribution du tonnerre
Et parlons-en de ces interprètes. Quel coup de force d’avoir su trouver exactement les bons artistes pour chacun des rôles, à commencer par Hugo Laporte (Le Barbier de Séville), exceptionnel dans la peau du Fantôme. Sa voix puissante et solide, mais aussi son jeu convaincant en font un maestro à la fois mystérieux, effrayant et sensible. Sa partenaire, Anne-Marine Suire, resplendit pour sa part dans le rôle de Christine Daaé qu’elle devait d’ailleurs interpréter à Paris en alternance avec Sierra Boggess. La soprano est parfaite autant vocalement que dans son interprétation. Le jeune ténor Guillaume Beaudoin (Raoul) complète finalement le triangle amoureux lui aussi avec conviction, berçant nos oreilles de sa belle voix.
Les personnages secondaires ne déçoivent pas non plus, spécialement Natalie Choquette qui a trouvé un rôle fait sur mesure avec la Carlotta ; la soprano multilingue ayant passé sa carrière à se glisser dans la peau de divas excessives.
Présentée à guichets fermés pour deux soirs seulement au Monument-National de Montréal, espérons que cette version concert en français n’en est qu’à ses débuts. Un magnifique spectacle qui mérite une longue vie, au Québec comme en France et tous les pays francophones qui auront la bonne idée de le produire !
Le Fantôme de l’Opéra, d’Andrew Lloyd Weber (musique), Charles Hart (paroles) et Richard Stilgoe (paroles et livret) d’après le roman Le Fantôme de l’Opéra par Gaston Leroux
En version concert en français
Les 13 et 14 juillet 2018
Au Monument-National de Montréal
Adapation : Nicolas Engel ; Directeur du projet : Alexis Pitkevicht ; Direction artistique/musicale : Jean-Philippe Tremblay ; Mise en scène : Étienne Cousineau ; Costumes : Étienne Cousineau en collaboration avec l’équipe du Grand Costumier ; Maquillage : Académie SLA.
Avec : Hugo Laporte, Anne-Marine Suire, Guillaume Beaudouin, Etienne Isabel, Natalie Choquette, Sébastien Comtois, Sylvain Paré, Geneviève Charest, Lucie St-Martin, Marie-Pier Chamberland, Jocelyne Cousineau, Marie-Claire Drolet, Guillaume Dubois, Benoît Godard, Frédérique Labelle, Ariane Morneau, Marie-Michèle Rivest, Serge Turcotte et Jérémie Turgeon.
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