Critique : “L’Extraordinaire Destinée de Sarah Bernhardt”, au Théâtre du Palais Royal jusqu’au 22 décembre 2024

Temps de lecture approx. 5 min.

Depuis la fin du mois d’août, le Théâtre du Palais Royal accueille sur ses planches une production dédiée à une des femmes les plus identifiées du XIXème siècle : l’iconique Sarah Bernhardt. Entre récit historique et fable féministe, cette création répond dans son ensemble à l’exigence nécessaire au récit autobiographique tout en affirmant un style – peut-être trop classique – qu’il aurait été intéressant de contourner.

Le rideau s’ouvre sur une scène révélant une figure féminine nous faisant une impression d’un retour entre les morts. Sarah Bernhardt, l’une des plus grandes actrices de tous les temps, nous invite à la suivre dans le récit de son existence. De son enfance au couvent qui accueille ses premières tirades, à la fin de sa vie où elle se retrouve infirme et désargentée, la création signée Géraldine Martineau (aussi à la mise en scène) a une approche juste de la vie de son héroïne.

L’image de la liberté

Très vite, l’assurance et la détermination frisant l’originalité de Sarah Bernhardt font figures de sa motivation à ne dépendre de personne. La dominance du patriarcat est trop peu soulignée dans le récit même si nous percevons le ton perfide des injonctions dont elle est témoin et victime, au cœur même de sa propre famille. Sa mère lui apprendra qu’il n’y a pas beaucoup de scénarios à l’indépendance pour une femme : être courtisane ou bien mariée. Elle choisira de gagner son propre argent en travaillant. Et ça, c’est résolument avant-gardiste. Hommage à la modernité, le récit s’appuie sur les épisodes les plus marquants de sa vie, qui trouvent facilement écho aujourd’hui. L’international, les multiples métiers et l’assurance de ses convictions, elle dépasse les limites imposées par la société et joue les premiers rôles féminins mais aussi masculins de sa jeunesse à sa vieillesse.

Du fait d’une vie riche à raconter, le récit souffre de longueurs et d’une certaine redondance dans l’enchaînement des séquences. De façon assez didactique et linéaire, on passe les années avec comme points de repère, les évolutions physiques de la comédienne caractérisées par un changement de coiffure et de costumes que l’on connait bien, ou bien, la diffusion de photos ou de vidéos en arrière-plan comme pour aider le spectateur à se référencer. Face à la modernité des situations, l’approche scénographique reste malheureusement assez classique et aurait tendance à renforcer à tort le fossé des époques. Aussi, certaines scènes souffrent d’une mise en scène trop chargée. Les moments les plus intimes de la vie de Bernhardt sont parfois noyés sous des effets visuels trop grandiloquents qui cassent la tension dramatique. Musicalement, les titres se fondent dans la narration et s’apprécient d’autant plus que le récit est assez épais. Et dans tout cela, 7 artistes accompagnent cette fantastique histoire.

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La force de ses interprètes

Si Sarah Bernhardt était une femme de caractère, il était important de trouver une interprète capable de captiver son public. La voix (point commun avec son personnage) si particulière d’Estelle Meyer est saisissante et parvient à transcender les nombreux épisodes de la vie de l’artiste. Elle maîtrise aussi la nuance qui la caractérise, la rendant tout à tour séductrice, vulnérable et avant tout libre de tout. Musicalement, la voix est tout aussi forte. Estelle Meyer (à qui l’on doit la musique et les paroles) se distingue par son habilité à incarner les contradictions profondes qui font l’identité et la renommée de Sarah Bernhardt : une force qui dissimule une fragilité intime notamment dans les scènes qui retracent la vieillesse et les blessures physiques de l’artiste. Ce rôle demande un charisme et une présence scénique magistrale ; Estelle Meyer s’en acquitte avec brio, rappelant pourquoi Sarah Bernhardt est encore aujourd’hui un mythe théâtral.

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Si Estelle Meyer est épatante, le reste de la troupe est tout aussi solide. Chacun des interprètes arrive à jouer l’entourage de l’actrice sans tomber dans la caricature et beaucoup de complicité émane de leur jeu. A la fois reflets de la société parisienne du XIXème siècle ou intimes de l’actrice, ils s’attachent à mettre en relief sa personnalité et restent au cœur des moments les plus dramatiques de l’histoire en y apportant une respiration importante et bienvenue. Certaines relations sont plus touchantes que d’autres. Le public retiendra celle qui lui parle. Le duo mère/fille reste l’un des plus intéressants car complexe du fait de la dualité de leur relation. L’ensemble vocal est aussi ravissant. Les chœurs – joliment exécutés – soulignent les triomphes publics sur les scènes internationales. Ces moments d’exaltation musicale permettent de saisir pleinement l’ampleur de la renommée de la comédienne et de l’adulation que lui portait le public de l’époque. Dommage que la partition ne soit pas plus étoffée pour accompagner au plus près la dimension épique de sa vie. 

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L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt est un spectacle musical qui, malgré quelques longueurs et une approche plutôt classique, réussit à traduire l’essence de cette grande actrice de théâtre. Grâce à une performance exceptionnelle d’Estelle Meyer, il offre au public un voyage à travers les tourbillons de l’âme artistique. Une belle reconstitution pour les amateurs de théâtre et d’histoire. Peut-être moins pour les amateurs de spectacle musical qui pourraient ressortir un peu frustrés du fait d’une partition musicale peu présente.

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Crédit Photo : Fabienne Rappeneau

L’Extraordinaire Destinée de Sarah Bernhardt
Image de Eve-Marie Leroy

Eve-Marie Leroy

Enfant d’une mère passionnée de films musicaux et d’un père amateur de jazz et d’opéra, je ne pouvais que tomber dans la marmite des comédies musicales. Cela fait 30 ans que Mary Poppins est entrée dans ma vie et depuis, je jongle entre les classiques de Broadway mêlant claquettes et chapeaux haut de forme et les propositions plus avant-gardistes. Grande admiratrice d’Andrew Lloyd Webber dans un corps de Responsable Ressources Humaines, MusicalAvenue est l’occasion pour moi d’intégrer une troupe de passionnés de cette belle discipline qu’est le Musical
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