Avec Le Tour du Monde en 80 Jours, actuellement au Théâtre Mogador jusqu’au 26 avril prochain, le duo Salvia & Vidal propose encore une fois un spectacle familial de qualité, qui puise son inspiration dans la culture du musical anglo-saxonne et dans la continuité directe des Aventures de Tom Sawyer. De quoi ravir petits et grands !
Double D Productions a encore frappé ! Après Marc Twain et la comédie musicale Les Aventures de Tom Sawyer, nommé aux Molières en 2019 et auréolé des prix de la meilleure partition, du meilleur spectacle jeune public et du trophée du public lors de l’édition 2018 des Trophées de la Comédie Musicale, c’est au tour de l’univers de Jules Verne d’inspirer le trio formé par Ludovic-Alexandre Vidal, Julien Salvia et David Rozen. Plus particulièrement Le Tour du monde en 80 jours, publié en 1872. Depuis le 8 février dernier, leur adaptation musicale de ce roman d’aventures a fait escale au Théâtre Mogador de Paris, où il sera à l’affiche jusqu’au 26 avril prochain.
Et pour cette nouvelle création, on ne change pas une équipe qui gagne : outre Ludovic-Alexandre Vidal (paroles et livret), Julien Salvia (musique) et David Rozen (mise en scène), on retrouve une nouvelle fois Larry Blank et Antoine Lefort aux orchestrations, ou encore Johan Nus aux chorégraphies. Le tout sonne comme à Broadway et recrée la magie qui avait déjà fait le succès des Aventures de Tom Sawyer, pour nous relater cette fois-ci la folle aventure autour du globe du gentleman anglais Phileas Fogg et de son domestique français Passepartout. En 1872, suite à un pari qui permettra à Phileas de prendre la tête du Reform Club de Londres, les deux compères s’engagent en effet à faire un tour du monde en 80 jours, à l’heure de la révolution industrielle et du développement tous azimuts des transports. C’est sans compter sur le trio formé par le perfide Thomas Flanagan, qui brigue également la présidence du Reform Club, la maladroite Miss Morris et l’inspecteur Fix, qui n’auront de cesse de retarder cet improbable voyage et de mettre des bâtons dans les roues des deux héros…
Une mise en scène et une distribution des plus réussies
Dès le lever du rideau, qui représente une immense rose des vents égrenant un tic-tac symbolisant la course contre la montre de Phileas Fogg, le spectateur est immédiatement plongé dans un univers empreint de magie et de poésie. Les très jolis costumes de Marie-Caroline Béhue et la scénographie astucieuse et colorée y sont pour beaucoup, nous faisant passer aussi bien des rues pavées de Paris à la jungle indienne en passant par un souk du Moyen-Orient. Le tout grâce à quelques toiles de fond, des lumières soignées et des modules en bois qui se transforment, s’adaptent et s’emboîtent au gré des pérégrinations de Fogg et Passepartout. Musicalement, la partition suit également le mouvement et se colore des influences de chaque pays que traversent les héros. Tout cela permet de dérouler le fil de l’histoire et du périple de manière ingénieuse, sans jamais perdre en cohérence. Ainsi, le voyage se fait aussi bien pour les protagonistes sur scène que pour le public… Certes, les clichés sont légion mais cela participe aussi au ton du spectacle et ne manque pas de susciter les éclats de rire dans la salle.
Autre vrai point fort de ce Tour du Monde en 80 jours : sa distribution, avec onze comédiens-chanteurs tous plus talentueux les uns que les autres, qui incarnent leur rôle à la perfection et n’hésitent jamais à forcer le trait pour notre plus grand plaisir. Véronique Hatat (Les Aventures de Tom Sawyer ; Grease à Mogador) campe entre autres une Miss Morris hilarante, Harold Simon (La petite fille aux allumettes ; Jack, l’éventreur de Whitechapel) un Phileas Fogg plus flegmatique que jamais, Guillaume Beaujolais (La petite fille aux allumettes ; Robin des bois, la légende… ou presque) un parfait inspecteur Fix, ambitieux et méfiant jusqu’au bout de sa cape à carreaux, et Clémence Bouvier (We Will Rock You ; La folle histoire du Petit Chaperon Rouge) une princesse Aouda vocalement irréprochable. Du jeu au chant en passant par la danse, chacun est à sa place et enchaîne les tableaux sans temps mort et sans fausse note. Mais la véritable pépite de ce spectacle est sans conteste Guillaume Sentou, lauréat du Molière de la Révélation Masculine en 2017 pour son rôle dans la désormais culte pièce d’Alexis Michalik, Edmond, qui incarne ici un Passepartout aussi à l’aise avec le chant et la danse qu’avec la comédie. Décidément, cet artiste sait tout faire, et il le fait bien !
Malgré quelques très légers bémols – un premier acte un chouïa trop long et une partition qui peine un peu à se démarquer de celle des Aventures de Tom Sawyer, notamment –, Le Tour du Monde en 80 Jours est assurément un spectacle musical enjoué, coloré et réussi, qui s’inscrit dans la plus pure tradition des musicals anglo-saxons et devrait parvenir à mettre tout le monde d’accord, du plus petit au plus grand. Un moment régressif et réjouissant qu’il serait dommage de manquer !
Crédit photos : Maxime Guerville