Installé au théâtre le Lucernaire à Paris jusqu’au 19 janvier prochain, Le Malade Imaginaire en La Majeur propose une adaptation musicale drôle et décalée de la célèbre pièce de Molière. Notre avis.
Prenez 4 artistes, 10 rôles, 1 malade imaginaire et 1 grand classique de Molière adapté en spectacle musical. Le tout donne Le Malade Imaginaire en La Majeur, une pièce musicale enlevée et enjouée, composée et mise en scène par Raphaël Callandreau (Ego-système, le musée de votre existence). Cette adaptation, créée en 2018 avec des débuts parisiens à la Comédie des 3 Bornes, a été nommée à cinq reprises lors de la troisième édition des Trophées de la Comédie Musicale et a fait plusieurs passages très remarqués au Festival d’Avignon, notamment cette année. Depuis le 6 novembre dernier, elle est à l’affiche du théâtre Le Lucernaire à Paris où elle se jouera jusqu’au 19 janvier 2025, avant un départ en tournée jusqu’au 12 juin prochain.
Un malade en musique
L’histoire, bien connue, ne diffère pas de celle de la dernière œuvre de Molière – malgré quelques raccourcissements et suppressions de personnages. Il s’agit de celle d’Argan, un homme persuadé de souffrir de plusieurs maux qui décide, pour se rassurer et avoir une assistance à portée de main, de marier sa fille Angélique au médecin Thomas Diafoirus. Mais celle-ci en aime un autre et entend bien ne pas se laisser faire, aidée en cela par Toinette, sa servante et confidente…
Le pari de mettre en musique cette satire de Molière paraît plutôt naturel, celle-ci étant à l’origine une comédie-ballet en trois actes et en prose. Le parti pris, ici, est donc de mêler au texte original de l’auteur quelques chansons que l’on croirait écrites pour l’œuvre dès le départ… si ce n’est les quelques anachronismes et clins d’œils à notre société actuelle plutôt bien trouvés (place des femmes, dérives de la médecine, etc…). Le tout, de manière plus condensée et en respectant autant que possible l’esprit et le ton de Molière. Il en résulte un spectacle musical rythmé et entraînant où le comique de répétition et de situation est omniprésent, et où les quiproquos s’enchaînent pour le plus grand plaisir du public.
Des morceaux sur-mesure
Sur scène, quatre artistes se partagent les rôles. Si l’on pourrait craindre de perdre le spectateur, il n’en est rien ; tout s’articule parfaitement et en un seul changement de ton ou d’accessoire, les interprètes parviennent à donner vie et à distinguer la dizaine de personnages qu’ils incarnent. Depuis la création du spectacle, de nombreux artistes se sont ainsi succédés pour leur donner vie. Actuellement, sur les planches du Lucernaire, on peut retrouver Cécile Dumoutier dans la peau de Toinette et Bélise, la femme d’Argan ; Marion Peronnet (La Révolution Française) dans celle d’Angélique ; Arnaud Schmitt dans la robe de chambre brodée du malade Argan ; et enfin Simon Froget-Legendre (La Crème de Normandie ; La Boule Rouge), qui a la lourde tâche de jongler avec tous les autres rôles tout en accompagnant ce petit monde au piano. Le jeu est juste et drôle, les voix harmonieuses, l’espièglerie toujours présente.
Côté décors et mise en scène, rien d’extravagant : un fauteuil, un piano et pour tout autre habillage, le talent de ces 4 interprètes qui parviennent à nous faire passer d’une situation à l’autre avec habileté. La partition, elle, offre des mélodies entraînantes au piano et des textes collant parfaitement avec l’ambiance de l’œuvre. On retrouve d’ailleurs au travers de quelques airs des thèmes récurrents chez Molière, comme par exemple dans les morceaux « La place d’une femme » ou encore « Laissons faire la nature ». Parmi les points à déplorer, en revanche, des dialogues parfois difficilement compréhensibles dus au débit très soutenu des artistes.
Le Malade Imaginaire en La Majeur est donc une pièce musicale divertissante et légère qui, si elle souffre parfois de quelques longueurs, parvient parfaitement à remplir son rôle : faire sourire le spectateur, du plus jeune au plus âgé. La plus jeune génération peut y trouver une porte d’entrée parfaite vers l’œuvre théâtrale de Molière, tandis que les autres redécouvriront avec plaisir un classique dépoussiéré pour l’occasion. Il n’y a donc pas qu’au Dôme de Paris que Jean-Baptiste Poquelin retrouve un second souffle en musique ; pour le découvrir, rendez-vous jusqu’au 19 janvier prochain au Lucernaire !